Méditation quotidienne du mardi 23 janvier : Mon frère, ma soeur, ma mère, mon père (No 128 – série 2023-2024)

Image par Daniel Park de Pixabay

Évangile du Mardi 23 janvier – 3e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère » Mc 3, 31-35

En ce temps-là, comme Jésus était dans une maison, arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler. Une foule était assise autour de lui ; et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors : ils te cherchent. » Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »

Méditation

Début janvier me reviennent toujours en mémoire les activités et surtout les rencontres que j’ai pu faire en ce premier mois, d’autres années. En Corée, c’est le temps des « grandes vacances » pour les écoliers et adolescents, et donc un mois d’activités intenses pour nous ! Il y a 4 ans, juste avant le début de la pandémie de Covid, je me retrouvais perdue dans les montagnes de la province de Changmai, au Nord de la Thaïlande, accueillie avec nos adolescents par des villageois chrétiens. À Meyanoi, nous avons partagé la vie de nos hôtes pendant une petite semaine, au rythme du lever et du coucher du soleil. C’était un lieu très pauvre, des petites maisons en bambou construites sur pilotis – sans électricité évidemment -, des chemins de terre battue qui montent et qui descendent, une petite chapelle au milieu d’une nature flamboyante, et des sourires, beaucoup de sourires !

« Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, (Jésus) dit : Voici ma mère et mes frères.  Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »

Comme Lui, je parcours du regard les photos de cette si belle mission à Meyanoi, et mon cœur me dit en toute sincérité : voici ma mère et mes frères ! Là-bas, j’ai fait l’expérience de liens fraternels si vrais et si profonds avec des personnes avec qui pourtant « tout » aurait pu me séparer : la langue, la culture, le chemin vers la foi catholique et son expression. « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » L’accueil de chaque famille, leur générosité extrême envers nous, n’était-elle pas « la volonté de Dieu » vécue ?  « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25,34-35) Nous étions des étrangers, et les villageois de Meyanoi nous ont accueillis comme étant leurs frères, leurs sœurs, du fond du cœur.

Faut-il voyager jusqu’au cœur des montagnes de Thaïlande du Nord pour faire cette expérience dont Jésus nous parle ? Bien évidemment non ! Aujourd’hui Il nous invite à prendre du temps pour laisser résonner cette question : pour toi, qui est un frère, une sœur, une mère, un père ?  Cette question nous rejoint très intimement. Ces mots – « frère », « sœur », « mère », « père » – touchent en nous nos tous premiers liens, ceux de la chair. Ils font écho à nos relations, d’abord familiales, mais à tant d’autres aussi … et c’est pour cela que la question peut nous être parfois douloureuse. En accompagnement, combien nous découvrons ce travail d’exploration essentiel pour guérir ce qui a été blessé dans nos relations. Et surtout pour goûter peu à peu à des relations nouvelles, qui engendrent la Vie en nous et à travers nous.

« Qui est ma mère, qui sont mes frères ? » demande Jésus, et son regard se mit à parcourir ceux qui étaient assis autour de lui. Imaginons un instant ce doux regard qui se pose lentement, délicatement, sur chaque visage. En ce moment même, son regard se pose sur moi, sur toi … Laissons-nous regarder, sans crainte. Laissons-Le rejoindre notre cœur profond. « Oh, ce regard … Ses yeux étaient si beaux qu’on les voyait prier »[1] disait un chant de mon adolescence. Je n’en ai jamais oublié les paroles ! Ses yeux étaient si beaux qu’on les voyait prier. Et Jésus quand Il nous regarde, quand Il me regarde, ses yeux prient le Père du Ciel avec une immense gratitude. « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. » (Mt 11,25) « Père, […] c’est pour eux que je prie ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi.» (Jn 17, 1.9-10)

Ce qu’Il nous a révélé, c’est que nous sommes « siens » ! Que nous sommes ses frères et sœurs, que nous le sommes aussi entre nous, en son nom. Que dans la mesure de notre écoute de sa Parole, de la laisser prendre chair en nous et de la vivre, nous pouvons devenir « sa mère ». Quelle incroyable dimension de notre relation à Dieu ! Qui, jamais, aurait pu s’imaginer une telle chose ? Seul Dieu en est capable !

Et si tout au long de cette journée nous nous laissions atteindre par ce regard, par les yeux priants de Jésus ? Si nous nous laissions guider pour re-visiter avec Lui nos relations, nos relations familiales, nos relations fraternelles ?

Je me suis longtemps demandé – entre mes expériences de fraternité et celles d’amitié – lesquelles étaient les plus profondes, les plus essentielles pour moi ? J’ai toujours penché plutôt du côté de la fraternité. Chaque fois que dans ma vie m’a été fait le don d’une expérience de communion avec des personnes, je les ai toujours appelées « frère » ou « sœur » de cœur. Un peu comme si Dieu permettait de lever le voile sur l’existence d’une sœur ou d’un frère qui étaient miens, que je n’avais jamais imaginé rencontrer et connaître et pourtant, on s’était reconnus ! On s’était reconnus comme si on s’était toujours connus !  

Mais depuis un petit temps, la beauté de l’amitié, pouvoir appeler telle ou telle personne « mon ami(e) », réapparaît en moi.  Peut-être est-ce suite à la lecture des paroles du P. Timothy Radcliffe[2] précisément sur l’amitié. Il invitait les membres du synode (sur la synodalité) à « se faire des amis » durant les semaines de dialogue et de réflexion. « Le fondement de l’amitié, c’est tout simplement d’être avec l’autre. C’est le plaisir de la présence de l’autre. » A la fin de son exposé, le P. Radcliffe disait qu’« en Afrique du Sud, on se salue souvent en disant “Sawabona“, “je te vois“. Des millions de personnes se sentent invisibles. Personne ne les regarde avec considération. »  Il mettait en lien le « regard porté sur l’autre » et l’amitié. Mon regard le fait exister, il est reconnu par quelqu’un.

N’est-ce pas justement ce que nous dit l’Évangile d’aujourd’hui ? « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » Puissent nos yeux refléter ce regard de Jésus qui fait exister, qui permet à l’autre personne de se sentir reconnue, reconnue comme « un frère », « une sœur », « un(e) ami(e) » … telle est la volonté de notre Père du ciel.

Laurence Vasseur, vasseurlaurence@hotmail.com


[1]Le regard de Jésus, chant de Noël Colombier. Dernière strophe : Et quand ils regardaient l’oiseau, la fleur des champs, La moisson qui mûrit dans le soleil couchant, Les rires des enfants ou la clarté de l’eau, Les pêcheurs au filet, le pâtre et son troupeau, Ses yeux étaient si beaux qu’on les voyait prier. Oh! Ce regard! Je ne l’oublierai jamais! Oh! Ce regard! Je ne l’oublierai jamais! »

[2] Cf. Troisième médiation de la retraite pré-synodale, 2 octobre 2023, sur le thème de l’amitié. https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2023-10/retraite-pre-synodale-3e-mediation-du-p-timothy-radcliffe.html

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