Évangile du Dimanche 22 octobre – 29e dimanche du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » Mt 22, 15-21
En ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? » Connaissant leur perversité, Jésus dit : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Méditation
La méditation de ce texte m’a conduit au pied de la Croix à contempler une inscription : « Ils placèrent au-dessus de sa tête le motif de sa condamnation ainsi libellé : “Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs” » (Mt 27, 37). Ce saut vers la Croix m’a été inspirée par Jésus qui nous parle dans ce texte d’une autre inscription, celle inscrite sur une pièce d’un denier : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Jésus questionne ainsi les pharisiens et nous sur notre regard : Sur qui est-il fixé ? À qui doit-on « rendre » notre vie ?
Le lien entre les deux effigies, celle de cette pièce et celle de la Croix, se voit, dans le texte d’aujourd’hui, d’abord par la mise en contexte de la scène : « les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler ». Le processus d’accusation ou le chemin vers la Croix et vers cette mise à mort de Jésus est déjà bien en place de même que l’attaque à Celui qui est la Parole même du Père. Dans cette optique, la question des impôts, dont le sens littéral est « ce qui est imposé », nous met face à une question de salut. À qui doit-on payer pour le mal que nous avons fait ? Toutes les grandes traditions spirituelles ont essayé d’y répondre. Si nous pensons à l’Inde, nous nous rappelons ce concept devenu courant dans nos civilisations : le karma. Ce karma signifie que chaque personne doit payer pour ce qu’elle a fait, c’est la loi du karma, et pour ce faire elle devra se réincarner aussi longtemps qu’elle n’aura pas tout payé.
Mais quand nous mettons côte à côte le texte actuel avec celui de la Croix, un contraste étonnant nous frappe. Dans le monde humain, dirions nous à la Nietzsche, trop humain, c’est à ce dernier que chacun.e doit continuellement payer ses comptes, « rendre à César ce qui est à César ». C’est un monde vraiment d’inégalités où ce sont aux grands de ce monde, ceux qui ont le pouvoir, que constamment le pauvre doit “rendre”. Et dans la dynamique du mal qui marque nos vies, c’est rendre à celui ou celle qui a pris pouvoir sur nous. Se rappelant que nous commettons le mal que nous avons subi, nous comprenons que nous faisons payer aux autres le mal qui nous a été fait, tut en continuant à payer de haine no s agresseurs. Nous devenons ainsi toutes et tous collecteurs d’impôts. Alors comment sortir de cette « imposition » ?
C’est ici que la Croix, et son inscription, offre une réponse impensable à cette question de « est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? ». Dans l’Évangile de ce jour, si nous contemplons l’effigie de César, nous comprenons que c’est chacun.e de nous qui doit payer et faire payer les autres, tout en étant très fatigué de payer. Mais Jésus en tournant notre regard vers Dieu nous oblige à regarder vers la Croix. Et, sur la Croix, Celui qui est l’effigie de Dieu, le Christ, prend sur Lui toute dette, tout péché, toute rétribution mais dans un Amour qui nous dit : « le Père ne m’a pas envoyé dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé » (Jn 3, 17). Dieu ne veut pas notre paiement, Il ne désire que notre Amour. Il ne veut pas notre souffrance et notre mort, comme un prix à « rendre à Dieu » et « imposer » par Lui, mais ce qu’Il désire est que la Vie qu’Il nous a donnée gratuitement, nous la « rendions gratuitement ». Car le Souffle de Vie, « ce vent (qui) souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va » (Jn 3, 8), ne peut être possédé mais uniquement partagé.
Tout le chemin humain spirituel n’est pas un « impôt » dû à Dieu (ou même à l’humain) mais le recevoir la/sa V(v)ie gratuitement de Dieu et la redonner avec la même gratuité; comme Jésus qui, sur la Croix, dira : « Père, en tes mains je remets (rends) mon esprit » (Lc 23, 46).
Dans l’Amour de Dieu, la vie ne peut être un paiement mais uniquement un libre don. Elle ne peut être une obligation mais un Amour qui, acceptant l’offrande de l’A(a)utre, devient offrande elle-même à l’A(a)utre. Cela est bien différent de la conception des pharisiens et de celle de notre monde. Les pharisiens en étant reconduits de l’effigie de César à Celle de Dieu restent à la fin sans voix devant la Parole, car leurs accusations et leurs rétributions d’un monde à la César ne peuvent tenir devant Dieu. Dieu non seulement « ne voulait sacrifice ni oblation, (…mais) n’exigeait holocauste ni victime » (Ps 40, 7) et ne voulait même pas les agréer pour nos péchés (Héb 10, 6).
Ne laissons pas nos cœurs emportés par ces questions fausses des pharisiens de notre monde, qui pervertissent la Parole et la mettent en doute en nous, car la seule chose que Dieu veut de nous est que la Vie reçue nous la laissions surgir en nous en sa plénitude afin d’effacer toutes nos dynamiques de rétributions à partir desquelles nous vivons notre existence et, spécialement, nos relations. Et que l’effigie de Dieu soit inscrite en lettres d’Amour en nos cœurs !
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.