Évangile du Lundi 27 novembre – 34e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Jésus vit une veuve misérable mettre deux petites pièces de monnaie » Lc 21, 1-4
En ce temps-là, comme Jésus enseignait dans le Temple, levant les yeux, il vit les gens riches qui mettaient leurs offrandes dans le Trésor. Il vit aussi une veuve misérable y mettre deux petites pièces de monnaie. Alors il déclara : « En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. Car tous ceux-là, pour faire leur offrande, ont pris sur leur superflu mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Méditation
Une « veuve misérable » donne « tout ce qu’elle avait pour vivre » : quelle injustice ! Notre pensée individualiste fait le gros plan sur cette veuve en oubliant le contexte d’injustices qui entoure son geste. Les prophètes d’Israël fustigent l’oppression des faibles au nom du Temple de Jérusalem. Dire « Temple du Seigneur ! Temple du Seigneur ! C’est ici le temple du Seigneur ! » (Jr 7,4), c’est bien commode ! Nous disons que, grâce à cette « Maison », « nous sommes sauvés » (Jr 7,10), alors que nous faisons du Temple une « caverne de bandits » (Jr 7,11) ! Le prophète Jérémie affirme que le Seigneur a en abomination l’utilisation de Son Temple pour couvrir l’oppression des « veuves » (Jr 7,6). Les hommes cachent leurs injustices, mais Dieu voit. Jésus est sensible à l’emprise du Temple qui jette son ombre sur les esprits au point qu’une veuve se prive de ce qu’« elle avait pour vivre ». Jésus vient de reprendre (Lc 19,45-48) —publiquement— l’expression polémique de Jérémie « caverne de bandits » lorsqu’Il s’est mis en colère contre les marchands et les changeurs du Temple. L’injustice du système du Temple était dénoncée avec force.
Qu’est-ce que deux piécettes pour entretenir le Temple ? Additionné aux coffres que renversent les riches dans le trésor, ce don ne compte guère. Pourtant, le geste de cette veuve n’échappe pas à Dieu. Jésus incarne, avec douceur, le regard secret du Père qui voit le geste des petits. A quoi sert le sourire aimable du balayeur qui ne sera apprécié d’aucun des voyageurs pressés qui se bousculent dans le métro ? A quoi sert cette tendresse qui éponge le front d’un malade perdu dans sa fièvre ? Pourtant, ce geste minuscule attire l’attention du Christ. Dans cette manière de donner, Jésus reconnaît-Il Son propre don ? Que reconnaît-il de Lui-même dans cette veuve ? Jésus, lors du miracle de la multiplication des pains, donnait de Son abondance de Pasteur universel. Lors de la tempête apaisée, Jésus donnait comme maître de l’univers.
Bientôt, dans la Passion, Jésus donnera de Sa pauvreté. Jésus souffrant donnera de son manque, sans rien réserver. Sur le parterre des injustices du Temple, cette « veuve misérable » fait fleurir une échappée vers le ciel. Dans notre monde obscur, l’espace de la bienveillance est si étroit qu’on se demande si l’amour pourra y poser le pied ! Dans la Passion, le don de soi du Christ s’accomplit dans le milieu glauque de nos injustices. Sur un chemin hérissé de piques, Jésus posa librement le pied. Le corps du Seigneur, Temple véritable, harcelé d’insultes, sera ligoté, couronné de dérision. Au milieu des injures, avec force, Jésus fera entendre silencieusement sa liberté d’aimer. Malgré l’emprise des administrateurs du Temple, cette veuve exprime une liberté de donner. Dans son geste, Jésus, qui est Amour, reconnaît l’amour.
Certes, le contexte anguleux limite nos attitudes. De lourdes circonstances entourent de zones d’ombre nos intentions les plus pures… alors comment exprimer un geste d’amour ? Nos compagnons de vie ont leurs petits côtés, nous avons nos imperfections… Comment poser un geste qui puisse se remplir d’amour ? Comment refuser avec amour de céder devant un caprice qui ne fera du bien à personne ? Quand tout est en déséquilibre, comment poser une liberté ajustée ? Comment dire « non » au mal quand on veut proclamer un « oui » franc à la vie ?
J’avance vers toi et mon don se fait si pauvre… Mon geste, si souple dans son élan, se durcit avant d’arriver à toi… Les fleurs de mon intention se flétrissent quand je les offre. « Je fais le mal que je ne veux pas » (Rm 7,19). Quand je te serre contre moi, mes bras se referment sur tes épaules. Mon corps se fait piques, plaies et carapaces pour toi. Je sens l’angle de tes omoplates, les pointes saillantes de tes os. Dans nos coupures, comment nous aimer ? Nos réponses tâtonnent… nous n’avons que « deux petites pièces ».
Ces « deux petites pièces de monnaie » que nous versons dans notre quotidien, Jésus les voit. Cela compte pour Dieu. Répondre aimablement à un collègue dont l’irritation dès le matin pourrait enflammer notre journée… Rester calme devant une inutile provocation… Sourire, aujourd’hui encore, dans la conscience de ne pouvoir embrasser…
Faits pour l’amour de Dieu, ces gestes, tournés vers nos frères et sœurs, sont des offrandes versées au trésor du Temple. Ces actes inconnus, oubliés dans le secret, sont vus du Père.
Pauvres et vides, nous n’aimons que d’un amour emprunté. Emprunté ? Car, notre amour est gauche, maladroit. Emprunté… car, nous sommes débiteurs. L’amour qui passe par le trésor de notre cœur vient de Dieu. Cet amour est prélevé du Trésor du Temple qu’est Jésus.
Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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