Des profondeurs, je crie vers toi Seigneur ! – Méditation du dimanche 27 octobre 2024

No 49 – série 2024-2025

Évangile du dimanche 27 octobre 30e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Marc (10, 46b-52)

En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.

Méditation – Des profondeurs, je crie vers toi Seigneur !

Psaume 129 (versets 1 et 2)

« Des profondeurs, je crie vers toi Seigneur. Seigneur, écoute mon appel.
Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière »

Jésus sort de Jéricho, cette ville au plus creux… plus de 400 mètres sous le niveau de la mer ! Il ouvre un chemin, du plus profond de l’Humanité, là même où s’est anesthésié le cri de notre vie, épuisé de n’avoir pas été entendu. Du lieu où l’on quête pour survivre, il est à l’écoute.

Ce cri des profondeurs n’est pas facile à oser pour celui qui souffre… ni pour les personnes qui vont leur chemin, même si elles suivent Jésus… C’est un cri qui dérange, dépouille et met à nu.

Ce cri est celui de quelqu’un qui ne bouge plus, qui n’a plus d’autre chemin que la bordure, en marge de la vie, exclu de la communion avec les autres… Sans savoir précisément où il se trouve puisqu’il est aveugle, il se sait cependant en exil de lui-même et de la marche du monde. Il se retrouve pour ainsi dire dans le fossé de la vie : quand on est aveugle, peut-on espérer une autre issue que celle de se heurter et de tomber ? Noyé par l’abîme de son cri, même ce qui était en santé se trouvait enseveli… jusqu’à quêter.

Aveugle oui, mais pas sourd !!! Le bruit de cette foule qui marche… Ils suivent quelqu’un. Vais-je prendre le risque de crier à nouveau ? Vous savez, un cri n’est jamais poli… ce n’est pas bien « élevé ». Ça sort à l’état brut, sans les artifices du langage. C’est habillé en vêtements déchirés, en poussières d’amertumes accumulées au fil des jours, en ecchymoses où les chutes ont mis fin aux tentatives de s’en sortir. Mais ce qui est au profond ne peut se taire…

« Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »

Et voilà que surgissent à nouveau tous ces « Veux-tu bien te taire ! ». Oh, ce n’est pas vraiment nouveau… cette semonce est familière… nous l’avons même cautionnée parfois par notre manière de donner foi à l’obscurité qui remplissait nos yeux. N’est-ce pas d’ailleurs la manière pour la foule de se protéger, d’être imperméable, inerte… et de fuir son propre cri des profondeurs ?

Rabroué par tant de voix, l’aveugle choisit malgré tout de continuer de crier : « Fils de David, prends pitié de moi ». Son cri ne s’adresse pas à la foule… il s’adresse au Christ… qui l’entend.

Jésus aurait pu aller le trouver… il voit bien lui, il a entendu aussi et il prend au sérieux ce cri de foi… c’est beaucoup plus simple pour Jésus d’aller vers Bartimée que de lui demander de venir. Mais il s’adresse à la foule qui s’est faite le « haut-parleur » de l’injonction à se taire. Comme le ressac d’une marée noire… Jésus s’arrête et demande à la foule de l’appeler. La foule si hostile à entendre le cri, la voilà interpellée à l’accueil du cri qui permet la rencontre avec l’autre de qui nous voulions rester loin. La guérison de cet aveugle passe par la guérison de la « surdité » et de l’indifférence de cette foule. Comme il y a beaucoup à guérir pour un seul cri !

« Confiance, lève-toi, il t’appelle ! » N’est-ce pas ce que le Christ nous demande d’exprimer comme personne et comme communauté ? Annoncer ce désir que le Christ a de nous rencontrer là où nous sommes aveugles, là où nous sommes déroutés et en perte de repères, là où ce que nous voyons remplit nos yeux de ténèbres, « bons voyants » que nous sommes du sombre de nos vies et de l’humanité pour mieux nous y ensevelir ?

« L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. »

Et nous voilà secoués… cet aveugle qui « marche au son », sans attendre de voir ou que tout soit clair pour avancer… au son d’un appel adressé par Jésus à travers la foule, cet homme qui se lève et choisit de bondir comme un chevreuil alors qu’il ne voit rien. Refusant de se laisser définir et emprisonner par son passé, il jette son manteau, dans la force de se sentir appelé. Son cri est entendu : c’est celui d’un appel criant à la relation. Comme ce qui nous pousse à demander d’être accompagné dans les obscurités de nos vies.

Mais, « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Le Christ a besoin de l’éveil de notre désir chevillé au besoin qui nous habite. Cet éveil appelle l’incarnation de la foi comme chemin de relecture de notre vie, non plus en cherchant à ignorer ou oublier les blessures que nous portons et dont nous voulons nous protéger, mais en osant exprimer la vérité qui libère dans la grâce de l’écoute offerte sans condition : « se recueillir » tout entier afin de laisser son Amour saisir l’obscur de nos vies.

« Va, ta foi t’a sauvé. » Cet élan neuf parce que l’on voit autrement. Il y a un désir à ressusciter au plus profond du cri de nos profondeurs. Sa Parole dessille nos yeux par l’accueil du cri qui nous habite et dont la radicalité devient l’espace du plongeon en Lui.

Dans cette vision reçue, les yeux de Bartimée ne se perdent pas dans tout ce qu’il ne voyait pas et qu’il voit maintenant… Ses yeux sont tournés vers Celui qu’il choisit de suivre !

Que nos yeux s’ouvrent sur son Amour qui nous remet en route. Alors, mettant nos pas dans les siens, pour ces autres qu’Il place sur notre route, à notre tour, nous pourrons dire : « Confiance, lève-toi, il t’appelle. »

Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com

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