Méditation quotidienne du dimanche 18 février : Ciel et terre en déchirure (No 154 – série 2023-2024)

Évangile du Dimanche 18 février – 1re dimanche de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Jésus fut tenté par Satan, et les anges le servaient » Mc 1, 12-15

En ce temps-là, Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

Méditation

La première phrase, qui est un ajout n’appartenant pas au texte biblique proprement dit, veut rappeler que cet extrait de l’Évangile est incompréhensible sans la perspective du baptême de Jésus. Dans l’Évangile de Marc, ce baptême est le premier acte public de Jésus, au sortir de sa vie cachée. L’événement laisse resplendir que la relation éternelle du Père et du Fils dans l’Esprit s’exprime sous une forme nouvelle de par l’incarnation du Fils et que toute la vie et l’œuvre de Jésus en ce monde s’inscrit dans un acte trinitaire. Le Père et l’Esprit sont là présents et agissants au cœur de son baptême : « Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie »  (Mc 1, 10-11).

Le mystère de la sortie du Fils pour venir sur la terre est « une déchirure du ciel » en laquelle l’Esprit descend afin de partager, au nom du Père et du Fils, la Vie et l’Amour trinitaires. Mais cette déchirure en demande une deuxième, qui est celle que Jésus doit opérer dans la chair humaine. Cette seconde déchirure vise la part humaine blessée et enfermée par le péché. C’est en cette part que Jésus est, aussi, baptisé et, dont le sommet se vivra à la Croix et lors de sa descente aux enfers. C’est pourquoi, et nous voilà au texte d’aujourd’hui, « aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan ». Il y a ici une rencontre entre l’« aussitôt » des Présences du Père et de l’Esprit avec le Fils et l’« aussitôt » de cette poussée du Fils au désert pour affronter Satan.

Cet affrontement visera, selon les évangélistes Matthieu et Luc, la réalité même de l’« aussitôt » trinitaire : Satan demandera au Fils de nier qui il est, en tant que Parole unique du Père, nier son obéissance à l’Esprit et obéir au mal et choisir de ne plus adorer le Père, donc de vivre dans sa Gloire, celle de son Amour, pour, à la place, adhérer à la gloire du monde. Les tentations de Jésus au désert montrent avec force combien le mal a recouvert de ténèbres l’humanité l’empêchant de devenir fils ou fille dans le Fils, d’obéir à l’Esprit de Vie et d’Amour et d’adorer le Père. Mais le Fils est venu pour déchirer ce voile.

C’est pourquoi Matthieu raconte que, à la Croix, lorsque « Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit (…) le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas » (27, 50-51). Par sa Passion et mort, en rendant l’Esprit, voilà que cet Amour et cette Vie de l’Esprit peuvent retourner au Père. Et ce retour est possible parce que Jésus a pris tous les péchés de l’humain avec ses ténèbres et son carcan de mort et a ouvert dans le « sanctuaire » humain cette déchirure où, à nouveau, l’Esprit de Vie peut circuler. 

Quand Léonard Cohen écrit : « « There is a crack in everything. That’s how the light gets in » ( « il y a une faille en chaque chose. C’est par là que jaillit la lumière »), il affirme une réalité profondément chrétienne. Car si le Fils n’avait pas pris sur Lui la chape de mort de notre péché et ouvert une faille de Vie et d’Amour en elle, une telle affirmation aurait été impossible. Du mal aucune Lumière ne peut filtrer mais, par le Christ et par la « déchirure du Ciel » ouverte par son incarnation s’est réalisée la « déchirure du sanctuaire de la chair ». Cette œuvre, comme le souligne le texte de Matthieu est une œuvre du Ciel, car cette déchirure se réalise de « haut en bas ».

Par les tentations de Jésus au désert, Satan a seulement su que cet homme était bien le Fils de Dieu. Et toute la confrérie des esprits mauvais le saura à partir de ce jour : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. » (Mc 1, 24). C’est ici que le mystère de notre baptême au nom du Père, du Fils et de l’Esprit doit nous mettre dans l’assurance que le mal n’a plus d’emprise sur nous et que dans les failles laissées en notre être par la Lumière du Fils et par la Vie et l’Amour de l’Esprit tout chemin du Père vers nous et de nous vers le Père demeure toujours ouvert.

En chacun de nos cœurs, il y a cette « déchirure» par laquelle le Ciel et la terre conversent d’Amour, sans l’emprise d’aucun mal ! En ce premier dimanche de Carême, entrons dans cette conversation d’Amour au cœur de notre « déchirure » !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org) 

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