Méditation : La Vérité, victime du mal (No 117)

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Évangile du Vendredi 4 février 2022 – 4e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Celui que j’ai fait décapiter, Jean, le voilà ressuscité ! » Mc 6, 14-29

En ce temps-là, comme le nom de Jésus devenait célèbre, le roi Hérode en entendit parler. On disait : « C’est Jean, celui qui baptisait : il est ressuscité d’entre les morts, et voilà pourquoi des miracles se réalisent par lui. » Certains disaient : « C’est le prophète Élie. » D’autres disaient encore : « C’est un prophète comme ceux de jadis. » Hérode entendait ces propos et disait : « Celui que j’ai fait décapiter, Jean, le voilà ressuscité ! » Car c’était lui, Hérode, qui avait donné l’ordre d’arrêter Jean et de l’enchaîner dans la prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, que lui-même avait prise pour épouse. En effet, Jean lui disait : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. » Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mourir. Mais elle n’y arrivait pas parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.
Or, une occasion favorable se présenta quand, le jour de son anniversaire, Hérode fit un dîner pour ses dignitaires, pour les chefs de l’armée et pour les notables de la Galilée. La fille d’Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. » Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c’est la moitié de mon royaume. » Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu’est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean, celui qui baptise. » Aussitôt la jeune fille s’empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. » Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment et des convives, il ne voulut pas lui opposer un refus. Aussitôt il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison. Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.
Ayant appris cela, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.

Méditation

Ce texte d’évangile est pénible à écouter, dur et scabreux. Jean le Baptiste, cet homme du désert vêtu du peau de chameau, venu proclamer un baptême de conversion pour le pardon des péchés (Lc 3,3), révélant le Salut de Dieu à tous (Lc 3,6) a fini sa vie décapité, victime du péché humain. Il a préparé le chemin du Seigneur, transparaissant la Vérité et dénonçant des comportements inadéquats afin de rendre droit ses sentiers (Lc 3,4). Il a osé contester le vicieux agir de Hérode « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. » au risque d’avoir le roi sur son dos, au risque de sa vie. Jean n’a pas uniquement prêché la droiture et la Vérité, lui-même il les a vécues et a agi dans la Vérité et avec droiture.

Malheureusement, le chemin de bonheur qu’il avait montré était impensable, imprenable pour Hérode; son cri, lancé du désert, a dérangé Hérodiade qui dormait tranquillement à l’ombre du mal. Et le drame s’est joué, à travers des figures humaines qui, chacune a perverti la vérité à son image, au service de sa gloire et de son intérêt. Pour la fille d’Hérodiade, la vérité est de plaire. Elle danse pour plaire et elle se suffit de cela. Elle est habitée par un immense vide, elle n’existe que dans le regard et le désir des autres. Même lorsque le roi lui a proposé une récompense, elle n’a pas su quoi demander, elle s’est identifiée complètement au désir et à la passion de sa mère pour les faire siennes.  

Hérodiade quant à elle, sa seule vérité est l’empire qu’elle veut se faire bâtir à travers les richesses et le pouvoir du roi. Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins, pour servir sa haine froide et sa soif de vengeance.

Hérode, entrainé par de fausses vérités trompeuses, tissées de plaisirs vains, d’ivresses de pouvoir et de richesses, d’appétits féroces pour son moi possessif, il s’est fait prendre par les tentacules empoisonnés d’Hérodiade. Ivre de vin et de désirs vils, il s’est laissé manipuler par elle, tel un sosie en carton (Zundel) sans face ni identité propre, glissant ainsi jusqu’au fond du péché, péché d’orgueil, de vanité et de cruauté. Pourtant, la Vérité avait interpellé une conscience en dormance au fond de lui, puisqu’au départ Hérode estimait et craignait Jean, il reconnaissait en lui la justesse et la sainteté. Cependant, il a voulu détourner la vérité au profit de ses passions, au point où ces derniers sont devenus sa vérité. Saint Augustin disait: « La vérité est aimée à ce point que ceux qui aiment autre chose veulent que ce qu’ils aiment soit la vérité. »

Même si Hérode a l’air de se ressaisir et de mesurer l’étendue de son crime, « Celui que j’ai fait décapiter, Jean, le voilà ressuscité ! », l’encre avec lequel son péché a été tracé ne s’effacera plus, tout comme celui de Pilate qui, lui aussi, a louvoyé avec la vérité.

Ce texte décrit bien le drame du mal qui continue à se jouer encore jusqu’à nos jours, dans un monde où Dieu a perdu sa place à cause du péché et le péché a perdu son sens à cause de l’absence de Dieu.

La Vérité reste encore la victime privilégiée du mal, captive dans la citadelle de nos intérêts et de notre orgueil, elle ne peut parler que sur demande et avec des arguments en notre faveur.

Qu’est-ce qui réside alors au cœur de tous nos conflits d’hommes et de nations, au cœur de toutes nos guerres ? Serait-il un conflit plus profond encore, celui de notre rivalité avec Dieu ? De notre autosuffisance face à son Amour ? De notre désir de possession, jusqu’à vouloir posséder l’autre et créer une vérité à notre mesure ?

Le mal n’est pas seulement dans les conditions naturelles de la vie, ni dans les constitutions sociales mais surtout et d’abord au plus profond de notre cœur. Il existe réellement à chaque refus de notre part de l’amour de Dieu et à chaque atteinte à l’intégrité et à la plénitude de l’autre. Par nos paroles, nos refus de la Vérité, nos désirs de possessions, nos passions, nos profits… nous pouvons chaque jour décapiter Jean et crucifier Jésus.

Veillons les uns sur les autres afin de ne pas glisser hors de notre être en Dieu, hors de la Vérité, hors de l’Amour, hors de la Parole, vers le mal qui nous convoitise et nous abolit.

Comme Jean, osons répondre devant l’autre de l’Espérance de Jésus, osons témoigner de la Présence libératrice au fond de chacun(e) de nous, osons aventurer notre vie pour le Christ (Ste Thérèse d’Avila).

Comme le marchand de perle qui a tout vendu pour acheter la perle précieuse, cherchons la vraie richesse intérieure, seule capable d’engendrer l’espace d’amour où la vérité surgit comme une Présence.

Il ne s’agit pas d’avoir la vérité, d’avoir toujours raison sur les autres mais d’être vérité dans la seule Vérité qui est le Christ. Pour cela, il nous faut se tenir toujours en mode de présence à la Présence en nous, qui nous éveillera à la vigilance dans l’extrême gratuité, à la lucidité dans l’extrême amour et à la plénitude dans l’extrême don de soi.

Gladys El Helou

DROIT D’AUTEUR

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