Méditation quotidienne du dimanche 9 avril : Les pauvres, les voyants du secret ! (No 203 – série 2022 – 2023)

Image par Leroy Skalstad de Pixabay

Évangile du Dimanche 9 avril 2023 – Dimanche de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » Jn 20, 1 – 9

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

Méditation

Jour de Pâques ! L’Évangile nous introduit à ce « jour » par une visite au tombeau laquelle, pour la bien comprendre, doit être réinscrite dans sa séquence contemplative ou eucharistique. L’évangéliste Jean, comme les autres évangélistes, nous dit que c’est Joseph d’Arimathie qui « enlève le corps de Iéshoua’ » (Jn 19, 38) après sa mort sur la Croix, comme s’il assurait, en préparant son corps, ce passage de l’Ancienne Alliance à la Nouvelle Alliance. Toutefois, Jean est le seul à indiquer la présence de Nicodème, probablement pour nous rappeler que, avec la Résurrection, débute le temps du « naître d’en haut » (Jn 3, 7).

Puis, au « premier jour après le shabat (sabbat) », se présente Marie de Magdala. Pour moi, il n’est pas banal que ce soit Marie de Magdala la première au tombeau avant même Pierre et Jean, car saint Luc la décrit ainsi  « Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons » (Lc 8 2). J’aime voir cette femme habitée longtemps par le mal se présenter la première, car n’est-il pas vrai que Jésus a dit : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (Mc 2, 17).

Marie de Magdala a connu les ténèbres du péché et même la possession diabolique et Jésus l’en a libérée. Il n’est pas étonnant que, malgré les ténèbres de la crucifixion et du samedi saint, elle est la première à se lever « tôt, dans les ténèbres encore, » pour se rendre au tombeau. Elle n’a pas peur de ces/ses ténèbres parce qu’elle a déjà goûté à la Résurrection que l’Amour du Christ lui a fait vivre. Cette grâce de l’Amour, fruit anticipé de la Résurrection, lui donne de « se lever », de ne pas être écrasée par les ténèbres et, scène magnifique, nous dit le texte, : elle « regarde ». Au cœur même des ténèbres, elle est la première à contempler, après la mort de Jésus, cette brèche dans les ténèbres : « la pierre du sépulcre avait été enlevée ».

Si nous pouvions nous aussi regarder au coeur de nos ténèbres le tombeau qui nous habite et voir déjà dans la foi que la pierre de notre sépulcre a été enlevée. Qu’un jour est prêt à se lever en nous et que tout le mal qui s’est refermé sur nous dans notre vie est appelé à se dissiper, convoqués sommes-nous sur la terre des vivants. Et je trouve fantastique qu’elle contemple ce mystère avant même Pierre et Jean, qui représentent le ministère et l’amour dans l’Église, et, plus encore, que ce soit elle qui leur annonce que la Lumière vainc les ténèbres.

Car, pour moi, l’Église doit être seconde parce qu’« en vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu » (Mt 21, 31). En d’autres mots, l’Église doit toujours avoir entre elle et le Christ ressuscité cette femme possédée, ces prostituées,… tous ces humains abîmés par le mal. Sans cela l’Église a toujours le danger d’être un pouvoir au lieu d’un service. Sans cela elle risque de ne pas reconnaître en tous ces pauvres la grâce de la Résurrection qui leur donne de « courir » au tombeau avant eux, et elle risque de ne pas « regarder et contempler » en eux la Résurrection déjà agissante. Cette expérience n’enlève en rien au rôle de l’Église mais lui rappelle sa juste mission.

Ainsi, Pierre, représentant du ministère dans l’Église, et Jean, représentant de l’Amour, sont touchés, comme Marie de Magdala, par la grâce de la Résurrection grâce à l’annonce qu’elle leur en fait, même si elle ne comprend pas encore tout ce qui survient : « ils ont enlevé l’Adôn (le Seigneur) hors du sépulcre. Nous ne savons pas où ils l’ont mis ». Alors eux aussi se mettent à « courir », comme elle, sur l’impulsion de la grâce. Ils courent ensemble, car le ministère et l’Amour dans l’Église doivent faire un, mais, bien sûr, l’Amour court toujours plus vite, car il vit penché sur le Cœur de Dieu. Mais si l’Amour court plus vite et que Marie s’est retrouvé au tombeau avant eux, l’un et l’autre attendent Pierre, car c’est à lui, le chef de l’Église, d’entrer le premier dans le tombeau. Pourquoi ? parce c’est le ministère dans l’Église qui, particulièrement par les sacrements, doit communiquer les grâces de la Résurrection à tout le peuple, sans en avoir le monopole -la petite et pauvre Marie de Magdala leur rappellera toujours-.

À l’eucharistie spécialement, les linges contemplés par Pierre dans le tombeau seront repris et, sur le corporal1, seront de nouveau déposés le corps et le sang du Christ. Et là, comme ce jour au tombeau, nous aurons avec eux à contempler, à voir et à croire que Dieu est là et que sa Vie a vaincu la mort. 

Toutes et tous, comme Marie de Magdala, nous sommes convoqués tous les jours, avant même le ministère, à laisser ce Jour de Pâques se lever en nous, spécialement « dans les ténèbres encore » qui nous enveloppent.  Car nous avons la mission, toutes et tous, de venir annoncer au monde et à l’Église, les deux souvent bouleversés et enténébrés, ce que nous avons « regardé et contemplé » et de continuer à approfondir notre expérience de la rencontre avec le Ressuscité. Et Jésus nous enverra : « Va vers mes frères et dis-leur : « Je monte chez mon père et votre père, mon Elohîms (Dieu) et votre Elohîms » (Jn 20, 17). Je le répète, l’Église, en ces temps très troublés, a besoin de notre témoignage pour se remettre à « courir » sous le souffle de l’Esprit et à se rappeler qu’elle est appelée à « se relever d’entre les morts » et à témoigner. 

Disons-le avec force en terminant : Seuls les pauvres sont les voyants du secret ! Ils voient la Lumière qui brillent dans les ténèbres et ils sont témoins de cette fissure dans la carapace de nos tombeaux par laquelle se glisse le Vivant, s’ouvre la Résurrection ! Ils participent de la grâce du Père, ce « voyant du secret » (Mt 6, 18, bible de Chouraqui) !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

  1. Linge liturgique sur lequel, à l’eucharistie, est déposé la patène, le calice et le ciboire.

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