No 86 – série 2024-2025
Évangile du mardi 3 décembre – 1ère Semaine de l’Avent
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint » (Lc 10, 21-24)
À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. »
Méditation – Les prophètes et les rois ont voulu voir
Dans notre pèlerinage vers Noël, Jésus nous offre la liberté et le bonheur comme deux petits pains pour poursuivre la route. C’est avec une « joie sous l’action de l’Esprit Saint » que Jésus loue le Père ! A-t-on déjà entendu un Dieu qui Se parle ? A-t-on déjà surpris le secret d’un Dieu qui parle à Dieu ? « Pour nous les hommes et pour notre salut », le Fils fait Face au Père : « Je proclame ta louange. » Le Créateur du soleil et des oiseaux, le « Seigneur du ciel et de la terre » est aussi Celui qui révèle « aux tout-petits » le bonheur d’être aimé. Ce bonheur, c’est mon trésor. « Beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez. » La vérité que les sages recherchent… elle est offerte dans la foi aux plus humbles ! Ces « tout-petits » contemplent, dans l’Esprit, le dialogue amoureux du Fils et du Père. En Dieu, ça parle et ça parle d’amour. Cette harmonie céleste est accessible par la foi, un peu comme l’oiseau se fie à l’air qui le porte. Les « tout-petits » se sont faufilés par la « porte étroite » où l’on se déleste de ce qui encombre : le faux moi est tombé ! Ils ont déposé leurs gros paquets inutiles : la hantise de se bâtir une valeur à ses propres yeux par le mérite et la comparaison avec les autres qui empêche d’être soi. C’est la liberté des « tout-petits » !
Celui qui veut être libre entame un long chemin intérieur. Un jour, les murs de son cachot jetés à terre, il sent la chaleur d’une lumière. Libre, il se sentira alors comme un enfant qu’un oiseau prend pour ami. Il faudrait le langage d’un poète pour dire ce que la vie doit à la lumière. L’écrivain Charles Juliet nous aide à esquisser ce mystère. Chez celui qui avance vers la liberté, une lumière s’éveille. « En lui, la peur, la haine de soi, l’angoisse et la culpabilité cèdent la place à une paix, une force, une foi en la vie qui feront que son cercle ira toujours grandissant. Alors sa main, dont les doigts étaient comme des serres toujours prêtes à étouffer leur proie, sa main se décrispe, s’ouvre, et il comprend qu’elle ne servira plus désormais qu’à la caresse et à l’offrande. L’être qui s’est unifié n’est plus séparé. Il vit en accord et en harmonie avec lui-même, autrui et le monde. Il fait partie du tout et perçoit l’unité de ce tout. Il ne cherche plus à posséder et à dominer. Il n’est plus du côté de l’agressivité, de la violence, de ce qui abaisse, humilie, inflige la mort — cette mort, de l’âme non moins fatale que celle du corps. Il sait qu’une seule tâche lui incombe et qu’il consacrera toutes ses énergies : faire croître la vie. En lui, et autour de lui. » (1)
De quelle connaissance parle-t-on ? S’agit-il de grandes constructions intellectuelles (1 Co 8,1) ? Il ne s’agit pas de la connaissance formée par les sciences qui sont d’un grand prix en leur ordre. Leur objectivité dépose devant soi un objet que l’intelligence dissèque. La méthode des sciences sépare de l’objet qu’elle présente.
Jésus parle d’une sagesse toute autre : « La sagesse nous envoie à l’enfance » (2). Comment trouver les mots pour dire, dans un soir d’été, cette chaleur sentie sous les côtes et qui, comme un rire d’enfants, transperce jusqu’au cœur ? « Cette connaissance, plutôt qu’un savoir d’ordre intellectuel, est un état de lumière et de vastitude. Il s’agit parfois d’une extrême légèreté intérieure où l’on se sent apte à comprendre ce qu’ont éprouvé les grands mystiques. » (3)
Jésus, « soleil de justice », est un oiseau qui vole haut dans le ciel en cherchant notre amitié : « Pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison sous ses ailes. » (Malachie, 3,20). Dans l’Incarnation, la « lumière née de la lumière » se fait homme pour se blottir au creux de notre main. Saurai-je tendre la main pour que Dieu se pose sur mon cœur ?
Le soleil comme une bête aimable vient se nourrir dans ma main. Toute-puissante, cette boule de feu roule énormément dans le ciel. Et, comme une lumière qui hésite dans l’air, sa patte jaune se pose dans ma main chaude. La seule puissance divine sait être timide quand elle délivre une espérance. Comme un dieu, il faut être délicat dans la puissance pour se poser sur une âme sans la froisser.
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
Notes :
(1) Charles JULIET, Dans la lumière des saisons, lettres à une amie lointaine. 2022, édition P.O.L., collection format poche, lettre du 26 mars, p.20-22.
(2), Blaise PASCAL, Pensées, Lafuma 81-82.
(3) Charles JULIET, Entretien avec Le Monde. Littérature, Paris, Éditions La Découverte/Le Monde, mai 1984, p.113-114.
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