Évangile du Mardi 2 avril – Octave de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« “J’ai vu le Seigneur !”, et elle raconta ce qu’il lui avait dit » Jn 20, 11-18
En ce temps-là, Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit.
Méditation
Aujourd’hui nous sommes le mardi de l’octave de Pâques. Octave de Pâques, huit jours comme un seul! Huit jours pour assimiler l’annonce incroyable de la résurrection de Jésus d’entre les morts. Huit jours. Nous en avons bien besoin parce que notre coeur est si lent à croire, désabusé peut-être, meurtri par tant de mal un peu partout dans le monde … “Encore une fois la Semaine Sainte. Célébrer la résurrection une année de plus … Tout cela a-t-il encore quelque chose à me dire cette année?” Et puis, tout est tellement rapide, trop rapide! En trois jours (le triduum) nos coeurs traversent tant de paysages intérieurs avec Jésus. Un mélange de si fortes émotions – la joie de la fraternité et de la communion; la tristesse amère des négations, celle de la trahison ; la peur de la violence et de tant d’humiliations ; l’angoisse de la séparation et de la mort ; l’abattement qui suit la mise au tombeau -. Notre coeur humain n’est pas capable de saisir ‘tant de choses’ en si peu de temps. Et le “Il est vivant!” du matin de Pâques risque tellement d’être étouffé par nos doutes, de disparaître … si vite.
Alors oui, quelle sagesse que ces huit jours qui nous sont offerts pour laisser le message de la Vie imprégner notre terre intérieure! Marie Madeleine en a eu besoin elle aussi du temps. Comme tous les disciples éparpillés par le drame de la Passion. Ce matin du premier jour de la semaine, elle était encore “en pleurs, près du tombeau”. Tellement emprisonnée encore dans le choc de la disparition de Jésus, elle est incapable de le reconnaître. “Elle aperçoit Jésus qui se tenait là mais elle ne savait pas que c’était [Lui]” Alors “Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Même la voix de Jésus lui semble inconnue. Marie Madeleine le prend pour le jardinier et lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. »
C’est seulement au son de son prénom qu’elle se réveille de la torpeur où la tristesse l’avait plongée. « Marie ! » Et sa réponse surgit tel un cri d’amour: « Rabbouni ! » Enfin! Enfin Marie a pu reconnaître son Seigneur. Elle l’appelle comme elle a dû toujours l’appeler, dans la langue qui leur était commune. Entre ces deux mots à peine – ‘Marie’ et ‘Rabbouni’ –, dans ce dialogue minime et ce ‘retournement’, tout semble dit de l’expérience de la résurrection! N’est-elle pas justement l’expérience d’être ‘appelé par notre nom’, d’être ‘reconnu’? Et tout en même temps, au même instant, de Le ‘reconnaître’ Lui, Vivant devant nous?
Cela me rappelle des paroles[1] du cardinal Walter Kasper lues il y a quelques mois: “Je réalise que j’ai moi aussi un nom, quelque chose qui m’est propre et unique, me distinguant de tout le reste. Ce nom ne se limite pas à celui que ma famille et mes amis utilisent pour m’appeler. Dieu l’utilise aussi lorsque Il m’appelle. Dieu me connaît. Il m’appelle depuis toujours et ne m’oubliera jamais.” Se savoir reconnu dans ce qui nous est unique, dans ce qui fait de notre existence une ‘perle rare’, une ‘parole unique’ de Dieu … voilà l’expérience qui fait jaillir la Vie en chaque être humain! Ces lignes de Kasper se trouvent dans un petit chapitre du livre dont le titre m’a semblé si important: “Il y a Q(q)uelqu’un qui souhaite que ça aille bien pour toi!” (j’en ignore le titre original). Assimiler la bonne nouvelle de Pâques, ne serait-ce pas justement croire cette affirmation? La croire pour moi, la croire pour chaque personne qui traverse mon chemin de vie. La croire, et tout faire pour que le regard de bonté posé sur moi, sur chaque personne – comme sur Marie Madeleine devant le tombeau vide – puisse faire fleurir la beauté qui m’(l’)habite.
Et puis, en méditant cette rencontre près du tombeau, j’ai pensé que notre expérience de la résurrection ‘se cache’ aussi dans l’expression de soi et l’écoute de l’autre. Au Pèlerin, dans l’accompagnement, nous en sommes si souvent témoins. Jésus aurait pu tout de suite se révéler à Marie Madeleine et lui dire: “C’est moi! Tu ne me reconnais pas?” Mais Il a préféré plutôt l’aider à exprimer ce qui l’habitait. « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Tous, comme elle, nous avons tant besoin de pouvoir verbaliser, mettre des mots sur notre vécu, nos sentiments. Et dans l’écoute de l’A(a)utre, me savoir entendu et apprendre à m’entendre moi-même. Patient chemin où la Vie à nouveau se fraie sa route, doucement …
“[La] résurrection [de Jésus] n’est pas un fait relevant du passé ; elle a une force de vie qui a pénétré le monde” rappelle le Pape François dans les derniers paragraphes de son exhortation “La joie de l’Evangile”[2]. J’aime relire de temps en temps ces mots qui me redisent avec tant de clarté ce qui ‘est’ déjà définitif du côté de Dieu et qu’Il m’invite à croire de tout mon coeur et de toutes mes forces. “La foi signifie […] croire qu’Il nous aime vraiment, qu’Il est vivant, qu’Il est capable d’intervenir mystérieusement, qu’Il ne nous abandonne pas, qu’Il tire le bien du mal par sa puissance et sa créativité infinie. C’est croire qu’Il marche victorieux dans l’histoire […] Il est présent, Il vient de nouveau, Il combat pour refleurir. […] Ne restons pas en marge de ce chemin de l’espérance vivante !” (§ 278) .
« J’ai vu le Seigneur ! » Marie Madeleine raconta avec une joie indicible sa rencontre avec Jésus. Puisse ce temps de Pâques être pour nous aussi l’occasion de partager avec d’autres les signes de la Vie, de sa vie ressuscitée! Le printemps – dans l’hémisphère nord, et en Corée depuis une dizaine de jours – nous aide lui aussi à contempler le miracle de la résurrection! “Ne restons pas en marge de ce chemin de l’espérance vivante !” La nature, les délicates fleurs de pruniers et de cerisiers, les jeunes feuilles d’un vert tendre sur les troncs rugueux émergeant de l’hiver, ne se lassent pas de nous le proclamer! Belle fête de Pâques à chacun!
Laurence Vasseur, vasseurlaurence@hotmail.com
[1] Je les traduis du coréen, langue dans laquelle je les ai lus! Cardinal Walter Kasper, ‘Ô homme, reconnais ta dignité‘, Méditations de l’Avent et de Noël, partie 2.
[2] L’action mystérieuse du Ressuscité et de son Esprit [275-280]. Ici le § 276. https://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html#L%E2%80%99action_myst%C3%A9rieuse_du_Ressuscit%C3%A9_et_de_son_Esprit
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