Méditation quotidienne du samedi 13 janvier : Retrouvailles (No 118 – série 2023-2024)

Évangile du Samedi 13 janvier – 1re semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » Mc 2, 13-17

En ce temps-là, Jésus sortit de nouveau le long de la mer ; toute la foule venait à lui, et il les enseignait.
En passant, il aperçut Lévi, fils d’Alphée, assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.
Comme Jésus était à table dans la maison de Lévi, beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec Jésus et ses disciples, car ils étaient nombreux à le suivre. Les scribes du groupe des pharisiens, voyant qu’il mangeait avec les pécheurs et les publicains, disaient à ses disciples : « Comment ! Il mange avec les publicains et les pécheurs ! » Jésus, qui avait entendu, leur déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »

Méditation

D’un premier regard jusqu’à la présence qui habite le cœur et la demeure, la méditation de ce matin nous invite à explorer ces regards croisés, celui entre Jésus et Matthieu-Lévi, fils d’Alphée, celui des publicains autour de la table, celui des médecins et des malades, celui des bien portants et celui de notre temps. Ce regard entre le Christ et nous, personnes égarées dans leur enfermement, me hante depuis longtemps. Qu’ont-ils vu dans ce regard pour tout délaisser, pour empoigner une dignité interdite et une liberté impensable? Une liberté encore impensée jusqu’à l’arrivée d’un homme-Dieu, couronné d’humilité et puissant de miséricorde.

Au sortir de nos vacances des fêtes, sous le signe des réjouissances pour plusieurs, certains d’entre nous ont fait l’expérience des retrouvailles. L’expérience d’un regard qui du lointain de nos récits, re-connaît l’autre sans plus le connaître vraiment. Entre étrangeté et familiarité, il y a un entre-deux où l’on se retrouve l’autre et moi. Un entre-deux où, étonnement, l’autre me donne à retrouver une partie de moi, égarée quelque part dans un vécu distillé au fil des années.

Pour la célébration de la nouvelle année, je retrouvais par hasard, si jamais un tel concept existe, des amis chers que je n’avais pas revus depuis plus d’une décennie et dont le contact s’était éteint doucement, faute d’entretien. Après la surprise de nos regards croisés, après le constat de nos apparences sculptées et de nos idéaux charriés par l’incisif de la vie, ce n’est pas l’autre qui apparaissait sous cette clarté inédite, c’est un moi laissé au bord d’une amitié perdue. Contemplant cette amie, je me retrouvais, je me ramassais dans son rire et son regard. J’y puisais, comme à une source vive, ce qui m’animait il y a plus de 15 ans, une vitalité qui m’avait quittée discrètement, sans que je m’en aperçoive.

Elle avait emporté la fraîcheur d’un horizon rêvé que, bientôt j’allais bricoler avec des projets, colmater de fausses croyances et d’efforts si coûteux. Plutôt que de laisser déployer cet horizon qui m’était destiné, qui déverserait sa tendresse malgré moi, je m’étais entêtée à fabriquer une réplique bien peu similaire. Mon amie me parlait, ses lèvres bougeaient mais je n’entendais que des bribes tellement j’étais absorbée par ce regard, engloutie par ce sourire qui me rendaient le gratuit, le précieux et le promis d’un vivant perdu. Dans une intimité inattendue, dans des retrouvailles inespérées, une vitalité démesurée me fut rendue. Il semblait que je touchais en moi, à travers cet autre, l’éternité et son élan.

Faire l’expérience de la rencontre avec le Christ c’est peut-être se re-trouver dans un regard qui rappelle la promesse vivante d’abondance que je suis, pour moi, pour toi et pour autrui. Cette promesse fut déposée dès notre conception, elle fut intuition au cœur de l’enfance. À l’ombre de notre raison et de notre suffisance, entre altération et mutation, elle fut fragmentée par projets puis pressurisée par les années affairées. C’est pour cette raison qu’on en récolte des fragments dans ces regards posés par le Christ. Se laisser contempler par ce regard de toute humanité, en accompagnement, en priant, en compagnie de publicains ou lors de la fête du Nouvel An, c’est de s’abreuver à cette vitalité dont on croyait la source tarie.

Comme la Samaritaine, j’ai alors déposé ma coupe de champagnette pour m’élancer et l’enlacer lui murmurant que c’était bon, tous les trois, de se retrouver. Tous les trois ? Le sourire de mon amie s’est élargi, peut-être n’avait-elle pas compris… ou peut-être avait-elle saisi plus qu’elle ne le croit, peut-être avait-elle été saisie par Lui en même temps que moi.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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