Évangile du Lundi 4 mars – 3e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
Jésus, comme Élie et Élisée, n’est pas envoyé qu’aux seuls Juifs Lc 4, 24-30
Dans la synagogue de Nazareth, Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. »
À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.
Méditation
Lors du baptême donné par Jean, au milieu d’un peuple appelé à une transformation de vie, Jésus se révéla comme Fils aimé du Père (Lc 3,22). Puis, les impasses dans lesquelles nous tombons tous, Jésus les reparcourt à travers les tentations au désert (Lc 4,1) ; Il montra ainsi comment demeurer Fils dans les épreuves.
A Nazareth où il a grandi (Lc 4,16), Jésus a choisi d’accepter l’invitation de la synagogue le jour où on lit le texte du prophète Isaïe (61,1-2) : c’est le passage qui annonce la venue du Messie « consacré par l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres », « pour proclamer aux prisonniers la délivrance ». Combien de fois ces personnes ont-elles entendues cette prophétie ? Comme une chanson qu’on fredonne, cette prophétie passe de lèvres en lèvres… On a oublié ce que cette délivrance exigeait de transformation. N’est-on pas à deux doigts de la superstition ? On se dit : « le Messie me sauvera magiquement sans mon implication, sans ma foi… »
Jésus calmement roule le livre qu’il remet au serviteur et s’assied. C’est alors qu’une parole inouïe retentit dans la synagogue : ce texte d’Isaïe qui annonce qu’un Messie viendra, Jésus le déclare accompli par Sa présence (Lc 4,21). D’un coup, la texture du temps se déchire. Une rupture offre la délivrance comme une proposition à saisir aujourd’hui.
Immédiatement, une opposition se dresse contre Jésus pour Lui dénier la possibilité d’être prophète. Est-il si facile de faire à la Parole du Messie « un accueil favorable » ? Lui qui dérange ma routine, saurais-je Le reconnaître ? La parenté de Jésus n’hésite pas, chez Marc, à chercher Jésus pour l’intercepter en le déclarant fou (Mc 3,21). Jésus est rejeté par les siens. Dire que Jésus est fou, c’est rejeter Sa parole en dehors de ce qui est acceptable : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. » Si on demande à Jésus d’être prophète ailleurs, c’est une manière de refuser sa proposition de salut. Pourtant, au contact de Jésus, personne n’a perdu sa liberté. Il met en route. Le Christ enseigne une transformation qui perce les impasses. N’est-ce pas pour cela qu’on le traite de fou ? N’est-ce pas pour cela qu’on l’expulse en dehors du pays des gens sensés ?
Face à l’assemblée qui résiste, Jésus pousse plus loin la provocation. L’assemblée de la synagogue se considérait comme le peuple des purs qui jouissent avec assurance de la nourriture donnée par Dieu : « Nous sommes des gens bien. » Chaque époque se rassure en édifiant une liste des pensées conformes, des idées à suivre. Contre ceux qui se pensent « comme il faut », en déniant au Messie le droit de délivrer, Jésus se reconnaît dans le geste d’Élie et d’Élisée qui sortit d’Israël pour nourrir et soigner des païens. Si Israël est un peuple de parfaits, comment ces gens pourraient-ils être affamés ? Comment leurs désirs seraient-ils lépreux ? Par provocation, Jésus pique leur orgueil de purs et leur certitude de repus. Si je ne reconnais pas ma faim et ma lèpre, ai-je besoin d’un Messie qui nourrit et délivre ? Jésus interprète le refus de Sa parole à la lumière des prophètes Élie et Élisée envoyés à des païens. Pour que le Messie puisse apporter la délivrance, il faut que les cœurs s’ouvrent à son action. Il faut reconnaître que nous avons besoin de Son aide. C’est la repentance.
L’illusion conformiste d’être « comme il faut » selon le monde est un enduit épais qui colmate les blessures par lesquelles la grâce pourrait passer. Sommes-nous prêts à nous reconnaître comme lépreux ? Suis-je un infirme de l’amour ? Le carême permet d’avouer notre besoin. Dans nos familles, sommes-nous capables de faire émerger les conflits ? Espérer vivre sans conflits est une illusion. Savons-nous exprimer les conflits ? Ou alors, glissons-nous la poussière sous le tapis en priant pour que le tapis soit auto-nettoyant ? Pouvons-nous dans nos communautés s’avouer qu’il est normal d’avoir des avis opposés ? De même, pouvons-nous nous avouer nos pulsions ? Que faisons-nous de nos pulsions de de colère ? Nos pulsions sexuelles, osons-nous les identifier ? Ou bien, disons-nous : « pas de ça devant le Messie, tout de même ! Si le Messie savait que nous avons faim et que nous sommes lépreux… il ne viendra jamais nous visiter ! » Nous rejoignons alors le groupe des « purs » tout à fait lisses qui refusent Jésus. Mais, derrière ces illusions de pureté, tout sonne faux. A force de se croire purs, on rêve notre vie au lieu de la vivre. S’avouer ses pulsions dit que nous avons faim de vie, d’amour, de bonheur. Ces pulsions ont besoin d’une Parole pour marcher, grandir, désirer. Sans vérité, comment s’engager dans le salut ?
Seigneur, quand mon cœur est affamé, montre-moi les illusions qui me disent que je n’ai pas faim. Quand je suis repus, satisfait, trop lisse, ouvre en moi le désir d’un chemin qui transforme.
Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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