« Confiance! C’est moi; n’ayez pas peur », embarquez ! – Méditation du mercredi 8 janvier 2025

No 108 – série 2024-2025

Évangile du mercredi 8 janvier Mercredi après l’Épiphanie

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Ils le virent marcher sur la mer » (Mc 6, 45-52)

Aussitôt après avoir nourri les cinq mille hommes, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule. Quand il les eut congédiés, il s’en alla sur la montagne pour prier. Le soir venu, la barque était au milieu de la mer et lui, tout seul, à terre. Voyant qu’ils peinaient à ramer, car le vent leur était contraire, il vient à eux vers la fin de la nuit en marchant sur la mer, et il voulait les dépasser. En le voyant marcher sur la mer, les disciples pensèrent que c’était un fantôme et ils se mirent à pousser des cris. Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
Il monta ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba ; et en eux-mêmes ils étaient au comble de la stupeur, car ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci.

Méditation – « Confiance! C’est moi; n’ayez pas peur », embarquez !

« Confiance! C’est moi; n’ayez pas peur » (v. 50). En méditant l’Évangile du jour, claironne en mon cœur cet appel de Dieu en Jésus-Christ, repris par Saint Jean-Paul II à l’inauguration de son pontificat, et dont l’expression s’avère la plus fréquente dans la Bible, dit-on. Certains avancent le chiffre de 365 fois et, donc, un appel récurrent pour chaque jour de l’année. Or, quoi qu’il en soit du nombre exact, force est de constater que cet appel à la foi-confiance revêt une importance capitale et déterminante dans notre existence humaine et notre relation à Dieu, souvent marquées par le doute et la crainte au cœur des aléas de la vie. En cela, nous sommes tous dans le même bateau avec les disciples au beau milieu de la « mer de tous les maux », ramant tant bien que mal contre vents et marées en refusant de s’y laisser porter, craignant plutôt la dérive abyssale de la souffrance, du péché, de la mort et du néant chaotique.

Pourtant, dans ce récit qui se fait parabole de notre existence chrétienne, c’est Jésus lui-même qui, après avoir miraculeusement nourri la foule, invite instamment les disciples à embarquer, à prendre le large pour traverser sur l’autre rive, vers une terre a(A)utre, une terre païenne – Bethsaïde au Nord-Est du Lac de Galilée – une terre à évangéliser en eux et autour d’eux. Lui s’en va se reposer en prière, s’ancrer sur la terre ferme de la montagne, dans l’œil du cyclone, à proximité du Père, le Maître du vent et de la mer. Sans jamais nous perdre de vue au cœur de sa prière, il y fait sien le Juste et Miséricordieux Regard du Père-Tout-Aimant sur le Réel. Puis, incandescent de compassion, il se pointe en marchant avec grâce sur les flots au cœur d’une nuit évanescente, passant près d’eux à la mesure du dépassement les ayant laissés incrédules et embrumés au beau milieu d’une mer agitée.

Or, l’emprise de la crainte et son empire de déréliction dressent alors un écran de fumée dans la barque, défigurant la vision « passagère » de Celui qui vient à la rescousse du désemparement. Serait-ce un zombie ? Non, au contraire, cette deuxième scène du triptyque, évoquant les trois traversées de la mer de Galilée en Marc[1], préfigure à rebours le Mystère du Triduum pascal de la passion/mort/résurrection, bref, de la Révélation du Fils de Dieu. « Confiance ! C’est moi; n’ayez pas peur » (v. 50), « Je-Suis » (Ex 3, 6. 14) Emmanuel, Dieu-avec-nous (Is 7, 14; Mt 1, 23). « Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Comme en l’Oméga de sa destinée, sa Parole de Vie se fait Présence Réelle dans la barque au milieu de leur manque de foi, pacifiant leur cœur et leur univers agités par les vents et marées de leur humanité. Or, ce Réel eucharistique, qu’ils venaient à peine de toucher du doigt et goûter, n’avait encore fait que peu de chemin en eux et leur demeurait en « toute foi » mystérieux, non pas inconnu, mais incompréhensible, non pas comme un savoir mais comme une façon d’habiter l’ignorance, pour reprendre les termes d’Éric-Emmanuel Schmitt.

