Méditation quotidienne du mercredi 3 avril : Rompu de Gloire (No 199- série 2023-2024)

Évangile du Mercredi 3 avril Octave de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

Il se fit reconnaître par eux à la fraction du pain Lc 24, 13-35

Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.

Méditation

Le temps après la Résurrection est une école offerte par Jésus pour s’acclimater à la Gloire de Dieu et, particulièrement, de saisir que toutes et tous nous sommes appelés à participer à sa Gloire. Un point particulier de cet apprentissage est de le reconnaître dans son Corps glorieux, de percevoir l’Église comme partie prenante de ce Corps glorieux et de participer nous-mêmes à ce Corps glorieux, car même de corps nous sommes appelés à entrer dans sa Gloire. Dans cette optique, le texte des disciples d’Emmaüs est formidable, car nous sommes témoins de « marcheurs à l’envers ». Ils vont, de fait, en sens inverse de cet apprentissage en quittant Jérusalem et en mettant derrière eux la Croix et le témoignage de ces femmes qui ont vu le tombeau ouvert.

Comme ils marchent à l’envers, ils ne peuvent voir le Christ présent à leur côté. Que peut-nous apprendre ce passage évangélique sur cette conversion que nous devons vivre pour s’ouvrir à cette Gloire, et finalement en vivre ?

Le premier élément de réponse est notre rapport à la Croix.  Pour entrer dans la Gloire de Dieu, nous sommes appelés à ne pas fuir la Croix mais à accueillir d’Elle son pouvoir de conversion en la Gloire. Cette Croix, en laquelle sont réunies toutes nos croix, porte cette grâce complètement folle de nous donner accès à Dieu et à sa Gloire au cœur même de toutes nos souffrances. Pour le dire autrement, nous n’y sommes plus seuls. Dans l’intime de nos croix se tient l’Amour de Dieu, comme une source infinie, qui transmue en Vie toutes nos morts; faisant qu’aucune d’elles ne peut nous enfermer dans la mort.  Ce n’est donc pas en fuyant nos croix que survient notre salut avec son déferlement de Gloire, mais en y demeurant afin de découvrir en creux le trésor de grâces qui s’y trouve pour nous. « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa Gloire ? » « Ne fallait-il pas que chacun.e de nous trouve au cœur de ses croix le mystère d’un Amour infini ? »

Une telle réalité nous appelle à questionner nos images d’un Dieu qui vainc nos souffrances par une sorte de prise de pouvoir toute-puissante, qui écrase l’ennemi et qui efface toute blessure. Ce Dieu conquérant et triomphant a trop la figure de notre propre système de salut fondé sur la violence et nous rappelle ce dialogue entendu de la lutte (trop souvent violente) du Bien contre le mal. Cette bascule vers la Gloire ou vers l’Amour n’est pas une lutte violente et sans merci contre le mal mais le simple choix, pourtant si difficile à cause de nos modes habituels de salut, pour la Vie. Trop longtemps, nous luttons contre le mal en nous, confirmant en fait son pouvoir sur nous, quand, en réalité, nous sommes appelés à détourner notre regard de ce mal pour donner foi à la Vie. Ce simple geste brise les chaînes du mal contre nous et nous jette en sa Gloire.[1]

« Nos esprits sans intelligence et nos cœurs lents à croire » doivent ainsi apprendre à lire dans l’évangile de chacune de nos vies le mystère de ce Verbe, de ce Fils du Père, qui se dit et qui, constamment, au nom du Père crée et sauve ce monde. Chaque Parole prononcée dans l’intime de notre chair a pouvoir de Résurrection et, donc, pouvoir, si nous y consentons, de faire basculer notre existence dans sa Gloire. Cette Parole à l’origine de tout ne peut être que Celle qui est à l’origine d’un nouveau commencement de Vie dans l’histoire de chacun.e.

L’écoute de cette Parole demande que tout ce que nous vivons soit remis entre les mains du Fils, à sa disposition, afin qu’Il en rompe le « pain » du réel et qu’Il nous donne de voir en tout sa Présence. Et cette Présence nous pouvons la découvrir même quand la nuit tombe sur nous par les événements qui surviennent, car, en tout, Dieu est ce « pain de Vie » qui nous est laissé en partage. Il est ce Bien de Gloire caché mais dévoilé si nous disons oui à son Eucharistie, et à notre eucharistie, au cœur de nos existences. À ce moment, non seulement découvrons-nous Dieu mais nous sommes reconduits à nous-mêmes et, de là, à saisir que sa Gloire ne peut s’exprimer que dans la communion entre nous et notre service mutuel d’Amour pour sa Gloire.

Cessons de « marcher à l’envers » et de s’éloigner de sa Gloire, quoique que le texte montre que même cela n’est plus important si, simplement, nous laissons le Fils rompre tous les pains du monde (situations, événements, souffrances, désirs, etc.), et même nos marches à l’envers, pour y découvrir cet Amour sans fin.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)


[1] Si nous comprenions cette réalité, nous cesserions entre nous chrétiens de nous poser les uns contre les autres (et ce jusqu’aux désirs schismatiques), spécialement entre conservateurs et progressistes, pour apprendre à trouver en chacun la Gloire de Dieu qui y resplendit.

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