Évangile du Mardi 31 octobre – 30e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« La graine a poussé, elle est devenue un arbre » Lc 13, 18-21
En ce temps-là, Jésus disait : « À quoi le règne de Dieu est-il comparable, à quoi vais-je le comparer ? Il est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin. Elle a poussé, elle est devenue un arbre, et les oiseaux du ciel ont fait leur nid dans ses branches. » Il dit encore : « À quoi pourrai-je comparer le règne de Dieu ? Il est comparable au levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »
Méditation
L’autre jour je lisais avec émotion ces mots du Pape François écrits tout à la fin de sa nouvelle exhortation[1]. Un pape qui s’adresse humblement à la Petite Thérèse de Lisieux :
« Chère sainte Thérèse,
l’Église a besoin de faire resplendir
la couleur, le parfum, la joie de l’Évangile.
Envoie-nous tes roses.
Aide-nous à avoir toujours confiance,
comme tu l’as fait,
dans le grand amour que Dieu a pour nous,
afin que nous puissions imiter chaque jour
ta petite voie de sainteté. »
Aujourd’hui se clôture le mois d’octobre, le mois de la mission universelle, ouvert justement avec la fête de la Petite Thérèse ! Combien nous en avons besoin de cette ‘pluie de roses’ au cœur du monde frappé si brutalement à nouveau par tant de haine. Chaque fois que je relis des lignes de Thérèse, je fais cette expérience : elle remet mon cœur au diapason de la confiance, de la fraîcheur de l’Évangile ! Une fraîcheur nouvelle comme le sont les gouttes de rosée déposées sur les brins d’herbe à chaque aurore. L’Évangile retrouve son parfum, sa couleur, sa joie !
Et l’Évangile d’aujourd’hui n’a-t-il pas justement ce goût de la joie, de la simplicité, qui fait tant de bien à nos cœurs qui se compliquent? « Le royaume de Dieu est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin. Elle a poussé, elle est devenue un arbre… Il est aussi comparable au levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé.» Même si de plus en plus de nos contemporains vivent « loin » de la nature, je pense qu’on peut tous facilement comprendre ces deux images choisies par Jésus.
Tu désires savoir où est Dieu, savoir s’Il est encore présent dans ce monde si violent, si déconnecté de sa Source ? Regarde, lève les yeux … Contemple autour de toi, vois la beauté des arbres et imagine un instant la petite semence qu’un jour quelqu’un a enfouie dans la terre. Combien de temps a dû s’écouler depuis ce jour-là pour que, toi, tu puisses aujourd’hui t’émerveiller de sa grandeur, respirer l’odeur de son tronc et remplir tes yeux des couleurs jaunes orangées de son feuillage ?
La Présence de Dieu dans le monde … Pour tenter de la dire, Jésus, le Contemplatif du Père, n’a eu que les mots des paraboles. ‘La graine de moutarde qui devient un arbre’ et ‘le levain enfoui dans la farine qui fait lever la pâte’ sont deux images – explique une note de la Bible de Jérusalem – qui « accusent le contraste entre un début insignifiant et la grandeur du résultat ». Combien nous la sentons souvent dans nos vies, cette insignifiance. ‘Insignifiance’ dans le peu d’effectivité de notre travail, dans le peu de fruits de si nombreux efforts mis en place pour améliorer nos relations. ‘Insignifiance’ de l’amour donné et parfois si peu reconnu par les autres … Combien de journées terminées sur ce ton un peu amer du « à quoi bon finalement? »
Il y a quelques semaines, après le déclenchement de la guerre en Terre Sainte en plein mois de la mission, j’ai tout à coup été tentée par cette ‘insignifiance’. A quoi bon tant d’heures précieuses à semer l’Évangile de la paix dans la vie des personnes si en quelques secondes à peine les bombes peuvent tout détruire ? Après quelques jours passés comme ça, Jésus est venu à ma rencontre. Il m’a rappelé cette parabole de la ‘graine de moutarde’ et du ‘levain’. Non pas dans la chapelle en lisant la Bible, mais à travers la vie de quatre jeunes Japonaises et Coréennes pendant un groupe de partage. Le thème de notre échange – préparé par une jeune Japonaise non-baptisée qui participe à nos activités – était sur … la synodalité ! En écoutant cette jeune nous expliquer combien le ‘marcher ensemble’, ‘l’écoute de l’autre’ elle les avait découverts si précieux dans sa vie, Jésus me dévoilait quelque chose de la ‘graine de moutarde’ qui pousse … Puis, dans le partage de chacune, Il me disait : tu vois le fruit de la semence ‘insignifiante’ de l’amitié, de la fraternité entre les jeunes de ces deux pays ‘anciens ennemis’ ? Tu vois comment ‘le levain de l’expérience de Dieu partagée’ a fait se lever la pâte de leurs vies ? Rappelle-toi ces 3 ou 4 ans de chemin ensemble, ces ‘débuts insignifiants’ d’échange et de mission commune entre les jeunes des deux pays, et vois maintenant la ‘grandeur du résultat’ : un changement de regard sur l’autre, une amitié si profondément enracinée en Dieu !
