Méditation quotidienne du Lundi 18 mars : Un chemin s’abaisse au-dessus des orages (No 183 – série 2023-2024)

Évangile du Lundi 18 mars 5e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre » Jn 8, 1-11

En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

Méditation

Au contact de Jésus, personne n’a jamais perdu sa liberté. Personne ne s’est enfoncé dans une culpabilité paralysante. Au contraire, de la bouche de Jésus, ses interlocuteurs entendirent l’annonce d’une nouvelle heureuse. Nos errements n’ont pas le dernier mot, puisqu’une Parole se lève : « Va, et désormais ne pèche plus. » Au moment où les deux mâchoires d’un piège se referment, une Parole s’envole et invente quelque chose de neuf. Comment Jésus fait-il ce miracle ? 

Dans nos sociétés, des lois sanglent les hommes dans des exigences. Performance, urgence, concurrence sont nos idoles. Celui qui refuserait leur culte se condamnerait à mort : les rebuts humains s’alignent sur les trottoirs des mégapoles. Ceux qui ne suivent pas la cadence infernale sont brûlés de l’intérieur : c’est le burn out. « Le temps, c’est de l’argent » ; « tout est jetable » ; « tout est remplaçable »… voilà la condamnation des marchés. Les vieux mots des châtiments anciens réapparaissent dans notre vocabulaire moderne pour dire notre violence : tel chanteur est cloué au pilori, tel parlementaire subit un lynchage médiatique et un troisième est lapidé sur Facebook. Nous réinventons de nouvelles formes de mise à mort sociale.

Dans ce récit évangélique, des pharisiens sélectionnent quelques passages de l’Écriture pour instrumentaliser « une femme surprise en flagrant délit d’adultère » afin de coincer Jésus. Pour consolider l’unité du peuple, ils concoctent la vieille recette du sacrifice : « il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. » (Jn 11,50). La mort du pécheur dissuade les transgresseurs, car la peur est un ciment social. Les pharisiens brandissent les passages les plus sévères (Dt 17,5) en écartant ce qui ouvrirait au pécheur un salut. Ils font la sourde oreille lorsque Ézéchiel proclame : « Est-ce donc la mort du méchant que je désire, déclare le Seigneur, n’est-ce pas plutôt qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? » (Ez 18,23)

Au mal que représente l’adultère, les pharisiens opposent le châtiment de ce vice comme un bien purificateur : la lapidation du pécheur. Mais, le bien et le mal sont-ils vraiment des opposés alignés sur le même plan ? Lorsque les pharisiens renvoient dos à dos le bien et le mal, ils oublient que le bien n’est pas le double inversé du mal. Il ne suffit pas de châtier le mal pour faire le bien (Mc 3,17). Souvent, opposer mécaniquement le bien au mal, même avec bonne volonté, renforce la haine. Sur l’incendie du mal, jeter avec enthousiasme un bien plus inflammable que le feu que l’on prétendait éteindre conduit à l’embrasement général. Lorsque le bien et le mal combattent comme deux dragons, l’escalade des rivalités lance des étincelles sur une poudrière prête à exploser.

Or, le bien n’appartient qu’à Dieu seul. Il est infiniment au-dessus du mal. Ce bien, léger  comme la Sagesse, suppose l’invention géniale de l’Esprit. Comme une colombe, l’Esprit trace sa ligne de vol au dessus des tranchées ennemies. Ingénieusement, Jésus ne confronte pas la Loi de Moïse. Lorsqu’il dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. », il contourne le piège (tendu par les pharisiens) en retenant la leçon du psaume « Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui subsistera ? » (Ps 129,3). De même, dans son attitude corporelle, Jésus ne toise pas avec arrogance ses adversaires : « Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. » Ses adversaires en croisant le regard plein de bonté du Sauveur n’y auraient lu qu’une provocation déclenchant leur haine. Face à ceux qui escaladent l’échelle de la rivalité, Jésus descend tranquillement. Dans Son abaissement, il rejoint cette femme bafouée. Les hommes de Babel s’imaginent monter jusqu’au ciel en se marchant les uns sur les autres. Mais, Jésus s’abaisse en écrivant dans le sable. 

Jésus affronte ses accusateurs sans les juger. Devant leur regard inquisiteur, Jésus place habilement leur propre conscience ! Chacun est seul, face à lui-même. Dans le secret de sa conscience, chacun se voit : « Celui d’entre vous qui est sans péché ». Qui peut se dire sans péché ? Le Verbe rétablit la loi originelle de la Création qui met fin au chaos de la confusion : la Parole de Jésus sépare la femme de ses accusateurs. Le groupe des accusateurs se fissure à son tour : « Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. » Les pécheurs se séparent du fantasme d’un bien absolu. L’atmosphère se détend pour délivrer à chacun sa vérité : la femme reçoit la vérité de la tendresse de Dieu et se relève ; les pharisiens repartent avec une vérité décapante qui met en route. Jésus restitue le Temple à l’adoration du vrai dieu, maître du bien et inventeur de salut.

Vincent REIFFSTECK.    vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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