Évangile du vendredi 8 octobre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous» Lc 11, 15-26
En ce temps-là, comme Jésus avait expulsé un démon, certains dirent : « C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan, lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites en effet que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. »
Méditation
Le texte d’aujourd’hui s’ouvre sur la manifestation de la présence du démon, « comme Jésus avait expulsé un démon », ce qui probablement, n’est pas notre sujet préféré. Chaque fois que les écritures nous parlent du démon, nous nous sentons peut-être un peu mal à l’aise.
Au temps de Jésus, le diable était un élément socioculturel de l’époque. Dans nos sociétés d’aujourd’hui, parler de démon évoque un malaise à notre mentalité contemporaine, d’autant plus que des noms tel que Béelzéboul, Satan, esprit impur ne figurent plus dans notre vocabulaire actuel moderne.
À l’origine, le mot « diable » était un verbe du latin « diabolo » dont l’étymologie grec « diábolos » signifie celui qui divise, qui désunit, qui barre le chemin. Ce diable, n’habite-t-il pas encore notre monde aujourd’hui ?
Qu’en est-il de nos divisions, de nos ruptures, de nos guerres, de nos génocides humains, de nos refus de l’autre, de nos toutes-puissances, de toutes nos formes de dépendance (à la consommation, au travail, à l’alcool, à la drogue…), de toutes nos formes d’abus et de tous nos maux qui causent des ruptures avec soi, avec l’autre et avec Dieu ? C’est indéniable, nous sommes et serons constamment confrontés au mystère du mal dans notre humanité. Sommes-nous « acteurs », « victimes », ou « manipulateurs » de ce mal ? Ou peut-être tout cela ensemble?
« C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons. »
Ce qui me semble déroutant dans ce texte, c’est l’extension que l’homme est capable de donner au pouvoir du diable ou du mal. Jésus, le fils du Dieu vivant, est contesté par ses contemporains. Ses gestes d’amour, de miséricorde et de libération sont attribués à un pacte conclu avec le chef des démons. C’est triste de voir comment ces personnes refusent de désapprendre et sont incapables de basculer dans la foi, dans le mystère de l’origine de Jésus en Dieu.
Loin de les rejeter, Jésus va à la rencontre de leurs pensées obscures qu’Il connait bien, pour y répandre la Lumière et leur montrer le chemin du Salut, malgré leur refus et l’atrophie de leur cœur. Il avance des arguments à leur mesure humaine. « Si Satan, lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? »
Si Jésus expulse les démons avec l’accord de leur chef, c’est qu’il y a une guerre civile qui ravage leur royaume, qui est alors voué au chaos et à la destruction.
« Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. »
Si leurs disciples peuvent chasser les démons sans être reliés à leur chef, eh bien pourquoi pas Jésus ? Les réponses de Jésus montrent l’absurdité des arguments de ses contradicteurs, encore plus, elles portent en elles tout un message d’espérance et de lumière.
Quel contraste, de voir Jésus, qui est la véritable Lumière, porter humblement avec nous, la souffrance d’être la cible privilégiée du mal et de le voir confronté, comme nous le sommes à tous les jours, à l’éclatement du combat du mal !
Quelle souffrance pour Jésus de nous voir abolir en nous notre finalité surnaturelle, notre identité filiale, de nous voir choisir le royaume du mal, celui du diable et non le Royaume de Dieu.
« Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. »
Dans l’Ancien Testament, le doigt de Dieu a écrit les tables de loi à Moise (Ex31,18). Aujourd’hui, n’est-il pas l’Esprit de Dieu qui trace dans notre cœur profond, la Parole du Verbe que nous sommes ?
« Vous êtes manifestement une lettre de Christ, écrite, par notre ministère, non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs. » (2 Cor 3,3)
À lire attentivement l’évangile d’aujourd’hui, je me réjouis profondément car je n’ai pas à m’appuyer sur mes forces et mes capacités pour vaincre le mal, mais sur Jésus, Lui la lumière qui repousse l’opacité des ténèbres, Lui qui est la victoire sur le mal. Les portes du mal ne résistent pas à Sa Puissance. Quel soulagement et quelle bonne nouvelle pour nous tous!
Dans l’intime de notre être, il y a un Royaume dont jamais Dieu ne se retire; c’est le lieu de notre genèse éternelle en Lui, où Son doigt continue à modeler notre être à Son image. Ce don que nous sommes ne peut s’accomplir que par notre réponse à son appel et par notre choix libre d’y consentir.
Ne cherchons pas désespérément à essayer de comprendre le mystère du mal, soyons seulement conscient du ravage qu’il fait en nous, en l’autre et osons poser notre choix. Il me semble que nous ne pouvons pas être neutre, sois que nous sommes avec Lui, ou soit que nous sommes contre Lui. Alors quel royaume choisissons-nous aujourd’hui ?
Choisissons-nous le royaume du mal qui nous détourne de notre être filial, qui nous sépare de la Source, qui nous déshumanise ? Ou choisissons-nous le Royaume de Dieu qui nous libère et nous permet de s’approprier notre humanité afin de cheminer vers la promesse que nous sommes, vers notre filiation divine ?
Inventons au jour le jour, les chemins qui nous mènent au Règne de Dieu, levons notre regard vers Jésus et choisissons de naître d’en haut.
Gladys El Helou (gladyshelou@gmail.com)
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