Méditation quotidienne du samedi 9 septembre : La mystique du grain de blé (No 6 – série 2023-2024)

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Pour favoriser la prière des personnes qui sont dans d’autres pays, nous avons décidé de rendre disponible par courriel la méditation de chaque jour le soir précédent à 17 h heure du Québec. Sur le site du Pèlerin, elle sera déjà accessible à 16 h.

Évangile du Samedi 9 septembre – 22e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du sabbat ? » Lc 6, 1-5

Un jour de sabbat, Jésus traversait des champs ; ses disciples arrachaient des épis et les mangeaient, après les avoir froissés dans leurs mains. Quelques pharisiens dirent alors : « Pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du sabbat ? » Jésus leur répondit : « N’avez-vous pas lu ce que fit David un jour qu’il eut faim, lui-même et ceux qui l’accompagnaient ? Il entra dans la maison de Dieu, prit les pains de l’offrande, en mangea et en donna à ceux qui l’accompagnaient, alors que les prêtres seulement ont le droit d’en manger. » Il leur disait encore : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat. »

Méditation

Méditant ce passage qui s’est prêté à la critique millénaire de la rigidité des normes jusqu’à l’absurde, jusqu’à la faim, jusqu’à l’enfermement, quelques mots s’accrochent dans ma prière, têtus : « … ses disciples arrachaient des épis et les mangeaient, après les avoir froissés dans leurs mains ».

Les règles du sabbat entravent, leur finalité est déviée pour devenir instrument et coercition aux mains d’une élite s’appropriant le droit, le savoir et le châtiment. Les normes par leur rigidité peuvent instituer des maîtres, instaurent un enfermement oubliant qu’elles étaient d’abord au service du vivre ensemble. Dans cet extrait, les règles entravent l’essentiel, elles interdisent de combler la faim, celle des disciples, jusqu’à celle d’un roi, le guide choisi par Dieu. Cette faim, ce besoin fondamental et spirituel vécu dans le dénuement de ceux et celles qui cheminent à la suite du Christ pouvait être comblée par une nourriture accessible, présente, abondante. En écho à la parabole du semeur chez Luc, le grain de blé symbolise l’expérience spirituelle, la Parole qui façonne l’être, le nourrit et fait advenir l’Être-Parole que nous sommes.

Les règles du sabbat prennent aujourd’hui diverses formes qui, au fond, n’ont guère évoluées depuis le pharisianisme de notre extrait de ce matin : le cléricalisme d’une Église sclérosée, la célébration de pratiques spirituelles évidées pour favoriser une croissance personnelle qui détourne du travail à être soi, le scientisme qui travestit la croyance en crédulité. Ces « sabbats » contemporains sont autant d’entraves à vivre l’expérience spirituelle de l’épluchement de nos rôles, du froissement de nos egos, du dépouillement du soi jusqu’au grain émondé, jusqu’à l’irréductible présence de Vie en soi qui unifie, jusqu’à cet espace fondamental de tout être humain. Ces sabbats et leurs règles jettent aujourd’hui la confusion autour de l’expérience mystique, l’expérience intime et profonde d’un principe du vivant et de l’union nous habitant. Michel Hulain parlait d’une mystique sauvage, accessible, parfois furtive mais présente pour tous et toutes appelés.es. Une expérience naturelle, comme celle de cueillir le blé, d’accueillir la Parole pour combler la faim. Pour le Père Stanislas Breton, « un élan mystique réside en tout être, même dans le caillou, dans la mesure où il réside dans son principe. […]. Le mystique est celui qui demeure dans le principe »[1].

L’itinéraire spirituel, cette marche à la suite du Christ qui mène au dépouillement et à la communion, donne à voir une connaissance nouvelle du Mystère. Une co-naissance vécue comme une expérience qui libère par l’accueil du Tout-Autre et sauve par le don de la Parole unique du Tout-Nouveau. Entre cléricalisme et clientélisme, entre l’accueil de l’autre et le don de Dieu en soi, l’accompagnement psychospirituel devient voie et redonne voix à l’expérience mystique, à sa vérité, en ces temps troublés. Méditant sur cet Évangile, je conçois que l’accompagnement, c’est une chance risquée et inédite de se réapproprier notre dimension mystique, ce lieu d’accueil du principe premier et absolu, cet élan vers le froissement et la commune union avec le Vivant au cœur de toutes vies, au cœur de nos battements à cet instant.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)


[1]     S. Breton, « La mystique : lieu fondamental de tout être humain », Scintillements de la mystique, Théophilyon, no 237, 1988, t. III/2, p. 267.

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.