No 204 – série 2024-2025
Évangile du lundi 14 avril – Lundi Saint
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! » (Jn 12, 1-11)
Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts. On donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus.
Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle répandit le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? » Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait. Jésus lui dit : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »
Or, une grande foule de Juifs apprit que Jésus était là, et ils arrivèrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir ce Lazare qu’il avait réveillé d’entre les morts. Les grands prêtres décidèrent alors de tuer aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient, et croyaient en Jésus.
Méditation – Être un baume de miséricorde
“Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie”. Avec ces mots qui ouvrent l’Evangile de ce lundi matin, nous entrons un peu plus dans la “sainte semaine”. Durant toute la semaine, nous allons contempler un Jésus très humain qui ira jusqu’au bout de sa Passion d’amour pour chaque personne, pour toi et pour moi. Hier, dimanche des rameaux, nous avons entendu ce passage de la lettre de saint Paul aux Philippiens (2, 6-11): “Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.” Jusque là, jusqu’à cet extrême-là, Il a voulu nous dire combien nous sommes précieux aux yeux de Dieu (cf. Is. 43).
Tant et tant de frères et soeurs dans la foi tout au long de l’histoire se sont laissé toucher personnellement par cet amour. Chacun d’eux nous l’a transmis à sa manière unique. En préparant cette méditation, je me suis souvenue – parmi cette immense multitude – de saint Alphonse de Liguori. Dans la prière d’ouverture de sa méditation du chemin de croix, il demande au Seigneur:
“Mon Seigneur Jésus,
Tu as fait ce voyage pour mourir pour moi avec un amour ineffable
et moi, pourtant, je T’ai tant de fois abandonné avec ingratitude. […]
Pardonne-moi et permets-moi de t’accompagner sur ce chemin.”[1]
En ce lundi de la semaine sainte, ces derniers mots habitent mon coeur: Seigneur, permets-moi de t’accompagner dans ce voyage. Permets-nous, à chacun, de pouvoir t’accompagner, de ne pas te laisser seul sur ce chemin de l’amour … jusqu’au bout.
Ne pas te laisser seul. Toi, Jésus, le Fils de Dieu et notre frère en humanité, tu as voulu passer par Béthanie avant de vivre ta passion. Béthanie, ce lieu de l’amitié, où vivaient Lazare et ses soeurs, Marthe et Marie. Combien ton coeur d’homme en tout semblable au nôtre a eu besoin de se déposer dans ce lieu sûr. “Un ami fidèle, est un puissant soutien, celui qui le trouve a trouvé un trésor. Un ami fidèle n’a pas de prix, on ne saurait en estimer la valeur. Un ami fidèle est un baume de vie, le trouveront ceux qui craignent le Seigneur.” (Ecclésiastique 6, 14-16). Tu avais trouvé chez tes amis de Béthanie ce “baume de vie” qui, lorsque l’étau se serrait de plus en plus, T’a permis de continuer, de Te relever à chaque chute, d’aimer …
Aujourd’hui, dans sa passion actuelle, le Christ cherche encore des “amis fidèles” – tels un “baume de vie” – qui puissent adoucir les innombrables souffrances des membres de son Corps. Combien de coeurs brisés par la haine, combien de visages blessés par la folie des conflits armés et des injustices sans fin, en ce lundi 14 avril 2025?
“Ces hommes méprisés,
ces femmes humiliées,
ces enfants que tout rejette,
ces meurtris, ces torturés,
tous ces visages bafoués :
Seigneur Jésus,
c’est Toi qui me regardes.”[2]
Accompagner Jésus dans sa passion actuelle, ne serait-ce pas juste – et cela engagerait pourtant toute notre vie – ne serait-ce pas juste être un baume de miséricorde. Être tout simplement ‘humain’, encore capable de larmes de compassion, capable de consolation contre toute l’indifférence qui gagne du terrain un peu partout? Dans la Bulle[3] de l’année de la miséricorde (2015-2016), le Pape François avait exprimé son désir pour les années qui suivraient le jubilé: “Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu! Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous.” Cette expression – “baume de miséricorde” – a tant touché les personnes autour de nous en 2016, que nous avons composé un chant en coréen qui porte ce titre. Pour ne jamais oublier que notre ‘mission’ en tant qu’humain est surtout celle-là: devenir un “baume de miséricorde” pour n’importe lequel des membres souffrants du Christ.
“Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle répandit le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum.” Marie de Béthanie avait compris cela. Quand l’évangéliste Marc raconte cette onction de Marie dans son Evangile, il met dans la bouche de Jésus cette très belle Parole: « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? Il est beau, le geste qu’elle a fait envers moi. […] Ce qu’elle pouvait faire, elle l’a fait. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire.» (Mc 14, 6-9)
Combien est précieux pour Lui chaque geste d’amour. Il reconnaît la valeur profonde et si souvent invisible à notre regard humain de la moindre expression d’amour. Comme le geste de Marie posé ce jour-là à Béthanie, est raconté “en souvenir d’elle partout où l’Évangile est proclamé – dans le monde entier –“, dans le Corps du Christ rien ne se perd, rien ne sera perdu. Quelle transcendance et quelle fécondité promises à notre amour, à notre fidélité, à notre accompagnement de Jésus sur son chemin de croix actuel.
“Cette fécondité est souvent invisible, insaisissable, elle ne peut pas être comptée. La personne sait bien que sa vie donnera du fruit, mais sans prétendre connaître comment, ni où, ni quand. Elle est sûre qu’aucune de ses œuvres faites avec amour ne sera perdue, ni aucune de ses préoccupations sincères pour les autres, ni aucun de ses actes d’amour envers Dieu, ni aucune fatigue généreuse, ni aucune patience douloureuse. Tout cela envahit le monde, comme une force de vie. […] Peut-être que le Seigneur passe par notre engagement pour déverser des bénédictions quelque part, dans le monde, dans un lieu où nous n’irons jamais. L’Esprit Saint agit comme il veut, quand il veut et où il veut.”[4]
Cette certitude dont parle le Pape François, je crois qu’elle habitait profondément le coeur de Jésus en ces heures ultimes de vie sur terre. Puisse-t-elle nous habiter en cette “sainte semaine”, tout près de Lui.
“Mon Seigneur Jésus,
Tu as fait ce voyage pour mourir pour moi avec un amour ineffable […]
Permets-moi de t’accompagner sur ce chemin.”
Laurence Vasseur – vasseurlaurence@hotmail.com
[1] Extrait de la prière d’ouverture des stations du chemin de croix composées par saint Alphonse de Liguori https://mycatholic.life/catholic-prayers/stations-of-the-cross/
[2] Stance, liturgie des heures du vendredi saint.
[3] Misericordiae vultus, bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la miséricorde, §5.
[4] Pape François, Evangelii gaudium, exhortation apostolique (2013), §279.

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