Ce jour-là j’ai vu, j’ai entendu le Royaume de Dieu s’être levé dans le cœur de chacune, entre elles et aussi dans mon coeur devenu incrédule, tellement tenté par la tristesse et le « à quoi bon ? » face à la haine et à la violence extrême. Cela m’a rappelé des mots écrits par Pierre Teilhard de Chardin[2] dans une lettre à sa cousine, et cela en pleine 1ère guerre mondiale.
« Avant tout, aie confiance dans le lent travail de Dieu. Tout naturellement, nous sommes impatients d’être en chemin vers quelque chose d’inconnu, de nouveau… C’est pourtant là la loi de tout progrès qu’il se fait en passant par de l’instable, – lequel peut représenter une fort longue période. C’est ainsi que, depuis un an, nous sommes en suspens au sujet de la civilisation de demain. […]. Fais à N.S. le crédit de penser que sa main te mène à bien à travers l’obscurité et le « devenir », – et accepte par amour pour lui, l’anxiété de te sentir en suspens, et comme inachevée. » (Genèse d’une pensée, p 70, 4 juillet 15)
« Avant tout, aie confiance dans le lent travail de Dieu », n’est-ce pas une parole si sage en écho à notre Évangile ? Tout comme fut ‘insignifiant’ le début du chemin de saint Ignace de Loyola, ignoré de tous dans la grotte de Manresa, cette semence-là a grandi et est devenu un arbre où tant d’ « oiseaux du ciel ont fait leur nid dans ses branches ». Pierre Teilhard de Chardin lui aussi y a trouvé sa famille spirituelle. La Petite Thérèse était elle aussi bien ‘insignifiante’ pour plusieurs de ses sœurs de communauté !! Elle a continué sa route sur la « petite voie » bien droite que Jésus lui traçait, sans se préoccuper du fruit que cela donnerait. Elle voulait juste aimer l’Amour, Lui répondre … et ‘le levain a levé dans la pâte’ humaine, dans l’Église, dans le monde. Docteur de l’Église, elle continue à ‘passer son ciel sur la terre’, elle est la petite sœur du Pape François comme de tant d’autres âmes !
Rien ne se perd de ce qui accepte d’être enfoui dans la terre telle une ‘graine de moutarde’. Rien de cette journée ne sera inutile si je l’offre amoureusement tel ‘le levain dans les 3 mesures de farine’. « Celui qui donne la croissance, [c’est] Dieu. » (1 Cor 3, 7) La ‘petite graine de moutarde’ devenue le grand arbre de la « communion des saints » nous le confirme tellement bien ! C’est ce que nous célébrerons demain !
Laurence Vasseur
[1] Exhortation apostolique C’est la confiance, sur la confiance en l’amour miséricordieux de Dieu. https://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/20231015-santateresa-delbambinogesu.html
[2] In Genèse d’une pensée, 4 juillet 1915.
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.