No 66 – série 2024-2025
Évangile du mercredi 13 novembre – 32e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » (Lc 17, 11-19)
En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. »
En cours de route, ils furent purifiés. L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Méditation – Un juste « retour-ne-ment » en pleine foi : la « re-con-naissance »
Chères sœurs et chers frères en Jésus-Christ, ce récit de guérison, propre à Luc, est déconcertant à maints égards. À titre d’exemple, nous n’y trouvons aucune mention des habituelles réactions positives ou négatives venant de la foule et de témoins d’une guérison. Luc ne met plutôt en scène, cette fois, que Jésus et dix lépreux qui seront, pour ainsi dire, indirectement guéris, non pas sur le coup, mais en différé, chemin faisant. Alors qu’antérieurement, Jésus s’approcha et guérit un lépreux grâce à une formule et un geste de guérison : « Il étendit la main et le toucha, en disant : “ Je le veux, sois purifié” » (Lc 5, 13), ici, en regard de dix[1] lépreux à distance, il les renvoie étonnamment encore plus loin de lui, auprès des prêtres du Temple de Jérusalem.
Force est de constater que le récit nous conduit ailleurs et, probablement, plus loin. Mais où, quand et comment ? À l’essentiel (« l’essen-ciel »), c’est-à-dire dans la foi en l’universalité et en l’inattendu Règne de Dieu qu’il annonce en l’incarnant jusqu’à l’immanente-transcendante Croix de Jérusalem. Or, en direction de cette Croix, Jésus (se) fraie un chemin de foi, de charité et d’espérance entre le refus et l’adhésion, le connu et l’étranger, le proche et le distant, le « pur » et l’« impur », renversant, assumant et dissolvant toutefois une à une ces étiquettes dans et par son passage pourvu d’une bienheureuse et unificatrice aura de Mystère. De quoi s’agit-il au juste ? Vers quoi pointe le récit ?
La « re-con-naissance[2] » filiale et mutuelle dans et par la foi : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé » (v. 19), « re-con-naissance » de l’humain en Dieu et de Dieu, en l’humain. Contrairement à Naaman le Syrien (2 R 5, 8-14), pour qui d’emblée la simplicité d’aller se baigner sept fois dans le Jourdain pour être purifié de sa lèpre est plus que douteuse, les 10 lépreux réprouvés sont certes empreints de foi en regard de Jésus en osant lui crier leur demande initiale : « Jésus, maître, prends pitié de nous » (v. 13). Ils répondent dès lors sans rechigner à l’appel de Jésus d’« activer » leur foi en direction de Jérusalem pour y recouvrer la santé, et afin que cela soit reconnue par les autorités de l’époque en la matière, les prêtres du Temple, dignes représentants de la Loi et seuls autorisés à juger les plaies de lèpre et leur guérison ré-intégrative (Lv 13, 1-8, 45-46; 14, 1-32). Or, chemin faisant, tous sont purifiés-guéris.
Neuf d’entre eux, sans doute des Juifs, s’en vont leur chemin, satisfaits, s’acquittant du devoir d’aller se montrer aux prêtres, reconnaissant en Jésus sans doute un thaumaturge mais non le Messie, le Fils et Salut de Dieu. Puis, il y a ce dixième, petit reste étranger (v.18), un Samaritain méprisé des Juifs, qui, voyant sa guérison (v.15) mais interdit d’accès au Temple, décèle dans la demande initiale, relue en son cœur profond, la meilleure part « Autrement désirée » qui manque encore. Il choisit, lui, dans sa foi ainsi bien-activée et sincère, d’aller plus loin que l’ombre des scrupules et des prescriptions de la Loi, et de prendre le chemin du retour-ne-ment et du salut, puis d’être re-con-naissant en Jésus le Sauveur, Fils du Père. Au fond, s’ouvrent pour lui, comme pour nous encore aujourd’hui, deux chemins de transformation (purification-guérison et salut-réconciliation) réunis en un seul toujours-déjà possible en Jésus-Christ : le salut[3] peut être ainsi vu comme le chemin de guérison ou le rétablissement de la santé intégrale de tout l’être : corps, psyché et cœur profond, qui assument en les intégrant dans la foi toutes plaies et cicatrices physiques, psychiques et spirituelles bien au-delà de toute pauvreté et finitude existentielles.
