Cœur fripé, cœur pardonné – Méditation du jeudi 12 septembre 2024

No 4 – série 2024-2025

Évangile du Jeudi 12 septembre 23e semaine du Temps Ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » Mt 6, 27-38

En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.

Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.

Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

Méditation

Cœur fripé, cœur pardonné.

Pardonnez, et vous serez pardonnés.

Le pardon comme exigence, comme commandement, afin que la charité se marie avec la vérité, afin que l’amour s’allie à la justice. En méditant cette exigence difficile, me vient à l’esprit ce moment si clair d’une tablée de parents dans le sous-sol de l’église il y a plusieurs années. Alors que leurs enfants découvraient la miséricorde sous les traits d’un Père aimant inconditionnellement ses deux fils malgré les avanies du plus jeune, j’avais rassemblé les parents au milieu de la friperie envahissant le sous-sol de l’église pour aborder avec eux le sérieux de la chose : le pardon. Petites chaises droites, empilade de vêtements déjà et parfois trop portés nous entourant, plusieurs parents joignaient les mains, croisaient les jambes et baissaient la tête, décidément la soirée s’annonçait longue. Pourtant, des témoignages empreints de chemins, de traverses et de ravins jaillissent rapidement. Le pardon d’une mère pour son fils suicidé, le pardon d’un frère envers son jumeau envieux, le pardon d’une épouse envers son conjoint adultère. Puis vint la parole renversante d’un jeune père : « L’important dans le pardon, c’est de tout oublier pour reprendre la relation à neuf parce que le neuf c’est beau ». Tout oublier pour laver… plusieurs parents s’indignent, le ton monte d’un cran, le sous-sol de l’église surchauffe. Je prie pour que l’Esprit apaise. Me vient l’expression du Père Girard d’amnistie paresseuse à propos de la nature oublieuse du pardon, voilà qui ne me rassure guère. Le défendeur de l’oubli, pour sa part, en rajoute : « c’est ainsi que le pardon vient vraiment du fond du cœur ».

Le Père du fils prodigue avait-il oublié ? Si oui, pourquoi donc célébrer le retour du fautif qui à son tour, ouvert au pardon, accepte d’être fêté ? Le vrai pardon n’est donc que célébration, au contraire de l’oubli, et mouvement joyeux du cœur. La tablée s’étonne, la friperie qui nous environne avec ses vêtements usés et défraîchis, sent toujours aussi bon la lessive fraîche.

Le Père Girard ajoute : « Le pardon qui nous est demandé est celui qui coule du cœur et des mains, aussi facilement que la joie surgit en toi à l’annonce d’une bonne nouvelle (Qui a lavé ton visage, 1994, 53) ». La vérité rend libre; le pardon est le mouvement naturel des profondeurs de notre cœur, ce fameux fon, pour donner à la vérité sa pleine liberté. Le Père Girard souligne d’ailleurs l’audace évangélique. Refuser de pardonner, tout comme oublier la faute, c’est désirer que l’autre persiste à me faire du mal, qu’il continue de s’enfoncer dans son enfer sans que cela m’affecte. La relation est le lieu de la rencontre du Christ qui se donne et guérit à travers soi, à travers l’autre, travers Lui. Au fond, ce qui est mal, c’est de ne pas choisir cette joie profonde et durable à laquelle Dieu nous destine dans le commandement de pardonner. Célébrer l’humanité première de l’autre malgré l’offense, célébrer ma propre humanité d’enfant bien-aimée malgré ma blessure. Une pleine humanité miséricordieuse, qui rassemble, dans ce qui était défraîchi, déchiré, voire oublié, des parents au cœur toujours un peu fripé, mais au cœur toujours joyeusement pardonné.

Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org

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