Méditation quotidienne du mardi 23 mai : « Mon Père, je remets mon esprit entre tes mains » (No 244 – série 2022 – 2023)

Image du Lac de Côme par Burghard Mohren de Pixabay

Évangile du Mardi 23 mai 2023 –7e semaine du Temps pascal (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Père, glorifie ton Fils » Jn 17, 1-11a

En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »

Méditation

Dans l’Évangile de Jean, le long discours d’a-Dieu aux siens se termine par cette prière du chapitre 17 (aujourd’hui les versets de 1 à 11). En la méditant, j’ai repensé aux paroles du Pape François lorsqu’il a partagé l’expérience de son voyage en Hongrie[1]. Il a choisi de raconter sa visite à travers deux images : celle des racines et celle des ponts. Au sujet des racines, il disait : Réfléchissons donc à l’importance de préserver les racines, car ce n’est qu’en allant en profondeur que les branches pousseront vers le haut et porteront des fruits. Chacun de nous peut se demander […]: quelles sont les racines les plus importantes de ma vie ? Où suis-je enraciné ? Est-ce que je m’en souviens, est-ce que j’en prends soin ?

J’ai alors pensé que, par les mots de sa prière – ceux de Jn 17 que nous venons d’entendre – , Jésus nous répond en fait à cette question : quelles sont les racines les plus importantes de ma vie ? Où suis-je enraciné ? La racine la plus importante de sa vie, l’unique racine de Jésus n’a qu’un nom : Abba, Papa, son Père du Ciel. Dans ce moment d’une émotion si intense, dans cet A-Dieu, Il ne peut que s’adresser à Celui qui fut, qui est son fondement. Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père ». Tout est dit là …  Bien sûr que Jésus s’en souvenait de sa racine ! Bien sûr qu’Il en prenait soin ! Les battements de son cœur d’homme, sur toutes les routes poussiéreuses de Galilée, épousaient le rythme d’une prière continue, d’un échange amoureux avec Celui qui ne faisait qu’un avec Lui.

Et sa vie humaine au milieu des femmes et des hommes de la terre n’a été « que cela » – comme Il le dit dans l’Évangile d’aujourd’hui – : J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Sa vie, Jésus l’a donnée et livrée jusqu’au bout pour cette unique mission : manifester le nom du Père, incarner l’Amour dont tout être humain est aimé, le lui rendre visible, touchable[2] … lui donner ‘sa vraie racine’, profonde, pour que ses branches à lui aussi puissent pousser vers le haut et porter du fruit.

« Père, l’heure est venue. […] Ainsi, comme tu lui [à ton Fils] as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. » 

Nous donner la vie éternelle, à nous, être de chair … Jésus a reçu ce don pour nous. La vie éternelle, ‘l’amour qui jamais ne s’achève’ (comme l’a si bien écrit[3] Benjamin Pouzin), c’est connaître le Père, connaître Jésus, nous dit saint Jean. Connaître Dieu … Pas simple d’arriver à saisir ce que cela signifie. Qui peut dire en tout honnêteté qu’il connaît Dieu ?  Le théologien ? Le prêtre, le religieux ? Connaître serait-il le fruit de l’étude lorsqu’il s’agit de Dieu ? Une nouvelle fois, des paroles du Pape François sont venues me rejoindre en méditant cet Évangile.

Lors de son voyage en Hongrie, il a entre autres rencontré le monde universitaire et de la culture. À l’université catholique de Budapest, il a commencé son discours[4] par ces mots : Il y a cent ans, Romano Guardini, grand intellectuel et homme de foi, alors qu’il était face un paysage unique en raison de la beauté des eaux, eut une intuition culturelle féconde. Il écrivit : « Ces jours-ci j’ai plus que jamais compris qu’il y a deux formes de connaissance […], l’une conduit à se plonger dans l’objet et dans son contexte, l’homme qui veut connaître cherche à vivre en lui. L’autre, au contraire, rassemble les choses, les décompose, les range dans des cases, en acquiert maîtrise et la possession, les domine » (Lettres du lac de Côme : sur la technique et l’humanité, Brescia 2022, p. 55). Il distingue entre une connaissance humble et relationnelle […] et une autre manière de connaître qui « n’observe pas, mais analyse […] qui ne s’immerge plus dans l’objet, mais qui le saisit » (p. 56).

Quelle lumière en lisant ces mots ! Je crois bien que Dieu désire que nous le connaissions ‘de la première manière, humble et relationnelle’. Il attend que nous osions nous plonger en Lui, nous immerger complètement dans le mystère de son Amour inconditionnel pour nous. Le connaître et … vivre la vie éternelle, c’est dès maintenant sentir battre le rythme du cœur de Dieu dans nos vies. C’est réellement expérimenter dans nos corps, sentir dans notre psyché et notre cœur profond, la force d’une Vie nouvelle qui irrigue tout notre être.  Et cette Vie, elle ne vient pas de nous.  Elle nous est donnée, nous la recevons … au bord du Lac de Côme (comme R. Guardini), dans la merveilleuse nature au printemps ou …

En écrivant cela, je me disais que dans le fond nos meilleures connaissances, nos plus belles expériences, sont celles-là, les premières ! Les humbles et les relationnelles ! Avec Dieu, c’est pareil ! Le connaître en cherchant chaque fois mieux à vivre en Lui, comme on connaît – pardon si la comparaison est trop terre-à-terre – la maison de sa grand-mère, l’odeur de la crème à la vanille des goûters du mercredi et la douceur de ses mains qui nous frottaient le dos quand le cœur avait besoin de consolation …

« Père, l’heure est venue. » Relisant ces mots, je les écoute murmurés par l’humble Charles de Foucauld. Lui aussi a connu Dieu, après bien des chemins de traverse, de manière humble et relationnelle. Les croyants musulmans rencontrés dans le désert du Maroc, sa cousine à Paris, l’Abbé Huvelin dans la fameuse église de sa conversion, autant d’attaches humaines et de liens d’amour (cf.Os 11,4) qui l’ont plongé en Dieu … presque malgré lui. L’orphelin s’est finalement laisser séduire par l’Amour dont il avait si soif. Bien des années plus tard, alors qu’il méditait justement les paroles d’A-Dieu de Jésus et sa prière à Gethsémani, c’est sa plume qui nous laissera une autre prière … Elle aussi commence par le même mot – la même racine – : « Mon Père, je m’abandonne à toi ».

Voilà l’immense don que nous avons reçu : pouvoir vivre en présence de l’Amour et nous y plonger, être devant Dieu, connaître Quelqu’un à qui nous adresser dans l’intime de notre cœur.

« Mon Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23,46). « C’est la dernière prière de notre Maître, de notre Bien-Aimé… puisse-t-elle être la nôtre… Et qu’elle soit non seulement celle de notre dernier instant, mais celle de tous nos instants. » Saint Charles de F. a tout dit.

Laurence Vasseur (vasseurlaurence@hotmail.com)


[1] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2023/documents/20230503-udienza-generale.html

[2] « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie. » (1 Jn 1,1)

[3] Chant ‘Le cantique des cantiques’.

[4] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2023/april/documents/20230430-ungheria-cultura.html

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