À n’en pas douter, ils ont fait, là, étant las, l’expérience de Celui qui s’embarque et les accompagne intimement de sa Vie partagée dans leur odyssée pour rejoindre éventuellement la plénitude de l’a(A)utre Rive. Il leur a donné le germe d’une confiance filiale afin qu’ils Voient progressivement Autrement, au-delà de la peur qui embrouille et détourne le regard, qui rend aveugle au Réel et paralyse le pas, afin qu’en sa Présence reconnue de plus en plus, ils s’y reconnaissent en vérité et que s’ouvre, pour eux et en eux, une mission sur le chemin de la Vie et de l’Amour d’un cœur renouvelé. Bien que leur cœur ne fût pas encore tout à fait mûr, le vrai regard d’Amour de Jésus sur ses disciples est toujours-déjà celui qui les espère infiniment. Jésus se révèle, en sa vie jusque dans sa mort-résurrection, « médecin-spécialiste » des opérations à cœur ouvert pour qui veut bien s’y prêter. Les disciples font l’expérience que se mettre à sa suite, c’est devenir témoins de promesses « renversantes » dont le prophète Isaïe fait écho : « Approchez-vous de moi et écouter ceci […] : “Je suis Yahvé ton Dieu, je t’instruis pour ton bien, je te conduis par le chemin où tu marches. Si seulement tu avais été attentif à mes commandements ! Ton bonheur serait comme un fleuve et ta justice comme les flots de la mer. […] Ton nom ne serait pas retranché ni effacé devant moi” » (Is 48, 16-19).

Or, cet « eux » du récit médité, aujourd’hui, c’est toi, moi, nous. N’avez-vous jamais réalisé que « parfois, nous nous tournons vers Dieu quand nos fondations tremblent, pour nous apercevoir que c’est Dieu lui-même qui les ébranle », rappelle un auteur anonyme. L’on dit également que « le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer et le réaliste ajuste ses voiles ». De même, « vous ne pouvez pas arrêter les vagues, mais vous pouvez apprendre à les surfer », mentionne Jon Kabat-Zinn. En ce sens, Celui qui marche sur nos eaux aujourd’hui nous appelle à l’accueil d’une confiance filiale, puisque jamais il ne nous mène en bateau, confiance n’étant pas naïveté, et ne nous laisse tomber. Étrangement, il nous dépasse, encore plus précisément, « passe à côté » selon le verbe grec ancien parerkomai utilisé au verset 48, pour affronter avec nous les vagues « de côté » et non de front, réminiscence de la théophanie au Sinaï où Dieu se révèle, pour ainsi dire, de biais, afin de préserver l’humain de l’incandescence de son Visage (Ex 33, 19-23), parce que c’est ainsi moins « déstabilisant » et nous permet de tenir debout. À l’instar de Pierre, Jésus nous invite à marcher, avec lui, en profondeur mais sans crainte d’engloutissement, sur cette mer trouble du mal subi et commis d’où émergent toutes les formes de peur et d’errement qui empêchent d’avancer en vérité.

L’inverse de la crainte, c’est la marche, comme le dit Chouraqui qui traduit « heureux », dans les Béatitudes, par l’expression « en marche ». Ce n’est que dans cette confiance en s(S)on pas que nous pouvons entrer véritablement dans notre identité et mission de guérir notre cheminement et pacifier, en sa Présence Réelle, notre cœur ouvert l’a(A)utre pour l’en guérir dans la même mesure, c’est-à-dire dans la démesure de l’Amour du Père. Alors, Seigneur, aide-nous aujourd’hui encore, par l’accueil ta grâce qui coule à flot, à ne pas couler à pic, à ne pas nous laisser emporter par les vagues de nos ténèbres qui nous font ramer en vain, mais rejoins-nous en mer dans notre barque, toi, Lumière de la nuit au petit matin, pour nous apprendre à surfer et à voir du regard neuf du Père le Réel qui concourt toujours-déjà au bien de celui qui aime Dieu (Rm 8, 28). Et, fais, qu’ainsi graciés et à ton exemple, nous puissions devenir « planche de surf » entre tes mains dans l’accompagnement de nos sœurs et frères sur l’océan de leur vie, afin que Tu nous mènes tous et toutes à bon port.

Bonne, heureuse et sainte Année !

Bénédiction et union de prière !

Dany Charland – danycharland173@gmail.com


[1] La première étant en 4, 35-41 et la troisième en 8, 13-21.



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