Méditation quotidienne du vendredi 24 novembre : La vérité des autres (No 82 – série 2023-2024)

Image par Jupi Lu de Pixabay

Évangile du Vendredi 24 novembre – 33e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« De la maison de Dieu, vous avez fait une caverne de bandits » Lc 19, 45-48

En ce temps-là, entré dans le Temple, Jésus se mit à en expulser les vendeurs. Il leur déclarait : « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits. »
Et il était chaque jour dans le Temple pour enseigner. Les grands prêtres et les scribes, ainsi que les notables, cherchaient à le faire mourir, mais ils ne trouvaient pas ce qu’ils pourraient faire ; en effet, le peuple tout entier, suspendu à ses lèvres, l’écoutait.

Méditation

Ce matin, le Christ nous fait plonger dans les multiples épaisseurs de notre histoire, la petite que l’on nourrit à coup de carences, la grande que l’on oublie à mesure que s’accélère l’effacement des ancêtres. Ma maison sera maison de prière; Et vous en avez fait un repaire de voleurs clamait déjà le prophète Isaïe (56.7).

Une caverne de bandits, un repaire de voleurs recèle ce qui appartient légitimement aux autres et qui leur a été dérobé. Que la maison de prière soit entendue comme notre cœur profond, parfois enseveli, comme notre corps, ce temple bien souvent méprisé, comme la Terre, cette maison commune qui brûle sous notre regard placide. Au creux de ces espaces sacrés et profanés s’étalent la marchandisation de la vie, la dette et l’exploitation d’autrui. Ces lieux d’accueil appelés maisons ne sont déjà plus hospitalité mais engrangent ce qui ne nous appartient pas. Encombrées de la vérité des autres. Ainsi en va-t-il des discours fondamentalistes qui sécurisent par l’idolâtrie, des conditionnements d’un système éducatif axés sur la productivité hostile, d’une publicité honorant l’esprit de propriété tout se gavant de la pauvreté spirituelle et de l’angoisse de la finitude, d’un athéisme revêtu des atours d’une laïcité et d’un progrès trompeurs, applaudissant jusqu’à chaque mort décidée par elle-même, évidée de toute espérance.

Le philosophe Pascal déclarait que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. La porte claque, mon petit dernier et son désarroi tentent d’échapper à la frénésie de ce monde. Ce monde promis comme temple et rendu aux enfants comme caverne de bandits, ce monde s’agite tant qu’il éteint notre capacité à nous laisser interpeller et émouvoir par sa beauté, par son empreinte amoureuse remarquablement ignoré. Au fond du couloir comme au fond de son cœur, Petit Printemps dans sa chambre est intranquille et pleure. « Maman, la terre brûle, je n’entends plus les oiseaux le matin, ma copine est devenue un garçon et sa grand-mère a décidé de mourir demain à midi moins le quart ». La vérité des autres colonise, épuise et paralyse en nous jetant en avant, en se moquant de l’impuissance si précieuse.

Sur le seuil de la porte, je croise le regard soucieux, reflétant le déchirement et les cieux, d’Isaïe. Il soupire : Quel chagrin pour vous qui rachetez maison après maison et champ après champ, jusqu’à ce que tout le monde soit expulsé et que vous viviez seul sur la terre (5.8). Essuyant les larmes de mon plus petit, il s’assied à côté comme une présence, comme un silence, comme la résonance d’une vérité si lointaine et si vraie qu’elle ne vient pas des autres. Enserrant Petit Printemps, la Parole d’Isaïe monte, en moi, comme une prophétie destinée aux plus petits : Tu as du prix à mes yeux. Ne crains pas car je suis avec toi (43.1-7). Mon enfant sourit, le repos nous gagne par l’Esprit avec la certitude qu’être mère, c’est être prière.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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