Méditation quotidienne du mercredi 10 avril : « Faire la vérité » (No 206 – série 2023-2024)

Évangile du Mercredi 10 avril 2e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, pour que, par lui, le monde soit sauvé » Jn 3, 16-21

« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »

Méditation

Pour les prévenus que je côtoie à la maison d’arrêt, le jugement est attendu avec crainte. Le jugement dont Jésus nous parle est-il du même ordre ? Vient-il de l’extérieur, comme celui de l’autorité judiciaire ? La parole de ce jour vient modifier mon regard, en prenant en compte ce vécu carcéral. Le jugement de Dieu n’est pas condamnation venant clore un procès, mais une invitation à sortir des ténèbres pour « venir à la lumière ». Non pour se voir décerner une médaille attestant de l’héroïcité de ce que l’on a vécu, mais simplement rendre manifeste que notre chemin de vie était accompli « en union avec Dieu » (Jn 3, 21). Cette union avec Dieu nous renvoie à l’amour que Dieu nous porte, lui qui « a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils unique » (Jn 3, 16).

Voilà qui introduit le jugement dans un mouvement, une dynamique, et non dans une condamnation statique. Cela m’évoque ce magnifique film français sur la justice réparatrice « Je verrai toujours vos visages »[i]. Nous y voyons comment des personnes qui ont commis des actes les plus destructeurs peuvent entrer dans un cheminement d’ouverture à la douleur de l’autre. Cette démarche volontaire les conduit à la reconnaissance de leur propre responsabilité dans l’acte commis, mais aussi de leur capacité à être « plus » que ces actes. Dans le même temps, ceux qui ont été irrémédiablement blessés par des crimes ou délits similaires, tentent de sortir de l’enfermement de leur douleur en cherchant à comprendre et à accueillir l’autre. Chemin d’une lumière mutuelle coûteuse, douloureuse, mais combien chargée de puissance de vie.

Voilà qui m’interroge alors que je n’ai pas commis d’actes répréhensibles par la loi, mais que tant de mes actes, de mes paroles, de mes silences peuvent avoir blessé ou heurté des personnes qui me sont proches. Sortir du « non-dit », avancer vers la lumière, non pour se justifier, mais pour que la lumière de Dieu lui-même vienne éclairer, apaiser, guérir et reconstruire la fraternité… Cela me fait prendre un risque incontournable si je cherche à mettre mes pas dans ceux du Christ. Il me faut pour cela ne pas prétendre que je possède la vérité, mais accepter de « faire la vérité » (Jn 3, 21) et accueillir une lumière qui me vient d’un Autre. C’est une proposition que Dieu me fait, il ne me l’imposera pas.

Ainsi donc, le jugement ne vient pas de Dieu, comme une condamnation et un rejet, mais de l’homme lui-même, « qui ne croit pas » (Jn 3, 18), au risque de se condamner lui-même. Oserons-nous nous mettre en mouvement pour venir à la lumière, tels que nous sommes et croire en ce regard d’amour que nous porte le Père ?

Sœur Marie-Emmanuel Raffenel, raffenel@gmail.com


[i] Je verrai toujours vos visages est un film dramatique français écrit et réalisé par Jeanne Herry, sorti en 2023

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