Évangile du Jeudi 15 février – Jeudi après les cendres (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera » Lc 9, 22-25
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite.»
Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? »
Méditation
Nous ne sommes qu’au début du Carême et d’emblée l’Évangile d’aujourd’hui nous pose une question. Entre la souffrance annoncée de Jésus et sa mort, il n’y a dans le texte qu’un seul élément noté : « qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes ». Mais pourquoi ce rejet est-il devenu, à sa façon, comme le centre ou l’explication de sa Passion ? Je n’ai pas la prétention de répondre à cette question mais c’est cette question qui m’a frappé et qui me demande réponse.
Évidemment, il nous est facile d’imaginer comment pour Jésus ce qu’il dit porte souffrance, car les juifs n’étaient-ils pas le peuple élu de Dieu ? Ceci dit, ce ne peut être une condamnation du peuple juif, car tel n’est pas l’Esprit de Dieu, mais, plutôt, un rappel à nous, toutes et tous, de ce qui atteint Dieu de plein fouet : le rejet. N’est-il pas de fait le cœur du péché, la réalité marquante de la rupture avec le Père, avec Dieu ! À cet égard, ne doit-on pas nous poser chacun.e la question : en quoi, je rejette Dieu ?
La réponse, à un plan personnel, est presqu’hallucinante. Je rejette Dieu, quand je me rejette moi-même ou une part de mon humanité, quand je rejette les autres pour des raisons de ressentiment, de différences, d’opinions, etc., quand je rejette toute mon inconsidération sur la nature et la détruis, … Et la liste pourrait s’allonger et devenir facilement tout le contenu de cette méditation.
Le rejet signifie réellement un refus de Dieu, des autres, de soi et de la création. Non seulement une telle attitude nous fait vivre hors-Dieu, hors-des-autres, hors-soi et hors-création mais elle nous gonfle d’un orgueil démesuré qui nous place seul au cœur du monde, comme celui ou celle qui s’élève comme un dieu avec son pouvoir, sa domination et son utilisation de tout ce qui existe. Et ici, ces anciens, ces grands prêtres et ces scribes sont au premier plan, car ils se servent de Dieu contre Dieu et contre les humains.
Ce rejet ou ce refus n’est pas seulement à être considéré au plan personnel mais aussi au plan collectif. À ce titre, il est toujours essentiel de réfléchir si nos organisations, même l’Église à laquelle nous appartenons, se cristallisent dans ce rejet ou ce refus. L’histoire de l’Église nous rappelle avec trop de force comment elle a pu se servir, par exemple, d’une image d’un Dieu Tout-Puissant, afin de s’en servir afin de dominer les humains et les rendre esclaves. À nous de faire notre propre examen de conscience en ce début de Carême. Mais l’Évangile ne nous laisse pas en plein vide, car Il nous révèle la voie pour briser le rejet et le refus.
« Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? »
Le seul chemin pour nous de briser le cercle du rejet et du refus est de se mettre à la suite du Christ et, donc, à ne plus vivre en auto-référencement mais à partir d’un regard aimant vers Dieu. Ce renoncement à soi n’est pas semblable au renoncement qu’exige le péché mais se veut un annoncement de qui nous sommes vraiment : un être fait pour Dieu, un être qui est appelé à être divinisé par Dieu (et non par soi-même). « Prendre sa croix » est, ainsi, accepter tous les jours que la réalité nous remette en question et remette en cause notre orgueil de mort sur le vivant. « Prendre sa croix » est donc entrer dans cet Amour qui, à la Passion et à la Croix, transformera l’humain et le monde de l’intérieur. À cet effet, si nous conquerrons l’extérieur sans se laisser conquérir intérieurement par l’Amour, alors nous demeurerons dans le rejet et le refus de Dieu, des autres, de soi-même et de la création. Nos efforts pour gagner le monde entier, sans accueillir en nous ce Dieu qui veut se perdre de Vie en nous, font en sorte que nous ne saurons apprendre de Lui à perdre d’Amour notre vie pour les A(a)utres. Mais si nous perdons notre vie à cause de Lui, non seulement nous serons sauvés mais nous sauverons le monde de ce rejet et de ce refus de nous-mêmes, de Dieu, des autres et de la création. Nous ne vivrons plus dans le rejet mais dans la communion de Dieu en nous et de nous en Dieu.
Sur cette route du Carême, osons perdre pour ne plus vivre dans le rejet et le refus.
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
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