Méditation quotidienne du samedi 15 avril : La parole croyante (No 209 – série 2022 – 2023)

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Évangile du Samedi 15 avril 2023 – Octave de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile » Mc 16, 9-15

Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie Madeleine, de laquelle il avait expulsé sept démons. Celle-ci partit annoncer la nouvelle à ceux qui, ayant vécu avec lui, s’affligeaient et pleuraient. Quand ils entendirent que Jésus était vivant et qu’elle l’avait vu, ils refusèrent de croire. Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. Ceux-ci revinrent l’annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus. Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table : il leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient contemplé ressuscité. Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. »

Méditation

En méditant cet extrait de l’Évangile ce matin, j’imagine bien l’accompagnement d’une Madeleine qui entre, transportée, dans mon bureau. Seule, la pesanteur de la grâce pour reprendre la magnifique formule de Simone Weil, lui donne la gravité nécessaire pour s’asseoir devant moi. La joue mouillée, elle me raconte avec émotion la rencontre avec son maître plus vivant que vivant. Elle me raconte comment Il l’a appelée, comment Il l’a envoyée. Elle parle au Je en gesticulant puis, encore étonnée de s’entendre, elle ajoute à propos de Simon-Pierre et des disciples : « Et ceux-là, m’entendant dire qu’il vivait et que je l’avais vu, ne me crurent pas. »

Ne pas croire.

Simon-Pierre se présente l’après-midi suivant en accompagnement avec une certaine nonchalance. Dépité et un peu vengeur, il me raconte l’histoire tragique de la perte de son maître, crucifié par deux peuples sans qu’aucun ne se réclame l’auteur de sa condamnation. A-t-il été mis à mort par la peur ou par la haine ? Je reste dans l’accueil, reflète et reformule, pas de question fermée. Au bout d’un moment il me raconte l’arrivée d’une des leurs, qui leur annonça, non sans émotion car c’était une femme après tout, que leur maître était vivant! Imperceptible sourire en coin qui naît durant sa narration à propos d’une Madeleine en pleurs. Je remarque une subtile inadéquation entre le récit et le ton de sa voix, entre le tragique du récit et la légèreté de l’expression. Pour l’aider, je devrai lui permettre de retrouver le ressenti, de puiser sans culpabilité à la rencontre qui fut interdite par l’expérience de la désespérance qui se méfie même de la peur. Tant qu’il dit sans éprouver, j’éprouve sans pouvoir dire.

Ne pas croire c’est refuser le Je de l’autre qui fait pourtant advenir le mien. Au fond, accompagner, c’est servir le Je divin en l’autre, l’accueillir pour que sa douleur évite de le couper des autres, l’écouter pour que toute la Vie qui l’irrigue et qui tournoie même au cœur de la blessure puisse advenir par la parole, puisse advenir l’être-parole.

Simon-Pierre s’est levé et a pris tristement congé, non sans me remercier, avec une politesse appuyée, d’avoir pu s’approprier sa douleur et sa couleur, toujours trop foncée. Madeleine et moi avons échoué, il a pourtant été cru mais nous n’avons pu tricoter un nous bien serré. Seul un nous peut faire entrer la souffrance de l’accompagné dans la profonde humanité, dans la part de Dieu. Chez les onze terrés, elle semble ensevelie sous la filiation blessée, enterrée sous la culpabilité et le croire sacrifié. Recroquevillée, la part de Dieu ne fut même pas déposée au pied de la croix lors de sa mise à mort.

Je retrouve Simon-Pierre aux confins de la Galilée, témoignant du Ressuscité à tout vent jusqu’à ce que martyre s’ensuive. Simon-Pierre, que s’est-il passé ? Que t’a-t-il dit ? Au début, rien. C’est dans le silence et dans ses plaies qu’il m’a montré la douleur, sans attribuer de faute à personne ni à lui-même ni à moi-même. Dans la douleur dénuée d’accusation, j’ai reconnu ma souffrance, j’ai reconnu celle de l’humanité entière confondue mais singulière, à chacun ensemble, comme un chemin vers mon prochain. Sans parole, j’ai vu dans ses plaies, ce qu’on ne m’avait jamais raconté. Que mon Je s’éveille d’entre mes morts, le nous peut s’accomplir. J’ai vu dans ses plaies que ma parole qui s’élève dans la sienne donne vérité et qu’il est la libre guérison pour toute vie, pour toute nation et pour toute la création. J’ai vu qu’il était vivant. J’ai cru qu’il fallait voir pour croire, j’ai vu qu’il fallait vivre pour le croire.

Aux confins de toutes les Galilées qui se succéderont dans l’histoire de l’humanité, Simon-Pierre confesse son croire et incarne sa foi dans ce Tout-Autre et ce Tout-Nouveau. Et toi Simon-Pierre, que lui as-tu répondu au Ressuscité qui se révèle en te révélant à toi-même ? Plus vivace que la vie, il dit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle (Jn 6.68) ».

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.