No 63 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 10 novembre – 32e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres » (Mc 12, 38-44)
En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Méditation – Notre pauvreté, vêtement du don où brille un trésor !
Comme est précieux ce regard de Jésus !
Il ne se laisse pas éblouir par la publicité que l’on veut faire de soi-même en faisant reposer notre consistance dans le regard des autres.
Cette manière d’exister, toute d’apparence, cache habilement cette mendicité du regard des autres sur soi… On a besoin d’être reconnu, admiré, honoré. Il s’agit là d’une existence par procuration qui trahit l’exil où nous sommes déracinés de notre être profond. Les vêtements d’apparat, les places d’honneur, les salutations traduisent cette recherche de reconnaissance toujours insatiable, imperméables qu’ils sont au Regard de Dieu qui les cherche. Cette démonstration, qui en met plein la vue, cache le vide intérieur de la personne qui devient un « trou noir », n’hésitant pas à dévorer le bien des veuves, tout en faisant de longues prières.
Libre en regard de ce monde des apparences, le regard de Jésus sait voir ce que personne ne remarque : la grandeur du don s’exprimant dans ces deux petites pièces de monnaie, apparemment si minimes et insignifiantes.
Quel grand mystère : pauvreté de la personne et petitesse du don, où respire le vrai Trésor !
À l’occasion d’une rencontre pour des funérailles, l’ami de la personne décédée me partage que le défunt était un homme au mauvais caractère… un monsieur « cactus » avec lequel les membres de la famille étaient restés en distance à cause des blessures vécues. C’était un homme pauvre qui vivait de l’aide sociale… un pauvre d’argent, un pauvre de caractère, un pauvre de relations… De fait, cet ami était la seule personne qui était restée en contact avec ce monsieur « cactus » qui lui avait demandé : « Après ma mort, tu iras dans ma chambre, et dans le premier tiroir de ma table de nuit, tu y trouveras une enveloppe… je te demande simplement d’exaucer la demande qui s’y trouve. »
Monsieur Cactus décède… l’ami honore l’engagement pris, va chercher l’enveloppe et l’ouvre. Il me partage ce qui y était écrit :
« Je sais que j’ai toujours eu un mauvais caractère, je n’ai jamais pu faire autrement. Mais le désir le plus grand que j’ai eu durant toute ma vie, c’était de pouvoir rassembler les membres de ma famille et de les recevoir à l’occasion d’un repas. Au fil des années, j’ai ramassé les sous que tu trouveras dans cette enveloppe : j’aimerais qu’avec cet argent, tu puisses offrir le repas après mes funérailles à toute ma famille. »
Lors de ce repas, on se serait cru dans une église… Plus loin que les piquants du « cactus », le don offert révélait son cœur…
Donner tout ce que l’on possède, du fond de notre pauvreté, dans le dépouillement des apparences, c’est peut-être… sourire alors que nous sommes fatigués… écouter alors qu’il nous semble avoir déjà entendu ce qui est dit… être présent sans savoir quoi dire alors que nous sommes impuissants lors d’une visite à l’hôpital, d’une situation de souffrance ou d’un deuil…
La vie se charge bien de nous placer dans des situations où il nous faut « tout notre petit change » pour pouvoir continuer d’espérer, de croire, d’avancer et …d’aimer.
Dans les yeux mêmes de la veuve, ce qu’elle donnait était bien petit. Ce deuil et cette précarité que porte la veuve en font une « pauvre », dans la conscience qu’elle a elle-même de la petitesse de ce qu’elle donne. Pourtant, dans cette petitesse du don, elle se donne tout entière : l’amour et la foi y respirent.
Est-il possible de se donner vraiment, sans en même temps, sentir que c’est bien petit à côté de ce qu’on aimerait pouvoir offrir ? Si le don est habité par l’amour, cette perception n’en est que plus vivante puisque l’amour qui nous habite porte le désir d’un « sans mesure » pour l’autre vers qui se porte notre offrande.
Et Jésus en voit la grandeur silencieuse. Lui-même donnera sa vie sous les apparences les plus pauvres, celle d’un échec apparent de sa vie… Celles encore de ce simple pain, le nôtre, qui devient son Corps… notre petite offrande qu’Il accueille, devient l’espace du Don « sans mesure » de sa vie et de son Amour qui nous sauve. Tout son Amour secrètement caché dans la petitesse de notre pain !
Et si notre désir d’aimer passait par l’accueil de notre pauvreté comme vêtement du don de nous-mêmes à Dieu et aux autres ? Toute la garde-robe de nos vêtements d’apparat serait inutile.
L’amour est le secret silencieux qui nous fait entrer dans le don de tout ce que nous avons pour vivre. Nous mettons ainsi nos pas dans les siens, conduits jusqu’au cœur de Dieu.
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.