Heureux sont-ils ! – Méditation du mardi 22 octobre 2024

No 44 – série 2024-2025

Évangile du mardi 22 octobre 29e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller » Luc (12, 35-38)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir. S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! »

Méditation – Heureux sont-ils !

Veiller et se tourner vers la vérité n’a rien de passif. Aujourd’hui, nous fêtons Saint Jean-Paul II, Pape d’origine polonaise élu en 1978. Il fut un défenseur des Droits de l’Homme compris comme une promotion de la dignité. Grâce à lui, nous nous souvenons qu’attendre le retour du maître divin se réalise concrètement en respectant ce qu’il y a d’éternel dans l’homme. Dans une Pologne sous domination communiste, l’électricien Lech Walesa, des chantiers navals Lénine, lutta pour un syndicat libre. En 1980, il joua un rôle déterminant dans les négociations qui conduisirent à l’accord de Gdansk avec le gouvernement communiste. Le syndicat Solidarność permit une liberté dans une Pologne sous le joug soviétique. Lech Walesa portait à la boutonnière l’effigie de la Vierge noire, comme pour montrer l’espérance où puisait son combat. La confiance en Dieu réveille les énergies. Attendre le Seigneur stimule l’inventivité de ceux qui sont « en tenue de service ».

Toutes les fibres de notre corps comme l’aspiration de notre coeur ont besoin de vérité. Il ne s’agit pas d’un luxe, ni d’une option, mais d’un besoin vital. La vérité donne sens et chaleur. Les enquêtes sociologiques actuelles montrent que de plus en plus de jeunes ne définissent plus leur vie à partir d’un travail dépourvu de sens. Faire carrière ? Si c’est pour être enseveli de travail et enterré dans cette carrière… Même si nous n’avons pas les mots pour le dire, nous sentons que la vérité est une nourriture. L’essentiel est alors de savoir que l’on a faim. Sous l’influence d’un milieu mensonger, il est tentant de se dire que l’on n’a pas faim de sens et de vérité. 

La vérité n’est pas une richesse que notre société de consommation peut produire. La vérité n’est pas un fruit que l’on cueille avant de le consommer. Notre désir de vie espère une ouverture : se rendre disponible à Celui qui vient. La vérité qui fait sens vient d’ailleurs, elle est transcendante. Dans notre monde, la vérité fait irruption. La brèche de l’attention ouvre la porte. La vérité dont nous avons besoin requiert l’humilité de celui qui reste « en tenue de service ». Car, nous ne pouvons produire la vérité dont nous avons besoin, elle n’est pas le produit de nos efforts. Nous restons « serviteurs » d’une vérité que nous ne possédons pas. La vérité suppose l’investissement de tout notre être. Le regard furtif et distrait du touriste soupèse les choses qu’il veut consommer, mais personne ne peut être touriste devant la vérité. Car, l’existence nous mobilise ! Le désir de vérité engage toute la vie : notre comportement tout entier est entraîné par ce désir de vérité. Dans la Bible, la ceinture est le symbole de la force et de l’attachement à Dieu et le rein est le siège du désir. C’est donc la « ceinture autour des reins » que nous avançons vers la vérité. L’attention est l’orientation d’un désir qui attend, les yeux tournés vers le vrai. Dans le symbole, les yeux représentent notre attention, car « l’œil est la lampe du corps » (Mt 6,22). C’est donc par une certaine manière d’être vigilant, de garder nos « lampes allumées » que nous nous tournons vers le vrai.

Par sa parole, Jésus nous donne les clés nécessaires pour entrer dans la quête de la vérité. L’attention est la marque d’un esprit libre d’attachements, réuni dans une simplicité sans dispersions. L’attention est liée à l’attente, elle nous dispose au face-à-face. La quête de vérité ne s’évade pas dans les nuages ; elle nous met en contact avec le réel. Nous attendons la rencontre avec le maître à « son retour des noces ».

Vigilance et sobriété, accueil de la paix et du silence sont les marques de l’attention à la vérité. Alors que les déceptions du monde pèsent sur notre espérance, alors que la nuit refroidit, seule la vigilance qui espère maintient l’attente de Dieu. Cette attente est déjà éclairée obscurément par le maître qui vient. Saint Grégoire le Sinaïte nous rassure lorsqu’il souligne nos limites : « Sachez ceci, que nul ne peut par lui-même maîtriser son esprit et, dès lors, quand des mauvaises pensées surgissent, invoquez le nom de Jésus souvent et à intervalles fréquents, et les pensées s’apaiseront » (2). À l’intérieur de nos pauvres limites, l’invocation du Nom de Jésus fait surgir une espérance.

La fécondité de l’attention n’est jamais perdue, elle nous rend présents à la saveur du réel. Dans une vie écrasée en deux dimensions, l’attente du sens déplie notre quotidien en trois dimensions dans toute sa richesse. Au lieu de lancer des ordres d’un ton désabusé, celui qui fait attention découvrira la joie d’un sourire, verra le visage de ses collaborateurs. Contre nos regards pressés, l’attention redonne de la couleur aux yeux de ceux que l’on aime. L’attente n’est jamais passive ou défaitiste. Ceux qui font attention au maître de vie qui revient des noces développent une ingéniosité colorée par la prière et cette inventivité trouve comment insérer le souffle divin dans le réel.

Vincent REIFFTSECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

(1) Le pèlerin russe. Trois récits inédits, Paris, Seuil (coll. « Points. Sagesse »), 1976, p.81.

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