Évangile du Samedi 2 décembre – 34e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver » Lc 21, 34-36
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »
Méditation
Dans la grisaille de novembre, la Parole me tenaille. Tenez-vous sur vos gardes… Restez éveillés… Tenir debout… Avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver…
Une telle injonction à la vigilance de préserver le vivant de la vie plutôt que de se laisser glisser dans les distractions, le virtuel et les soucis résonne si fort autour de moi, qu’elle devient assourdissante. Une injonction à être présent, authentiquement, densément.
En cette humanité grisaillée et ployée sous la violence, les inégalités et l’absurdité d’une réalité saboteuse de vie, la Parole de ce matin porte mon regard vers mes proches. Je regarde ces enfants prêtés par une vie d’une bonté si peu admise. Je contemple mes parents, tenus à l’écart d’une société qui leur reflète leur inutilité, leur donnant le goût d’en finir avec ce temps replié comme un petit papier renfermant un secret déjà oublié. Leur quotidien a si peu à avoir avec le mien à leur âge, et lorsqu’ils avaient mon âge. L’imprévisibilité s’est installée à demeure, l’isolement est devenu une constante de la vie vieillissante depuis la pandémie. L’envahissement des écrans prend des allures de fatalité alors que la virtualité d’une vie évincée de ses relations se déploie, dans l’indifférence à l’autre. Ces formes d’exclusion et du refus de l’intériorité s’infiltrent dans notre réalité au gré des crises sociales qui se succèdent dans le désarroi et l’opinion déjà tranchée. Elles s’infiltrent jusqu’en nos cœurs, ternissant l’humanité, tenant à distance l’altérité. Et puis, il y a ce climat sentant le parfum capiteux d’une fin du monde, l’odeur de l’embaumement. Comment échapperont-ils à ce qui doit arriver ? Comment garderont-ils le cœur léger ?
Par notre vigilance à préserver notre humanité, par notre vigilance à conserver un cœur qui écoute, par notre vigilance à donner parole, à se donner par la Parole qui fait vivre.
J’écoute mon petit qui a déjà saisi l’inquiétude qui vrille son enseignante dont l’épuisement n’est que le terme socialement acceptable de son impuissance. J’écoute mes parents qui frémissent, assis devant leur télé, devant l’insignifiance de leur vie en marge de ce qui ne peut plus être accompli. Mon cœur est lourd.
Seigneur, donne-moi un cœur qui écoute et la sagesse d’un roi. Dans la grisaille de novembre, la Parole me réconforte. J’ai le cœur priant et sais maintenant que je suis instrument de Son écoute qui brise l’isolement. L’écran s’éteint, leur regard se tourne vers moi, précieuse relation qui nous rappelle qu’elle est la fondation du Royaume. Précieuse présence qui éveille notre intériorité par la conscience que Je est un autre et que Tu m’humanise.
Au fond, je ne suis rien d’autre, que cet Être-Parole qui appelé à se tenir dans sa Parole afin de la donner. Le don allège le cœur, l’écoute gratuite l’éveille. La présence de Dieu au cœur de toute relation nous donne la force d’échapper à ce qui arrive déjà, à cette vie qui fait semblant, qui fait écran et n’existe pas.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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