Évangile du Mardi 9 janvier – 1re semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Il enseignait en homme qui a autorité » Mc 1, 21-28
Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui.
Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. »
Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.
Méditation
Heureuse année 2024 à chacun de vous qui formez la “communauté des méditants”! Étonnamment la première méditation que j’écris aujourd’hui est sur le même évangile que celui avec lequel j’avais repris les méditations après l’été (5 septembre, n. 2 série 2023-2024), mais cette fois-ci selon Marc! Il nous dit que dans la synagogue “on était frappé par son enseignement, car il (Jésus) enseignait en homme qui a autorité”. Un peu comme si en “recommençant” le temps ordinaire – après celui de l’Avent et de la Nativité -, le Seigneur voulait nous laisser clairement dit qui a ‘droit d’autorité’ sur nos existences.
En septembre j’avais cherché comment comprendre ce mot “autorité”, et son sens étymologique m’avait bien éclairée: ‘faire pousser’, ‘faire grandir’, ‘augmenter’. Effectivement, la Parole de Jésus, la Parole qu’Il est Lui-même “a de l’autorité” parce qu’elle nous fait grandir, elle fait pousser en nous la petite semence de sa Vie divine …
Mais aujourd’hui, l’expression qui m’a effleurée en méditant ce texte est plutôt celle-ci : “droit d’auteur”. Dieu est le seul qui puisse en toute vérité avoir ce “droit d’auteur” sur moi, sur ma vie, sans que cela ne m’écrase ni ne m’enlève ma liberté d’être. Au contraire ! Le prophète Isaïe fait cette admirable confession (Is. 64,7) : « Yahvé, tu es notre père, nous sommes l’argile, tu es notre potier, nous sommes l’œuvre de tes mains. » Parce qu’Il est notre Créateur, du fait même de la création de l’œuvre que nous sommes, Dieu en a les droits[1].
Dans le Psaume 60 (verset 10), le Seigneur dit ces mots un peu surprenants à nos oreilles du XXIème siècle : « Sur Edom, je jette ma sandale. » Ce geste était une « coutume autrefois en Israël – selon le livre de Ruth (Ruth 4,7) – en cas de rachat ou d’héritage, pour valider toute affaire : l’un ôtait sa sandale et la donnait à l’autre ». La sandale est devenue le symbole du droit de poser les pieds sur un sol (cf. note de la Bible de Jérusalem à Ruth 4,8). Et Dieu choisit de déposer « la sienne » sur notre terre ! « Cette terre que tu es, toi, ma créature, j’ai posé le pied dessus pour qu’elle soit à tout jamais protégée. Je l’ai rachetée ! Elle m’appartient et j’en prends soin plus que tu ne l’imagines … »
Ces mots-là chargés de tant d’amour sont pourtant si difficiles à entendre, à accueillir pour nos contemporains. Accepter de « se recevoir » comme terre habitée, accepter de « se recevoir » d’un Autre qui désire tellement que ma vie se déploie et rayonne en toute liberté … voilà le grand défi de l’acte de foi.
Dans notre Évangile du jour, il semble que c’est ce même défi qu’a expérimenté l’esprit impur en rencontrant Jésus. Il « se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Il se sent attaqué par Jésus à tel point qu’il craint de se perdre, de disparaître littéralement sous l’autorité de sa Parole. Effectivement, quand Jésus de suite l’interpelle « vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur poussant un grand cri, sortit » de l’homme qu’il avait possédé et tourmenté.
Ce « Tais-toi ! » rédempteur s’adresse à tout ce qui, en nous, vient prendre possession – à la place du Créateur – de notre terre sacrée : nos blessures, nos solitudes, toutes ces fausses croyances accumulées et réitérées au long de la vie. « Tais-toi ! » parce que tout cela n’est que mensonge ! Or nous ne sommes plus esclaves, mais fils et filles de Dieu. La liturgie du 1er janvier à l’aurore de chaque nouvelle année veut nous en assurer au nom de Dieu : « quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale. Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père! Aussi n’es-tu plus esclave mais fils. » (Ga 4,4-7 1ère lecture)
Nous avons devant nous toute l’année pour proclamer – au nom de Jésus – cette vérité qui habite tout être humain. « Tu n’es plus condamné à être esclave de tant de mensonges. Crois-le, tu es aimé, espéré. »
Toute une année pour permettre à Dieu de « jeter sa sandale » sur notre terre intérieure et sur celle de nos frères et sœurs, pour qu’Il retrouve ses « droits d’auteur », son « autorité de Père et Créateur ».
Au long de cette année 2024, je nous souhaite à chacun de pouvoir – comme dit saint Jean de la Croix[2] au sujet de la prière – « faire mémoire du Créateur, porter notre attention vers l’intériorité et là, aimer le bien-Aimé ».
Laurence Vasseur, vasseurlaurence@hotmail.com
[1] Définition du concept de « droit d’auteur » dans le monde civil : « Le droit d’auteur protège les œuvres littéraires, notamment les créations graphiques, sonores ou audiovisuelles et plastiques, les créations musicales, mais aussi les logiciels, les créations de l’art appliqué, les créations de mode, etc. Le droit d’auteur s’acquiert sans formalités, du fait même de la création de l’œuvre. Votre création est donc protégée à partir du jour où vous l’avez réalisée. »
[2] “Oración, […] memoria del Creador, atención a lo interior y estarse amando al Amado.” San Juan de la Cruz.
DROIT D’AUTEUR
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