Méditation : Un peu (No 118)

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Évangile du Samedi 5 février 2022 – 4e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Ils étaient comme des brebis sans berger » Mc 6, 30-34

En ce temps-là, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

Méditation

L’évangile débute avec cette joie et cet enthousiasme des apôtres à la suite de ce qu’ils ont “fait et enseigné” au nom de Jésus. Non seulement ont-ils dû être émerveillés de voir l’action de Dieu et de son Esprit, et approfondir ainsi le mystère de Dieu, mais chacun a découvert un peu plus le mystère de son appel, de son identité filiale ! En fait, quand on est saisi de l’intérieur par la grâce de la mission, nous sommes transportés intérieurement et conduits aux confins de l’humain et du divin.

Jésus est sûrement heureux de voir l’enthousiasme qui les porte mais il sait que, sur le chemin de la mission, il y a la croix et que l’euphorie des premiers temps va s’étioler quand ils seront frappés par la contradiction face au monde de ce qu’ils font et enseignent. Avec la fatigue de ce combat qui va s’ouvrir, peuvent venir le découragement et les tentations qui ne manqueront pas, spécialement celle de retourner en arrière, sur le chemin d’autrefois. C’est pourquoi Jésus leur dit ces mots : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Il doit leur enseigner un aspect important de l’attitude intérieure à avoir au coeur de la mission.

Le récit nous dit qu’ils partent, et donc remontent en barque pour traverser la mer de Galilée mais qu’ils seront précédés par la foule qui, ayant remarqué leur départ, se précipitera au point d’arrivée pour les attendre. Ce qui me frappe ici, je crois pour la première fois, est que l’invitation de Jésus se réalise en fait au coeur de la traversée. Il me semble que cette réalité nous enseigne que la mise à l’écart dans un endroit désert et le “un peu de repos” doit se trouver dans la traversée même de la mission (et non en cherchant à s’écarter du combat).

Assurément, dans cette traversée nous sommes appelés à ménager des temps d’arrêt dans la prière mais il y a plus. Ce plus tient à apprendre, il me semble, à vivre la mission dans cet “endroit désert du coeur” où Dieu nous attend toujours. En d’autres mots, la seule façon de durer dans la mission est de toujours demeurer intérieurement unis au Seigneur, qu’importe ce qui nous est demandé ou qu’importe les exigences du chemin ou de la traversée. Il n’y a donc pas la mission et la prière mais la prière qui devient mission et la mission qui devient prière. Ou dit autrement, la Présence vécue en tout.

Il est vrai que, dans la joie et l’enthousiasme de la mission, nous pouvons tomber dans l’euphorie en se centrant sur les satisfactions que nous apportent la mission. Il y a là le danger d’oublier Dieu, tout comme de glisser subtilement vers la recherche de notre propre reconnaissance, de l’amour des autres et de l’attachement aux bénéfices que nous y trouvons. Si bien que nous glissons de plus en plus de Dieu à nous, et à notre propre suffisance; Lui ne grandit plus, car nous ne savons diminuer. Tranquillement, arrive le jour où nous sommes épuisés et vides, car nous avons perdu de vue dans notre traversée de toujours demeurer de coeur avec Dieu et, ainsi, d’être préservés de la coupure avec notre Source. Nous pourrions regarder si une telle chose nous est arrivée en nous demandant pour quelles raisons nous accomplissons notre mission et, surtout, par, avec et en qui nous l’accomplissons ?

Au coeur même de toutes les agitations, de tous les conflits, de toutes les fatigues et de toutes les exigences de la mission, Jésus veut nous apprendre à nous reposer en Dieu, c’est là le coeur du sabbat et de l’eucharistie chrétienne. Que tout ce que nous faisons et disons parte, dans l’Esprit, de la Parole du Père qu’est le Fils, et si nous nous y tenons tout nous sera donné par surcroît. Mais la condition, elle peut sembler à première vue étrange. Elle se libelle comme suit “un peu” (“reposez-vous un peu”).

“Un peu”, cette expression sous différentes formes revient souvent dans l’évangile. Nous l’avons vu avec “l’effleurement de la foi” de l’hémorroïsse. Nous l’entendons dans le fait que la foi est “petite” comme un grain de sénevé. Chez Jean le Baptiste qui dit que Jésus doit grandir et lui diminuer. Sur le chemin de la mission, Dieu nous demande “un peu”. Seul un peu de foi nous suffit pour que le débordement de la Vie de Dieu nous traverse pour se répandre sur les autres par notre mission. Seul un peu de foi nous donne le repos en Dieu. Dans chaque parole et chaque geste que nous posons, nous sommes appelés, à chaque fois, à effleurer de foi le Fils pour que toute guérison, résurrection et miracle soient possibles.

Nous sommes donc appelés à nous souvenir que notre mise à l’écart et notre repos font partie de la grâce de notre traversée et qu’ils nous sont donnés par Dieu. Il est donc important, dans tout ce que notre mission implique, de ne jamais oublier le “peu”. C’est d’autant plus important que c’est ce “peu” sur lequel repose la fécondité de notre mission et l’assurance de ne pas errer en demeurant ancrés en Dieu. J’ai vu tant d’hommes et de femmes qui, après tant d’années de ministère étaient vidés, car, simplement et imperceptiblement, ils en étaient venu à oublier “le peu”, “le peu” de la foi”, “le peu” de leur appel, “le peu” de leur mission.

Quant au terme de la traversée, il ne nous appartient pas, sinon que nous y attend une foule, de nouvelles exigences et défis, de nouvelles fatigues, et, au lieu même de cette nouvelle arrivée, nous devons recommencer une nouvelle traversée en apprenant à nouveau, mais de manière encore plus profonde, “le peu” de la foi. Cela ne nous apparaîtra pas évidemment au départ la manière de vivre cette nouvelle traversée dans l’écart, le repos et “le peu”, car tous ces aspects nous sont donnés par Dieu au coeur toujours d’une traversée. Nous n’en sommes donc pas les maîtres. “Le peu” de la foi nous sera montré par le Christ et il nous permettra de cheminer dans l’obscurité de la Présence de Dieu (envelopper de sa nuée) qui ne nous manquera pas.

Alors avançons au large grâce “au peu” de la foi !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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