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Voir le vide. Sourire à la Présence. – Méditation du mardi 22 avril 2025

No 212 – série 2024-2025

Évangile du mardi 22 avril Octave de Pâques

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« “J’ai vu le Seigneur !”, et elle raconta ce qu’il lui avait dit » (Jn 20, 11-18)

En ce temps-là, Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit.

Méditation – Voir le vide. Sourire à la Présence.

Edwige se cale dans son fauteuil de convalescence devant le jardin. Après un cancer et une opération compliquée par un AVC qui emporta ses mots et au bout de son bras le geste, Edwige se remet de crises d’épilepsie. Midi. Les difficultés de déglutition transforment chaque repas en combat. Edwige décroche le téléphone. Après avoir décrit ce qu’elle vit, son interlocutrice, une amie parisienne, lui dit que sa déchéance est un enfer, une impasse. Edwige reste quelques secondes le téléphone dans les mains, elle sent une incompréhension de ce qu’elle vit en profondeur. Dans l’intime, Edwige garde dans son coeur la Présence du Ressuscité. Dans le vide de sa santé, discerner la Présence : « nous ne perdons pas courage, même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Co 4,16). La ruine de l’extérieur s’étale bruyamment. Comment voir l’homme intérieur qui se renouvelle ?

Depuis l’événement pascal, la Résurrection travaille notre monde. L’évangile ne livre aucune description de la Résurrection. Pour croire, nous ne pouvons nous appuyer sur aucune représentation d’un « comment ». Aucun mode d’emploi ne s’offre à nous pour renouveler ce prodige au gré de nos besoins. Nous aimerions disposer d’une formule magique de la résurrection. Mais, est-il question de cela ? L’évangile n’est pas un calmant spirituel ! Comme événement qui se passe en Dieu, la résurrection ne s’impose pas à nos yeux comme les autres phénomènes du monde. « Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. » (Jn 20,1) Le choix du passif « a été enlevé », qui manifeste notre impuissance d’observateur, témoigne surtout de l’action de Dieu. Face à un événement qui nous déborde de tout part, nous ne pouvons analyser ce qui se passe.

Comment voir le renouvellement de l’homme intérieur ? C’est le travail de la rencontre. Pour la foi, l’invisible n’est pas un mur opaque qui arrête le regard. Edwige croit en la Présence du Christ. La vie va plus loin que l’observable (Hb 11,27). Son amie athée voit ce qu’elle voit et c’est tout. Mais, Edwige sait qu’une profondeur creuse la réalité de ce qui apparaît : l’Esprit de vérité que « le monde est incapable d’accueillir parce qu’il ne le voit pas » (Jn 14,17). Edwige se récite une antique poésie chinoise : 

« Voir l’air après la tempête d’hiver.
Un arbre, une branche tombée hier,
 Une vapeur les unit de lumière. » 

À partir du vide des apparences, les anges, ces messagers de l’invisible, nous aident à voir plus loin. Marie-Madeleine est confrontée à une vision angélique qui souligne le vide du corps absent : « Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. » Ne délivrant aucune information, ces anges posent une question : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Avec cette interrogation, le vide change de nature… De ce vide, cette question fait un témoignage de l’intervention de Dieu. Combien de fois butons-nous contre des limites mortelles ou devant une santé défaillante ? L’angoisse acide brûle, le désespoir remonte du creux des reins pour glacer la poitrine. « Femme, pourquoi pleures-tu ? », cette question semble une provocation adressée à tous nos chagrins.

