Méditation quotidienne du mardi 28 novembre : Seigneur, hâte le temps ! (No 86 – série 2023-2024)

Image par Annette de Pixabay

Évangile du Mardi 28 novembre – 34e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il n’en restera pas pierre sur pierre » Lc 21, 5-11

En ce temps-là, comme certains parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel. »

Méditation

Nous voici arrivés déjà à la toute dernière semaine du temps liturgique ordinaire ! Après la fête du Christ Roi de dimanche dernier, il nous reste quelques jours avant d’entrer dans le temps si précieux de l’Avent. Dans ces deux phrases que je viens d’écrire, tout est question de « temps » ! Et justement notre Évangile semble nous parler de « temps » lui aussi : « des jours viendront » « quand cela arrivera-t-il ? » « Cela est sur le point d’arriver. » « Il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » Dans ce passage qui évoque tant de désastres et de désordres, on a tellement l’impression que ce sont nos douloureuses actualités internationales qui sont évoquées. Tout ne serait finalement qu’un éternel retour ? 

« Ah, le temps … je me demande ce qu’est le temps ? Le temps, ce n’est qu’un mirage, un rêve…» écrivait un jour Thérèse (de Lisieux) dans une lettre à sa sœur Céline. La question du temps est universelle! Que nous soyons de l’Extrême-Orient ou plutôt des terres du couchant, du Nord ou du Sud, tous comme humains – de façon plus pressante pour certains peut-être, mais tous quand même – nous cherchons à bien vivre le temps qui nous est donné sur cette terre. Hier je recevais justement ce message dans une lettre d’invitation à un atelier d’écriture[1] : « 3h pour interroger notre rapport au temps. “Le temps d’un jour, temps d’une seconde, le temps qui court, et celui qui gronde, le temps, le temps, le temps et rien d’autre, le tien, le mien, celui qu’on veut nôtre “. Citant ce refrain, le message disait encore : Charles Aznavour avait déjà cerné les contours de notre impossible rapport au temps. Nous ne pouvons pas vivre sans lui et pourtant, il ne cesse jamais de nous manquer. Vertige d’une modernité compressée par l’urgence, la réaction, l’accélération continue. Les agendas se noircissent et se segmentent. On cloisonne, on note, on marque pour ne pas se faire happer par l’horloge. On espère coûte que coûte, élaborer une stratégie pour avoir un peu de temps à soi, pour voler du temps au temps… » 

Notre rapport au temps est-il à ce point impossible, comme semble le suggérer ce texte ? Je ne le pense pas. L’expérience de Dieu, la foi qui « éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle » (Concile Vat. II, Gaudium et spes 11) ne viennent-elles pas aussi illuminer la réalité du temps ? Quand Dieu entre dans notre histoire – pas seulement dans la grande Histoire de l’humanité – mais dans la nôtre, dans notre histoire unique à chacun, s’opère peu à peu le miracle d’une Présence qui vient l’habiter. Le temps matériel, les heures de nos journées et les jours de nos calendriers, apprennent à épouser doucement l’Éternité de Dieu. Et c’est comme si le temps trouvait enfin sa vraie valeur !

La Petite Thérèse l’avait compris par le cœur. Alors qu’elle n’avait pas encore 17 ans, le dernier jour de l’année, elle écrivait: «C’est toi qui as mon dernier adieu de cette année !… Dans quelques heures elle sera passée pour toujours… elle sera dans l’éternité !… […] Peut-être l’année qui va commencer sera-t-elle la dernière !!! ah ! profitons, profitons des plus courts instants, faisons comme les avares, soyons jalouses des plus petites choses pour le bien-Aimé !… […] Encore une année de passée ! Céline ! elle est passée, passée, elle ne reviendra jamais ; comme cette année a passé notre vie aussi passera et bientôt nous dirons : “Elle est passée”, ne perdons pas notre temps, bientôt l’éternité luira pour nous ! »[2]

Chemin paradoxal, il est vrai. « Car mille ans sont à tes yeux comme le jour d’hier qui passe, comme une veille dans la nuit. » dit le psalmiste (Ps. 90,4) et encore « Mieux vaut un jour en tes parvis que mille à ma guise » (Ps. 84,11).  Quel paradoxe ! Comment peut-on oser comparer mille jours à un seul ? Et plus encore mille ans au jour d’hier ? Seul Dieu ose parler comme cela pour nous dire quelque chose d’essentiel. « Tu cours après le temps, tu sembles toujours en manquer, tu le perds aussi souvent dans des futilités, mais sache que seul le temps passé “en demeurant dans l’amour” (cf. Jn 15,9) ne se perd point. »

« Maître, Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » demandent les personnes qui contemplaient la beauté du temple de Jérusalem. A nous tous qui, comme ceux-là, sommes préoccupés du ‘quand cela arrivera-t-il ?’, de tant de choses qui ne sont pas encore, Jésus répond: « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux ! » Jésus est très clair ! Tout ce qui nous éloigne de ce ‘temps de Dieu’ au cœur de notre temps – au plus présent de notre présent – tout cela « nous égare ». Tout cela nous ‘distrait’ du ‘vrai temps’ et vient finalement prendre la place de Dieu dans notre cœur.

Amour qui nous attends

au terme de l’histoire,

ton Royaume s’ébauche à l’ombre de la croix ;

déjà sa lumière traverse nos vies.

J’aime beaucoup ces quelques vers d’une stance de la fête du Christ Roi. Elle me redit de façon si limpide « ce qui se passe réellement » dans notre monde. Nous, fragiles créatures, nous sommes effrayés par l’annonce de « grands tremblements de terre, de famines et d’épidémies ». Les guerres et les conflits entre nations, les tensions internes dans de nombreuses démocraties, toutes ces réalités présentes finalement pas très loin de nous et qui s’accélèrent de plus en plus, étouffent notre petite espérance. Elles aveuglent notre regard et paralysent notre capacité de jugement.

Jusqu’à ce jour, nous le savons,

la création gémît

en travail d’enfantement.

dit encore la stance (cf. St Paul, Rm 8,22)

La Réalité, c’est que le royaume du Christ s’ébauche à l’ombre de la croix, à l’ombre de tant de mal et de souffrances qui continuent d’abîmer le Visage de l’Amour. Là pourtant déjà sa lumière traverse nos vies. Ce qui nous attend au terme de l’histoire – la nôtre et celle de l’humanité – n’est pas ‘quelque chose’ mais Quelqu’un qui n’est qu’Amour. A la fin de cette journée, de ce mardi si ordinaire, c’est Lui aussi qui me dira : Viens !

Alors, avec tous ceux qui se savent en pèlerinage sur leur bout de terre,

redisons ce chant des montées (versets précédents du même Ps. 84) :

 « Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s’ouvrent dans leur cœur !

Quand ils traversent la vallée de la soif,

ils la changent en source. »

Jésus, Seigneur, hâte le temps !

Reviens, achève ton œuvre !

Laurence Vasseur (vasseurlaurence@hotmail.com)


[1] Organisé par Marie Robert, auteure et professeure de philosophie.

[2] LT 101, À Céline – 31 Décembre 1889 https://archives.carmeldelisieux.fr/correspondance/lt-101-a-celine-31-decembre-1889/

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