Ainsi, au cœur du manque, quel qu’il soit, se profile en surabondance le salut de tout l’être en vie éternelle dans la communion de l’Amour miséricordieux du Père. Nous sommes ainsi conviés, qu’importe ce qui nous exclue de la v(V)ie, en marge du jeu des gens parfaits et conformes, à rejoindre, en chemin, cette communauté de foi active et sincère dont font partie ce Samaritain tout comme la Syrophénicienne (Mc 7, 24-30), le Centurion (Lc 7, 1-10), le Bon Samaritain (Lc 10, 30-37), le fonctionnaire royal de Cana (Jn 4, 46-54), le Bon Larron (Lc 23, 39-49), et tant d’autres qui ont vu, entendu, reconnu et accueilli le salut de Dieu : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé » (v. 19). Cette assertion est centrale dans l’Histoire du Salut et récurrente dans les récits de guérison miraculeuse de Jésus, associant intrinsèquement foi et salut.
« Relève-toi », écho résurrectionnel d’un juste retour à une vie personnelle, sociale, spirituelle et religieuse qui trouve sa Source en Dieu de Jésus-Christ dans la communion trinitaire de l’Esprit. Il ne s’agit pas d’un retour nostalgique à une vie passée ni d’un bond chimérique dans une vie rêvée, mais d’un envoi en mission : « Va », marche ta vie telle qu’elle se présente, « sauves-toi pas », car c’est la foi donnée et accueillie qui sauve-en-retour. Bref, dans l’horizon de l’Évangile de Luc, le véritable salut consiste en l’écoute active et en profondeur de la Parole au cœur de la/sa v(V)ie et en cette marche à la suite du Christ qui, hier, aujourd’hui et demain, donne des mains à la Providence. Et, cette Providence qui se révèle Amour Miséricordieux envers tous les enfants de Dieu que nous sommes sans exception pour autant que nous osions élever notre voix/voie vers Lui (v. 13.) en prière pour lui confier notre manque de plénitude avec une humilité confiante en sa Gloire, car la Gloire de Dieu, c’est l’homme debout et vivant et la vie de l’homme c’est de voir Dieu (S. Irénée de Lyon).
Et, comme dirait justement l’a(A)utre : « La foi va droit au cœur de Dieu, et là elle trouve toute grâce et une Parole qui la renvoie dans la liberté de cette grâce ». Là se fait jour une véritable œuvre « théanthropique [de salut qui…] suppose la synergie de l’effort humain et de la grâce divine[4] », rappelant que la grâce de Dieu en Jésus-Christ par l’Esprit précède, appelle, accompagne et permet toujours-déjà l’aboutissement de l’effort humain. À nous de voir ici et maintenant le chemin qui correspond à notre besoin/désir : celui de l’aller-simple des neuf lépreux ou l’aller-retour re-con-naissant du lépreux-samaritain reVitalisé qui n’a jamais autant avancé qu’en revenant avec foi sur ses pas dans les traces de Dieu en Jésus-Christ sous le Souffle certes de l’Esprit !
Bénédiction et union de prière !
Dany Charland – danycharland173@gmail.com
[1] Le nombre 10 symbolise dans la Bible, la multitude et la complétude, l’ordre divin, la perfection et richesse de la volonté de Dieu. C’est, en quelque sorte, le chiffre de la renaissance, symbolisant l’union du matériel (zéro) et du spirituel (un). Pensons notamment aux 10 doigts des mains, à la dîme (dixième et meilleure part dédiée à Dieu), aux 10 commandements de Dieu, 10 plaies d’Égypte, la Pentecôte 10 jours après l’Ascension, etc.
[2] Littéralement : « naître de nouveau avec ».
[3]« salus » en latin signifie au IIe siècle av. J.C. : « bon état de santé » (https//www.dicolatin.com/Latin/Lemme/0/salus) in : Stéfan Thériault, « La Thérapeutique de l’Amour trinitaire du Pèlerin. Pour une approche renouvelée de l’accompagnement dit spirituel », Centre le Pèlerin, août 2024, p. 5.
[4] Jean-Claude Larchet, Thérapeutique des maladies spirituelles, Paris, Cerf, 1997, p.441.
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