Méditation quotidienne du lundi 12 juin : Heureux ceux qu’un vide invite à marcher (No 264 – série 2022 – 2023)

Veuillez noter que les méditations cesseront le dimanche 25 juin pour la période des vacances et recommenceront en septembre prochain. Toute notre gratitude d’avoir marché avec nous et demeurons en union de prière.

Évangile du lundi 12 juin – 10e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Heureux les pauvres de cœur » Mt 5, 1-12

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait.
Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. »

Méditation

« Beaucoup disent : ‘’Qui nous fera voir le bonheur ?’’ » (Ps 4,7). Tous les hommes cherchent le bonheur… même dans les impasses les plus surprenantes. Et pourtant… « Qui peut, par ses inquiétudes, ajouter une coudée à la durée de sa vie ? » (Mt 6,27) Qui peut, par son anxiété, ajouter de la vie à sa vie ? Le Fils de Dieu est venu sur terre pour nous acclimater au Royaume céleste, pour nous rendre sensible au style du Père, à Sa manière de faire. Doucement, avec tendresse, l’Esprit nous conduit vers cette paix qui ne vient pas du monde. Il caresse nos soucis qui se hérissent pour nous assouplir à Son amour. Face aux pauvres, aux persécutés, le Christ félicite ceux qui se mettent en route vers Son Royaume. Le terme « heureux » n’enlise pas les hommes dans le malheur, dans les pleurs. Au contraire, le refrain « heureux » encourage, il chante un parcours vers la réussite de notre vie en Dieu. Le mot grec qu’on traduit par « heureux », André Chouraqui le rendait en français par « en marche », afin d’expurger nos bibles du paresseux confort des dieux grecs. La dynamique du peuple de Dieu, comme au désert dans l’Exode, est la marche !

Certes, les soucis harcèlent sans cesse l’existence précaire que nous menons sur la terre. La santé, le travail, la famille… il y a tant de personnes dont nous devons prendre soin. Le Seigneur nous introduit dans Sa manière divine d’être attentif. L’exhortation à ne pas s’entretenir dans l’anxiété (Ph 4,6) vise à nous arracher de notre cage pour nous transplanter sur une terre qui a le ciel pour horizon. Il ne s’agit pas de faire comme si nous n’avions pas de besoins, mais d’être suffisamment libres pour s’en remettre à Dieu pour tout ce qui relève de notre vie. Il ne s’agit nullement d’un lâcher-prise qui se moque de la vie, mais d’une confiance active et joyeuse qui connaît le Père que nous avons au ciel. « Ne vous inquiétez donc pas et ne dites pas : ‘’Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? Avec quoi nous habillerons-nous ?’’ En effet, tout cela ce sont les membres des autres peuples qui le recherchent. Or, votre Père céleste sait que vous en avez besoin. » (Mt 6,31). Cette confiance filiale transporte nos besoins vitaux dans ce ciel qui protège la terre. Car, en Dieu, nous savons que le ciel et la terre ne sont pas séparés (Gn 1,1). Dans la Genèse, le Créateur qui sépare la lumière et les ténèbres, les eaux et la terre, ne sépare pas le ciel de la terre ! Au contraire, le ciel est toujours ce qui se penche vers la terre. Ce langage symbolique montre que notre vie terrestre compte pour Dieu.

Face à l’anxiété qui rétrécit notre vie, la foi respire largement. Rabelais, qui inventa le géant Gargantua, met en scène cette liberté évangélique avec humour. Gargantua est déçu des habitants de la grande ville qu’il visite. Ces gens sots préfèreraient « un mulet avec ses sonnettes » plutôt qu’« un bon prêcheur d’Évangile » (chap.XVII). Réfugié dans les tours de la cathédrale, Gargantua paye ces citadins en leur donnant une leçon pleine de  moquerie… Du haut des tours, il pisse abondamment sur eux ! Puis, il dérobe les cloches de la cathédrale qu’il attache au cou de sa jument. Cette action symbolique dit qu’il faut se détacher des angoisses qui empêchent de faire la différence entre un mulet et l’Évangile. Les cloches, comme la Parole de Dieu, ne doivent pas rester accrochées aux tours des cathédrales, mais carillonner et galoper le long des chemins. Avec un rire gouailleur, Rabelais chasse les mulets pour redonner souffle à l’Évangile qui libère l’homme. Aujourd’hui, quels sont les mulets que nous préférons à l’Évangile ?

Les béatitudes détectent nos folies collectives. Dans La condition ouvrière, Simone WEIL (1909-1943), sensible à la pauvreté tournée vers l’Esprit, décrit le malheur ouvrier : « Il faut, en se mettant devant sa machine, tuer son âme pour 8 heures par jour, sa pensée, ses sentiments, tout. » Derrière ce malheur, se révèle une idolâtrie de l’argent pour laquelle « rien n’a de valeur que ce qui peut se chiffrer en francs. Elle n’hésite jamais à sacrifier des vies humaines à des chiffres qui font bien sur le papier, chiffres de budget national ou de bilans industriels. Nous nous laissons également hypnotiser par les chiffres. » L’argent est une fiction sociale qui permet (lorsque l’attachement n’est pas converti) de prêcher comme un mulet. À propos de son prochain, on se dit : « Ces gens n’existent pas vraiment, ces silhouettes découpées sur un taux de profit ne sont que des chiffres qu’on additionne et qu’on soustrait. » Or, à la racine de l’existence, le Christ fait émerger une parole qui donne un droit de vivre : heureux, êtes-vous d’exister !  Les béatitudes redonnent une boussole. Nous sommes dans le monde, sans être du monde, puisque notre origine est en Dieu. Ce déséquilibre nous met en marche. Sur notre chemin, le Christ, la Vie qui réussit, vient à notre rencontre. Un jour, la lutte douloureuse cessera (Ap 21,4), nous serons arrivés au bonheur de vivre sous le regard du Père.

Vincent REIFFSTECK.   vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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