Méditation quotidienne du samedi 28 octobre : Il passa toute la nuit à prier (No 55 – série 2023-2024)

Image par Ri Butov de Pixabay

Évangile du Samedi 28 octobre – 29e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres » Lc 6, 12-19

En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres : Simon, auquel il donna le nom de Pierre, André son frère, Jacques, Jean, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d’Alphée, Simon appelé le Zélote, Jude fils de Jacques, et Judas Iscariote, qui devint un traître.
Jésus descendit de la montagne avec eux et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Ils étaient venus l’entendre et se faire guérir de leurs maladies ; ceux qui étaient tourmentés par des esprits impurs retrouvaient la santé. Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous.

Méditation

En méditant cette Parole ce matin, la prière du Christ s’agrippe à mon esprit. Têtue. Cet extrait parle surtout de l’appel des douze, de la naissance de l’apôtre dans le cœur d’André, Jacques ou Matthieu. Et pourtant, le mot prière revient, tenace. Il ne s’en ira point tant qu’il n’aura pas été entendu. Voilà qui est dit!

Le Christ s’en alla donc à la montagne pour prier, il s’élève pour demeurer en pleine présence, il passe toute la nuit comme il la passera à Gethsemani. Quand la nuit se déploie en nos vies, elle permet d’éclairer ce qui n’est plus dans son ombre. Elle exige, par sa durée, l’abandon au seuil de nos jours distraits. Peut-être la réalité est-elle plus vraie la nuit, dépouillée des affaires mondaines requérant juste pour elles toute la lumière ?

Dans son livre des Trois mouvements de la vie spirituelle, le théologien Henri Nouwen évoque que l’avancée spirituelle en eaux profondes nous fait passer de l’illusion à la prière. C’est bien à la faveur d’une prière près des cimes et du Père que le Christ fut guidé, qu’il s’est constitué appel auprès des douze qui transformeront bientôt le monde, jusqu’à nous, aujourd’hui, en ce moment précis. Nouwen précise que la prière est l’opposée de l’illusion car elle nous met en présence de la Présence réelle et véritable en plein cœur de l’absence de Dieu. La réalité, les idées et les théories ne tiennent plus devant ce Dieu si réel qu’il se tient à la fois au centre et à la marge de notre réalité tissée de nos perceptions pas toujours justes, de nos jugements parfois prétentieux, de nos croyances faussées et d’un salut érigé en un système raisonné. Ce n’est que dans le réel, là ou s’agitent la grâce et le don, là ou s’élancent la miséricorde et le pardon que l’illusion se dissipe. Dans ce temps qui est éternité, la mort d’un enfant poignardé par sa mère intoxiquée ou l’agonie d’un sans-abri aux côtés des ordures ménagères n’est plus seulement injustice et tragédie.

Ce sont des vies dignes et accueillies, écourtées par la réalité de nos illusions qui permettent de rejeter la responsabilité du malheur de la mère toxicomane à sa propre faute, qui autorise de détourner le regard quand le sans abri, que l’on croise chaque lundi, nous dévisage. La prière du cœur dissipe notre réalité fantasmée pour nous plonger dans le réel, dans le cœur de Dieu dont l’amour est la substance même du réel. Pour cette mère égarée et pour cet homme esseulé, seule la prière leur redonne un visage pleinement divin, une dignité pleinement humaine.

Comme le disait le Père Girard, il ne s’agit pas de ramener l’Amoureux qui nous habite à plus de prudence et de discernement dans notre réalité, il s’agit plutôt de nous laisser trouver constamment par lui et de préserver notre flamme originelle dont la lumière n’éclaire que la face glorieuse de toute personne aimée, la mienne comme celle de l’autre, fusse-t-elle criminelle ou oubliée. Contemplant ce Christ en prière et bientôt en croix pour nous, le Père Girard nous appelle à nous mettre à genoux, car « le mal est dans la faiblesse de l’amour qui n’a pas su maintenir son souffle pour garder la personne aimée dans la gloire béatifiante de l’amour »1. Seigneur Jésus-Christ, prends pitié de nous, telle est la prière du cœur, telle est la prière en notre nuit. Amen.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

  1. Y. Girard. Qui a lavé ton visage. Québec, Anne Sigier, 1994, p. 150.

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