Évangile du Lundi 12 février – 6e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? » Mc 8, 11-13
En ce temps-là, les pharisiens survinrent et se mirent à discuter avec Jésus ; pour le mettre à l’épreuve, ils cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus soupira au plus profond de lui-même et dit : « Pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? Amen, je vous le déclare : aucun signe ne sera donné à cette génération. » Puis il les quitta, remonta en barque, et il partit vers l’autre rive.
Méditation
Les pharisiens veulent faire une expérience : ce phénomène « Jésus » entre-t-il dans nos théories ? Ce « Jésus », si dérangeant, correspond-t-il à nos idées ? Pour aller au bout de leur hypothèse, les pharisiens organisent une expérimentation pour « mettre à l’épreuve » Jésus. Ils Le passent à la question : « ils cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. » Jésus, qui ne parle pas le langage politiquement correct, les pharisiens veulent Le contraindre à faire « signe ». « C’est à Dieu de Se convertir pour communiquer selon nos habitudes », se disent ces spécialistes de la religion. « Dieu peut bien faire un effort pour tourner autour de nos préoccupations. »
Au XVII° siècle, Blaise PASCAL, dans son apologie de la religion chrétienne, entrait en dialogue avec les athées qui pensaient avoir fait beaucoup en lisant deux heures un texte sur la religion. Forts de cette lecture, les athées se dressaient, du haut de leur savoir, pour rejeter Dieu. La suffisance donne un air de supériorité qui condamne sans examen avec bonne conscience… Tournant autour d’eux-mêmes où il n’y a aucune lumière, ces athées déclaraient que leur aveuglement était une norme commune : « Objection des athées. Mais nous n’avons nulle lumière. » (Blaise Pascal, Les Pensées, Lafuma 244). Se prendre comme référence, établir ce que l’on cherche à partir de soi, est-ce chercher avec honnêteté ? Enfermer la raison dans nos routines, en déclarant que Dieu n’a pas le droit d’exister en dehors de ce point, est-ce vraiment raisonnable ?
Jésus bute contre le refus de s’ouvrir. Ce Dieu libre est meurtri par une fermeture de cœur. « Jésus soupira au plus profond de lui-même. » Devant le signe vivant qui marche sur terre aux côtés des hommes, les pharisiens demandent « un signe venant du ciel ». Je suis souvent comme ces pharisiens qui cherchent le Christ là où il n’est pas.
À ses disciples qu’Il regardera droit dans les yeux, le Christ Se posera Lui-même comme une question adressée à chacun : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mt 16,15) Jésus possède une identité divine qui ne Se présente pas aux hommes comme une chose toute faite… comme une chose toute prête… à oublier en la recouvrant de mots grandioses : « adoration », « vénération », « divinité » etc. Jésus exige une réponse personnelle. Ma réponse à moi, celle qui m’engage et me définit, celle qui me fait tenir debout face à Lui !
Combien de fois, dans une heure d’adoration du Saint sacrement, je me perds dans une construction d’illusions ! Combien de fois demandé-je au Christ « un signe venant du ciel » alors qu’Il est le pain de la route ! Ne suis-je pas en train d’utiliser Dieu pour m’évader de mes tâches humaines ? Jésus est là présent sur l’autel. Mais, moi… suis-je présent à moi-même pour accueillir cet hôte divin ? Je prétends reconnaître le Christ, alors que je ne suis pas au clair sur mes désirs. Dès lors, où Jésus peut-il naître ? Le « il n’y avait pas de place dans la pièce commune » (Lc 2,7) se renouvelle à cause de ma négligence. Est-ce que je permets au Christ intérieur d’entrer en consonance avec le Christ vivant dans l’hostie ?
En accablant Jésus de mots grandioses, nous redoublons l’idolâtrie du veau recouvert de plaques d’or, image morte de nos illusions (Exode 32,1-4). Le psychisme se fait spontanément un bon dieu plaqué or. Mais, le bois que je dore n’est-il pas pourri ? Est-il utile de dire « oui » au Seigneur pour mieux dissimuler un « non » qui Le recouvre (Mt 21,28-32) ? L’athéisme des autres… ah oui ! je le repère bien… Mais, le mien, qui s’étale sous mes yeux, puis-je voir ? (Mt 7,3-5) L’incroyance dissimulée en nous transforme le vrai Dieu en mannequin qui porte les vêtements de nos trahisons. (Mt 27,28-31) Pour une perspective qui supprime Dieu, l’intérêt pervers d’un « signe venant du ciel » est que ce signe détache de la terre… Comme un ballon d’hélium, la foi flotte dans un ciel moelleux.
Mais, le Christ est bien vivant dans notre monde. Incarné et réel, le Christ prononce Sa Parole sur notre terre. Pour notre conformisme douillet, l’inconvénient d’une parole prononcée sur Terre, est qu’elle touche la vie… elle ne laisse plus tranquille. Elle questionne mon histoire, mes relations… Elle réveille (Is 50,4-7). Elle bouge. Vais-je bouger avec l’Esprit qui bouge en moi ?
Comment je fais la vaisselle dans ma communauté ? Quelle conversation tient-on pendant qu’on essuie les assiettes ? Quelle tension se noue pendant qu’on frotte les torchons sur les verres ? Suis-je prêt à entendre ce signe ?
Le sacrement de mariage se vit-il dans le concret du loyer à payer, dans le dialogue quotidien ? L’échange sexuel est-il une parole ? Ou bien, le mariage est-il une alliance qui brille au doigt d’une main qui ignore l’amour ? Suis-je prêt à considérer mon conjoint comme « la chair de ma chair » (Gn 2,23) qui m’ouvre vers Dieu ? Mon mari est-il un signe ? Ma femme est-elle un signe ?
L’indifférence religieuse de notre époque qui recouvre de bruits la présence silencieuse du Christ me fait-elle signe ? Suis-je capable dans mes frères athées, dans mes sœurs indifférentes de discerner les aspirations spirituelles ?
Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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