Évangile du Vendredi 27 octobre – 29e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci, pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ? » Lc 12, 54-59
En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Quand vous voyez un nuage monter au couchant, vous dites aussitôt qu’il va pleuvoir, et c’est ce qui arrive. Et quand vous voyez souffler le vent du sud, vous dites qu’il fera une chaleur torride, et cela arrive. Hypocrites ! Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci, pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ? Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? Ainsi, quand tu vas avec ton adversaire devant le magistrat, pendant que tu es en chemin mets tout en œuvre pour t’arranger avec lui, afin d’éviter qu’il ne te traîne devant le juge, que le juge ne te livre à l’huissier, et que l’huissier ne te jette en prison. Je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier centime. »
Méditation
Il y a de ces lieux et de ces moments où le ciel s’entremêle avec la mer, le sublime de l’invisible se déverse dans la beauté de ce que nous percevons être l’horizon. Contemplant la beauté de ce ciel qui se dévoile en soi et tournoie devant toi, nous saisissons que la substance même de la création, c’est l’amour. Cet horizon qui se déploie sous nos pas, sous nos yeux et dans ce que nous avons de plus creux et de plus précieux, est juste et parfait. Ce matin, le Christ nous rappelle qu’il est cet être-horizon, juste et parfait, il nous exhorte à embrasser la justice dans l’horizon de l’amour, dans le commandement d’aimer le ciel de l’autre, le même qui nous traverse toi et moi. Dans cet horizon, les jugements s’étiolent, à quoi bon ? Dans cet horizon, les systèmes qui prédisent, mesurent, jugent et réduisent l’âme, le creux et l’infini de l’autre ne sont que parades de justice, évidés de l’amour du prochain, exsangues de perfection, celle reflétée par la création.
Il y a peu de temps, un ange qui estimait avoir perdu quelques plumes au combat de la vie, appelons-le Michel, me racontait le ciel de Sorel. Il me racontait l’assèchement ressenti lorsque dans un cours universitaire de météorologie, le ciel se trouvait décortiqué, mesuré, réduit en des phénomènes jusqu’à être prédit. Comme une autopsie. Il n’y avait plus rien de l’immensité de l’amour qu’il avait jadis vu se déployer dans le ciel, cet amour qui l’avait tant touché à Sorel. S’enlisant dans la réalité, quittant peu à peu le réel pour se conformer, l’ange Michel me confessait que la conscience de sa propre humanité imprégnée du ciel, s’était alors brouillée. Surgissent des fausses croyances, l’illusion d’un salut à fabriquer, d’idées à défendre, d’une justice à revendiquer pour son ego blessé, expulsant le ciel comme un locataire désormais encombrant. Le langage juridique emménage, les regards de l’autre, les rites judiciaires avec ses manières et sa toute-puissance s’installent. Bientôt, ils expulsent du soi la poésie, l’amour et le parfait, si peu faits pour le jugement jugé véritable.
Le ciel, celui de Sorel, celui de la conscience des anges ou celui de Michel, pourquoi ne savons-nous pas l’interpréter ? Dans la traduction de Frédéric Boyer, nous lisons au verset 56 Orateurs hypocrites! Le visage du ciel et de la terre, vous savez le reconnaître, mais cette crise, comment ne pas la reconnaître ? Pourquoi aussi maintenant ne pas décider par vous-même de ce qui est droit?
Scrutant les visages du ciel et de la terre, y reconnaissons-nous le nôtre et celui de l’autre ? En ces temps de crise, où le ciel brûle tant sa générosité fut détruite, où la justice consiste à ridiculiser la bonté et le pardon et où la perfection est synonyme de confusion dans un progrès qui déshumanise, il nous reste la conscience des anges. Celle qui décide à partir de cette empreinte d’élan, d’espérance, tissée d’amour et de perfection, loin de l’illusion et du tribunal. Celle qui décide à partir de la prière et de l’infini qui s’est déversé par amour en soi afin que notre décision devienne horizon pour nos prochains, pour les anges qui n’ont plus de ciel, pour Michel, pour toi et pour moi.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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