Méditation quotidienne du vendredi 23 février : Le mal transfiguré aux couleurs de Pâques (No 159 – série 2023-2024)

Évangile du Vendredi 23 février – 1re semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Va d’abord te réconcilier avec ton frère » Mt 5, 20-26

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous le dis : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. »

Méditation

Jésus parle de justice, de loi et de réconciliation avec une impossible définition humaine.

Et Matthieu, l’auteur de cette page, était un collecteur d’impôts chargé d’appliquer systématiquement les lois fiscales de son époque. Quel paradoxe et quelle disparité!

« Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux ». La loi des scribes et des pharisiens était axée sur l’extérieur, l’important était de sauver la face grâce à des actions visibles, voire ostentatoires. Cependant, ces actions extérieures bien que moralement correctes ne suffisent pas à guérir un cœur habité par l’hostilité, la rancune, l’amertume…et cela risque de conduire à un choc de cymbales (une contre-ode à l’amour). 

Jésus n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir. Il propose un chemin intérieur vers les profondeurs de l’âme, qui est fondé sur la limpidité des intentions et non sur les discours stériles, moins encore sur les lois minimales. Jésus interdit la médiocrité, vaut mieux tomber, trébucher que de rester médiocre. Chemin qui ne s’annonce pas facile mais qui, s’il est parcouru, nous permet de rejoindre notre origine et notre finalité. Dieu modela l’homme pour concrétiser en lui Ses bienfaits, Son image; nous avons un cœur habité par un Autre et nos gènes sont greffés par un ADN divin. Cet amour de Dieu en nous est indissociable de l’amour du prochain, les sœurs et les frères qui se regardent doivent être animés du même amour que Dieu verse en eux.

Le monde calcule, pèse et légifère selon ses propres normes. Le droit civil fixe des taux de punition pour les crimes, qui sont souvent trop élevés pour les auteurs et trop faibles pour les victimes. Le fait que la loi détermine l’étendue de la peine est une bonne chose, mais le mal s’infiltre dans les cœurs de l’offenseur et de la victime, l’un ne reconnaissant pas la gravité de son acte et l’autre, poussé par la douleur et la vengeance, ne laissant aucune place au pardon.

Le pardon est une impossible équation qui n’est naturellement pas à la portée de l’humain, surtout qu’il y a des actes si horribles que la rémission est quasi-impossible. S’il faut pardonner c’est qu’il y a un mal commis, parfois impardonnable humainement et qui ne peut être effacé. Pardonner n’est pas nier et oublier l’inoubliable, mais plutôt choisir de transfigurer la mémoire du mal pour s’en libérer.

Nous avons tous été blessés à notre manière, nous avons peut-être offensé ou étés offensés, mais nous ne pouvons pas connaître une véritable libération tant que nous n’avons pas abandonné le mal que nous avons commis ou subi.

Notre pouvoir de pardon prend origine dans la puissance du pardon de Dieu. Il nous permet d’élargir notre cœur non pas aux dimensions infinies du péché et de la rédemption, mais aux dimensions infinies de Sa miséricorde. C’est Dieu qui pardonne à travers le pardon de l’être blessé et offensé. Sans notre pardon mutuel, le pardon de Dieu ne peut pas s’incarner dans l’humanité. Dès l’instant où nous pardonnons nous incarnons Dieu, comme Jésus lui-même l’a fait. Grâce au pouvoir du pardon, nous devenons co-créateurs, partenaires avec Dieu dans l’œuvre de création.

« Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison »

Le mal intérieur enfoui au plus profond de l’âme est notre plus grand adversaire, celui avec qui nous pouvons cheminer toute une vie et qui nous livre sans cesse au plus impitoyable des juges, notre juge intérieur; nous pouvons restés ainsi emprisonnés dans son abime infini, ravivant la flamme de sa mémoire et approfondissant sa lésion dans le cœur. Seul le pardon est capable de tenir face au mal, seul le pardon est plus fort que le mal, comme la vie est plus forte que la mort. Le mal demeurera toujours incompréhensible pour nous et il en va de même pour le pardon. Le pardon s’inscrit dans cet ordre de mystère et on ne peut que prendre conscience des effets de son passage, sans toutefois le comprendre ni le définir.

Pour y arriver, Jésus nous incite à transfigurer notre pensée, notre mémoire et notre cœur par le feu de Son Amour. Cette transfiguration donne naissance à la grâce de pardonner, par-don comme un double don, comme un don parfait. La réconciliation libère le pardonneur et le pardonné et rétablit la relation filiale; c’est un acte de liberté, un choix d’un laisser-aller qui, une fois posé, laisse place à une résurrection, à l’émergence d’une vie nouvelle.

Sur son passage, la réconciliation laisse l’empreinte d’un visage et d’un cœur : ceux de l’Autre par qui le pardon a pris naissance. Désormais, ce seront Son visage et Son cœur qui se dresseront entre l’offenseur, l’offensé et l’abîme du mal. Le mal prend alors la couleur de Pâques, la couleur de la résurrection.

Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)

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