Méditation quotidienne du lundi 17 juin : « Qui peut souffrir plus que moi ? » (No 274 – série 2023-2024)

Évangile du Lundi 17 juin 11e semaine du Temps Ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant » Mt 5, 38-42

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! »

Méditation

Le 26 juillet 2016, à Saint-Étienne-du-Rouvray, alors qu’il célébrait l’eucharistie, le Père Jacques Hamel fut assassiné au pied de son autel par un terroriste. Sa sœur, Roseline Hamel, après un an de méditation, se demanda s’il était plus facile pour elle de glisser vers la mort en se laissant aller au chagrin ou si elle allait choisir une autre voie. Roseline Hamel s’est confiée à un journaliste dans une émission radiophonique. Elle raconte qu’elle se posa alors une première question : « Qui peut souffrir plus que moi ? Bien sûr, pas de réponse, parce qu’une souffrance est une souffrance. J’ai pensé à la maman de l’assassin et je me suis dit : Mais quelle serait ma souffrance si c’était moi la maman dont l’enfant avait pris ce chemin ? Là, c’est une souffrance qui doit être supérieure à la mienne. » (1) Avec la première question, l’âme se repliait dans la souffrance. Dans la deuxième question, tournée vers la souffrance d’une autre, l’âme s’est élargie comme les deux rives d’un fleuve qui, dans l’estuaire, s’ouvre à l’océan.

Par l’intermédiaire d’un journaliste, elle entra en contact avec la mère de l’assassin, N. Kermiche. Pendant un an, elles échangèrent par téléphone pour apprendre à se connaître, à connaître leur famille. Puis, elles décidèrent de se rencontrer. Roseline Hamel se rendit chez N. Kermiche avec Mgr Lebrun, archevêque de Rouen. Quand N. Kermiche ouvrit la porte, son premier mot fut : « Pardon ! » Roseline Hamel répondit : « Je ne suis pas venu vous demander un pardon. Je suis venue pour vous proposer de gérer notre douleur ensemble. » Roseline Hamel explique au journaliste : « Elle m’a prise dans ses bras, elle m’a serrée très fort et elle m’a dit : ‘’Il y a longtemps que je vous attendais.’’ » Pendant une heure, devant des petits gâteaux et du thé auxquels personne ne toucha, N. Kermiche expliqua qui était son enfant, son « bébé » comme elle dit… avant d’être embrigadé par les terroristes.

« Si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui », dit Notre Seigneur. Aux soldats qui Le réquisitionnait pour faire les mille pas de la haine, Jésus fit les deux mille pas de l’amour. Et bien plus que deux mille pas, puisqu’avec tous les pécheurs du monde, Jésus fait tout le chemin du pardon. Au lieu des mille pas qui menaient à la vengeance, ces deux femmes ont fait les deux mille pas de l’amitié. 

Si « Dieu est amour » (1 Jn 4,16), ce n’est pas à la manière d’Éros, dieu grec de l’amour, qui, selon la mythologie, fait preuve de ruse, de trahison ou de violence pour atteindre ses buts. « Dieu est amour » dans tout son être et ne possède pas une réserve extérieure à son amour où puiser de quoi être fourbe, vindicatif ou méchant. Tout son être divin est traversé par cette lumière de l’Esprit dans laquelle le Père et le Fils conversent et s’unissent. Comme « Dieu est amour », Il ne hait rien de ce qu’Il a créé : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle » (Sg 1,13-15). Pour Dieu, la mort n’est pas une manière de régner. Sans restrictions, Dieu se livre tout entier aux hommes. « Dieu est amour », Il se partage. Il règne par Sa grâce.

Son amour ne se laisse pas ébranler par la haine des hommes. Lorsque les habitants de Nazareth réunis dans la synagogue cherchent à tuer Jésus, Celui-ci poursuit librement le chemin de son amour : « Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. » (Lc 4,29-30).

Dieu fait briller son amour « sur les méchants et sur les bons » (Mt 5,45), que cet amour divin apparaisse aux hommes comme du soleil ou de la pluie. Dieu se donne. Il accepte qu’on Le maltraite. Car, la liberté par laquelle l’homme Le refuse est encore un effet de Son amour. Alors qu’Il est blessé si profondément par la haine de Ses créatures, Dieu tolère qu’on Le tourne en dérision. Car, Son amour est une proposition. Que serait un amour contraint ? Au procès que les hommes Lui intentent, c’est ligoté que le Christ témoigne librement en faveur de l’amour.

Le Christ « a vu et entendu » ce qui est auprès du Père (Jn 3,31-32). Avec le Christ, c’est une manière divine de vivre qui se lève. « Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui » (1 Jn 4,16). Par Sa Passion, Jésus a montré que Dieu ne peut aimer à moitié. Son amour n’est pas soumis aux limites humaines. Trahi et injustement traité, Jésus exprime l’amour divin en n’opposant pas à la force une autre autre force contraire. Il n’entre pas au conseil des méchants (Ps 1,1) qui utilisent le mal comme une arme. Par la bouche de Jésus, l’inouï de Dieu résonne à nos oreilles : « Eh bien ! moi, je vous dis… ». Sur notre terre, Jésus répand l’eau vive. Et le long de Son amour, des germes de vie percent avec l’audace du jour nouveau.

Vincent REIFFSTECK.      vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

(1) Emission du 25 janvier 2024 sur la radio RCF. Roseline Hamel et N. Kermiche se confient au journaliste Philippe Lansac.

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