Méditation quotidienne du mercredi 29 mars : La belle-mère et la vérité (No 192 – série 2022 – 2023)

Image par John Paul Edge de Pixabay

Évangile du Mercredi 29 mars 2023 – 5e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Si le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres » Jn 8, 31-42

En ce temps-là, Jésus disait à ceux des Juifs qui croyaient en lui : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » Ils lui répliquèrent : « Nous sommes la descendance d’Abraham, et nous n’avons jamais été les esclaves de personne. Comment peux-tu dire : “Vous deviendrez libres” ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : qui commet le péché est esclave du péché. L’esclave ne demeure pas pour toujours dans la maison ; le fils, lui, y demeure pour toujours. Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres. Je sais bien que vous êtes la descendance d’Abraham, et pourtant vous cherchez à me tuer, parce que ma parole ne trouve pas sa place en vous. Je dis ce que moi, j’ai vu auprès de mon Père, et vous aussi, vous faites ce que vous avez entendu chez votre père. » Ils lui répliquèrent : « Notre père, c’est Abraham. » Jésus leur dit : « Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Mais maintenant, vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l’a pas fait. Vous, vous faites les œuvres de votre père. » Ils lui dirent : « Nous ne sommes pas nés de la prostitution ! Nous n’avons qu’un seul Père : c’est Dieu. » Jésus leur dit : « Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez, car moi, c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens. Je ne suis pas venu de moi-même ; c’est lui qui m’a envoyé. »

Méditation

Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera. Au coeur de nos traversées existentielles, quand la vérité empoigne le bras de la liberté, elle enfante en nous une parole fondatrice.

Longtemps, avec quelques relents aux arômes de tribunaux, j’ai cru que la vérité était comme une parade : il y a ceux qui la font, marchant au pas ou tournoyant, et ceux qui la regardent, passivement en sirotant. Fanfare dénonciatrice et justice en tête, j’imaginais la vérité comme une conquête, un territoire transparent où établir son campement, planter son drapeau afin de bien marquer le parti pris, afin de bien marquer les esprits.

Puis, les tempêtes se sont soulevées, de celles qui ensablent les certitudes; les tourmentes sont survenues, de celles où Job nous prend par la main, grattant l’ulcère et crachant sur demain. Grégaires, elles nous bannissent un beau matin et nous cantonnent sur le bord du chemin, malgré les plaintes et la défense imparable. La parade pouvait donc aisément se passer de moi, elle pouvait même s’éloigner au loin. Lourdaud, le déni avait débarqué avec ses bagages, il s’installa sans résistance dans mon entourage. Faisant mine de balayer le passage, il n’avait à la bouche d’une mère, d’un amoureux, d’une amie ou d’un religieux qu’une déconsidération trop polie pour mal paraître. De petite première, j’étais devenue la belle-mère, la désertion de la vérité paradée m’avait reléguée au second-plan. Malgré leur clarté, les faits demeuraient sans portée, mes principes prenaient l’air seriné des opinions qui colonisent le superficiel. Enfermée par le déni d’autrui, esclave de ma plainte fondée et non accueillie, comment la vérité me rendrait-elle libre ?

Agrippée à ma vérité idolâtrée que je trimbalais de procession en procession et qui s’évanouissait à l’entrée de ce monde, il m’a fallu du temps pour saisir la posture à adopter. Pour passer du monde au réel, du réel aux histoires, de la scène aux coulisses. Comme une belle-mère à sa juste place, accepter l’impuissance que transpiraient les relations, tenir le second rôle dans une histoire commencée bien avant notre arrivée dans nos familles, dans nos milieux, dans nos communautés. La main tendue qui ne comble pas les vides, l’écoute profonde qui ne reformule que pour le sens créé, partagé, filié. Devenir féconde sans chercher à se reproduire. Débarquer de ce monde indistinct pour entrer sur la pointe des pieds dans le réel de nos histoires. Descendre jusqu’à l’abaissement pour s’inviter dans le secret des rythmes à honorer, dans la vie de ceux et celles qui n’avaient rien réclamé mais qui sont là devant soi et en soi. Entre chair et vérité. J’ai cherché à trop faire maisonnée bruyante avec ce qui, en eux, restait un refuge abritant une ancienne vie rapaillée de déni, de silences et de ruines mais un refuge illuminant leurs souvenirs de mille feux. La vérité n’est pas flamboyante, elle est braises qui couvent l’attente d’un coeur brûlant et d’un Je naissant des cendres, elle est surtout la volonté incendiaire du Père dans une parole qui libère.

Une parole, à la fois Sienne, tienne et mienne, qui cherche à se dire en transparence et en soif de ce qui la fait vivre au plus profond d’elle-même. La vérité est l’accueil de la volonté de Dieu qui habite la parole de notre être lorsqu’il est plus vivant que son monde qui l’a pourtant vu naître. La place accordée n’a alors plus d’importance, la défense est devenue inutile, le sauvetage encombrant. Comme une belle-mère bienveillante, tout prend sa juste place. Le ciel s’installe en soi, la liberté souffle et la parade s’éteint devant le refuge d’une ancienne vie désertée mais honorée. Délivrée du soi, la parole reçue à travers le fil de nos histoires tissées devient demeure et ancrage dans ce monde où fanfaronnent mille croyances, où paradent mille saluts. La vérité en sa parole nous rend libre car elle est foyer où les braises, qui couvent au sein de nos blessures, annoncent, chaque jour et en vérité, la liberté infinie comprimée dans le vivant de notre vie.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.