Évangile du Samedi 1 juin – 8ème Semaine du Temps Ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Par quelle autorité fais-tu cela ? » Mc 11, 27-33
En ce temps-là, Jésus et ses disciples revinrent à Jérusalem. Et comme Jésus allait et venait dans le Temple, les grands prêtres, les scribes et les anciens vinrent le trouver. Ils lui demandaient : « Par quelle autorité fais-tu cela ? Ou alors qui t’a donné cette autorité pour le faire ? » Jésus leur dit : « Je vais vous poser une seule question. Répondez-moi, et je vous dirai par quelle autorité je fais cela : le baptême de Jean venait-il du ciel ou des hommes ? Répondez-moi. » Ils se faisaient entre eux ce raisonnement : « Si nous disons : “Du ciel”, il va dire : “Pourquoi donc n’avez-vous pas cru à sa parole ?” Mais allons-nous dire : “Des hommes” ? » Ils avaient peur de la foule, car tout le monde estimait que Jean était réellement un prophète. Ils répondent donc à Jésus : « Nous ne savons pas ! » Alors Jésus leur dit : « Moi, je ne vous dis pas non plus par quelle autorité je fais cela. »
Méditation
La Parole de ce matin nous plonge dans la source de l’autorité, celle de celui qui se sait sauvé et qui permet de s’adresser en toute humanité, en toute vérité à ce qu’il y a de plus divin chez l’autre. L’autorité de celle qui se sait exaucée et qui rappelle que nous sommes sacrements vivants en ce monde. L’autorité qui fait de ma chair le Temple qui abrite un Dieu nu, à peine couvert d’un morceau de ciel, fragile et friable en ma foi si incarnée en lui et en moi. C’est de cette autorité qui s’agenouille devant mon consentement et m’invite aux largesses de son amour en plein cœur de la pauvreté d’une crèche. Bien sûr que l’autorité vient du ciel même lorsque voilée par la toute-puissance tonnée des hommes. Comme le murmurait le Dieu soucieux au glaiseux Adam lors de son face à face avec sa propre vulnérabilité qu’il fallait à tout prix dissimuler : Qui t’a appris que tu es nu ? (Gn 3.11)
Dimanche dernier, toujours dans ma quête du Souffle et de l’élan, je communiais avec une dizaine de milliers de coureurs qui s’élançaient entre le ciel et l’asphalte. Dans la foule bigarrée, s’entremêlaient bien sûr des athlètes transpirant la toute-puissance, de celle qui ferait autorité dans ce sport. Mais devant moi, s’ébrouaient des coureurs du dimanche, témoignant de leur gratitude d’être vivants. À la table de ravitaillement, des cancéreux défiaient leur condamnation, plus loin des endeuillés combattaient l’oubli du proche avec la photo du décédé apposée dans leur dos. Me dépassaient des jeunes déjà voûtés par l’anxieux de l’avenir et des personnes obèses battant lourdement le pavé pour rappeler leur ressemblance à l’humanité. À vive allure, des handicapés réclamant leur dignité, à chaque pas, avec une seule jambe, à chaque respiration, l’horizon désormais absent dans leurs yeux.
Tous et toutes se réclamaient le droit d’être là, d’avancer, de célébrer avec le vivant et l’altérité. Entre l’élan et le vivant qui les font avancer, ils ont appris à un moment de leur vie qu’ils étaient nus, et que la vulnérabilité qui les couronne est richesse et puissance. L’autorité des hommes les a sans doute réduit à un moment de leur vie. De les voir courir malgré l’adversité, s’élever comme une cathédrale érigée sur la mer, l’handicapé, l’obèse, le vieillard et la veuve faisaient communauté, faisaient Royaume avec autorité. Celle du dépouillé, de la nudité, de la fragilité, celle de l’immensité qui fracasse le jugement limité, celle de l’éternité qui anéantit le fini puissamment préservé. Quand ils m’ont dépassée, j’ai bien vu qu’ils me devançaient avec la dignité conférée par l’autorité d’une profonde humanité hors de ce monde. Tentant de les rattraper avec mes richesses lourdes à traîner, j’ai bien vu au fond de leur regard, la gloire infinie de l’enfant adoré et la dignité d’un ciel d’été.
Stéfan Thériault, stheriault@lepelerin.org
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