Évangile du Vendredi 20 octobre – 28e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Les cheveux de votre tête sont tous comptés » Lc 12, 1-7
En ce temps-là, comme la foule s’était rassemblée par milliers au point qu’on s’écrasait, Jésus, s’adressant d’abord à ses disciples, se mit à dire : « Méfiez-vous du levain des pharisiens, c’est-à-dire de leur hypocrisie. Tout ce qui est couvert d’un voile sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Aussi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu en pleine lumière, ce que vous aurez dit à l’oreille dans le fond de la maison sera proclamé sur les toits. Je vous le dis, à vous mes amis : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis : c’est celui-là que vous devez craindre. Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous. Or pas un seul n’est oublié au regard de Dieu. À plus forte raison les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez sans crainte : vous valez plus qu’une multitude de moineaux. »
Méditation
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps[…] craignez celui qui, après avoir tué,
a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne ». Lorsque notre âme ne peut plus respirer le souffle de l’Esprit, lorsque notre cœur profond n’est plus en relation avec la Présence de Dieu qui l’habite, nous devenons en état de mort spirituelle et de non-existence : nous sommes alors dans la géhenne.
Les ingénieurs de l’informatique s’évertuent à développer toutes sortes d’antivirus et de logiciels de plus en plus sophistiqués afin de protéger nos ordinateurs et téléphones intelligents, de toutes sortes de virus et programmes malveillants qui peuvent causer des dommages parfois irréversibles. Dieu nous exhorte à faire de même pour notre cœur profond. « Par-dessus tout, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie » (Pr 4,23).
Notre cœur profond, le lieu de Dieu en nous, l’essence même de notre être, a besoin d’être constamment protégé et soigné, sinon il risque de se contaminer, de devenir malade, et même de mourir.
Dès les premiers siècles du christianisme, les Pères du désert ont développé toute une thérapie pour préserver la santé spirituelle : la garde du cœur. « Sois le portier de ton cœur et ne laisse aucune pensée y entrer sans l’interroger » (Évagre de Pontique[1]). Ce n’est autre que cette vigilance permanente à tout ce qui peut s’infiltrer dans le cœur et l’empoisonner.
Cette très ancienne tradition chrétienne est d’une surprenante pertinence aujourd’hui. Sollicités et bombardés de toute part par une société qui vante l’absence de limites et de normes, la mort spirituelle nous menace à chaque instant. Le drame de nos vies réside dans nos choix souvent influencés par l’attrait des satisfactions immédiates, et qui nous transforment en marionnettes à la merci des tendances du moment. « L’homme souffre d’avidité insatiable dont la source est Dieu, mais il essaye en vain de la remplir de tout ce qui l’environne, recherchant un secours qu’il ne peut jamais obtenir car ce gouffre infini ne peut être rempli que par l’immuable infini qui est Dieu même » (Blaise Pascale)
Être portier du cœur ne signifie pas bâtir une clôture et l’enfermer dedans, mais d’y laisser uniquement Dieu entrer et d’en expulser tous les rivaux. Être portier du cœur, c’est modifier notre manière d’être au monde, c’est adopter une disposition constante à la Présence de Dieu en nous. La garde du cœur est une attitude qui s’enracine dans notre quotidien, qui s’accomplit dans l’action du moment en dirigeant notre intention de chaque instant vers Dieu. Être portier du cœur c’est coopérer à l’action de Dieu en nous, c’est permettre à Sa grâce d’opérer librement dans notre vie. Pour cela, il n’y a pas de recette universelle passe-partout, mais il y a une posture à apprendre, à acquérir et à maintenir : celle de la confiance en Dieu, l’adhésion totale au Christ dans une certitude de foi fondée en Sa Parole. Dans le déroulement de notre vie quotidienne, nous ne devons pas s’efforcer à obtenir toujours la victoire sur nos faiblesses et fragilités mais plutôt de nous exercer à garder notre cœur branché sur Celui de Jésus et non sur les raisons du monde, afin de protéger sa paix quel que soit les circonstances que nous traversons. Le fruit de la garde du cœur est l’hésychia ou la paix intérieure. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14,27). Si nous cherchons notre paix selon le modèle du monde, et bien nous ne serons jamais en paix ou bien s’il nous semble être en paix, nous nous apercevrons très vite qu’elle est fragile et factice.
« Soyez sans crainte : pas un seul n’est oublié au regard de Dieu. À plus forte raison les cheveux de votre tête sont tous comptés ». Voilà une affirmation qui peut faire sourciller bien du monde; la crainte et la peur sont des compagnons fidèles de toute vie humaine. Nous le savons tous bien que les ressources matérielles et la science humaine, avec ses prévisions, ses assurances de toutes sortes ne suffisent jamais à nous garantir la sécurité. Par conséquent, il est illusoire de vouloir contrôler volontairement le salut de notre vie, seul Dieu est le gardien de notre âme. Il n’est pas question ici de se planter dans la passivité et l’inaction, nous avons besoin de travailler pour promouvoir et préserver notre vie, mais plutôt se libérer des inquiétudes qui nous rongent inutilement et choisir l’abandon vécu comme expression d’amour.
Savoir que nos cheveux sont tous comptés est assez bouleversant puisque cela dit quelque chose de la façon dont Dieu nous aime. Alors, puissions-nous Lui faire confiance et se tenir gardien à la porte de notre cœur, Sa demeure en nous, l’essence de notre être.
Puissions-nous, par la grâce de l’Esprit, retrouver cette confiance perdue de l’enfant de Dieu que nous sommes, qui produit un fond de paix intérieure inébranlable, source des plus douces consolations et qui nous fait toujours s’adresser à Dieu ainsi : « Abba, Père ».
Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)
[1] Moine contemplatif du IVème siècle ayant vécu dans les déserts de l’Égypte
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