Cette provocation, comme une brèche dans les portes de la mort, dit notre vocation en Dieu. Comme nous, Marie-Madeleine est face à une énigme. L’Exode fournit l’image de deux anges qui, se faisant face, adoraient le lieu de l’Alliance que Dieu tisse avec l’humanité : l’Arche d’alliance était couverte d’un couvercle nommé propitiatoire. Ce couvercle, fait d’or pur, était flanqué de deux anges, l’un à gauche et l’autre à droite. Se faisant face, ces deux anges regardaient l’Arche, tout en étendant leurs ailes qui couvraient le propitiatoire : « C’est là que je te laisserai me rencontrer ; je parlerai avec toi d’au-dessus du propitiatoire entre les deux kéroubim situés sur l’arche du Témoignage. » (Exode 25,22) Marie-Madeleine, dans ce tombeau vide, se trouve face à l’Arche d’alliance, ce lieu où Dieu dit : « C’est là que je te laisserai me rencontrer ». Le vide dit que la mort n’a pas eu le dernier mot. Ne restent dans nos mains que des signes modestes qui sollicitent notre foi. La Résurrection est une espérance déposée dans nos tombeaux. 

La question des anges « Femme, pourquoi pleures-tu ? » est répétée par celui que Marie-Madeleine prend pour le « jardinier ». Marie-Madeleine comme l’Ève du premier jardin, est appelée à quitter une tristesse tournée vers la mort. Désormais, la quête se tourne vers une personne vivante : « Qui cherches-tu ? » Marie-Madeleine, qui n’a pas encore franchi ces étapes, cherche à récupérer le corps mort de Jésus. Elle veut retrouver l’affection dont elle entourait le « Maître ». Nous aussi, lorsque nous sommes blessés, nous cherchons la vie dans les vestiges de notre ancienne vie. Mais, là où nous avons enseveli nos espoirs et notre vie, c’est là que le Christ, vient cultiver notre jardin. Ce jardinier de Dieu prend soin de notre vie, aujourd’hui.

Pour faire face au Christ ressuscité, à l’Adam nouveau, Marie-Madeleine tourne le dos au tombeau, elle se retourne pour vivre une métamorphose. Au lieu de chercher un lieu, un corps mort, un savoir dispensé par un Maître, elle est questionnée par la rencontre d’une personne vivante : « Qui cherches-tu ? » Répondre à cette question ne s’accomplit ni en changeant de lieu, ni en pratiquant un rite funéraire, ni en répétant une leçon, mais en entrant dans le dynamisme d’une rencontre. « Ne me retiens pas » dans tes anciennes conceptions. « Ne me retiens pas » dans tes images passées de Dieu, car le Vivant monte vers le Père. Moi aussi, puis-je rencontrer ce Ressuscité ?

Il existe une manière de retenir le Ressuscité en se raccrochant à des croyances éthérées qui forment une évasion de notre condition. Cheminant avec nos corps terrestres, c’est très concrètement et très corporellement que nous rencontrons le Nouvel Adam à travers nos échecs et nos déchéances. L’homme nouveau, suscité par le Christ est sur nos routes caillouteuses, bute sur de nombreux obstacles. Quand tout tombe en ruine, y a-t-il une espérance ? Edwige, cernée de maladies, peut-elle entendre cette voix qui donne raison à la Vie ? « Seul l’homme nouveau a une capacité de compréhension assez vaste pour saisir la parole sur la résurrection. » Pour l’homme nouveau qui vit encore sur terre, ce mouvement n’en est qu’à ses débuts. « Parce qu’il n’est pas encore ressuscité corporellement, il participe à la résurrection uniquement par le fait que quotidiennement, en lui, l’homme extérieur tombe en ruines (2 Co 4, 16) ; et il n’atteint les dimensions exigées qu’en étant jour après jour réajusté par la grâce. Le plus souvent, les hommes terrestres ne reconnaissent pas le Seigneur ressuscité, ils marchent à ses côtés en conversant avec lui, sans même savoir quelle est la personne qui leur parle. » (1)

La foi dans le mystère de la Résurrection suppose la rencontre du Vivant aujourd’hui dans ma vie terrestre. En espérance, je marche de naissance en naissance au gré de la grâce. Le Ressuscité marche avec moi, saurai-je Le voir ?

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Note :

(1) Cardinal Hans Urs von Balthasar,  Tu couronnes l’année de tes bontés, Paris, Salvator, 2003, « Logique et éthique des quarante jours », (p.97).




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