Méditation quotidienne du vendredi 24 mars : Connaissance-méconnaissance (No 187 – série 2022 – 2023)

Évangile du Vendredi 24 mars 2023 – 4e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« On cherchait à l’arrêter, mais son heure n’était pas encore venue » Jn 7, 1-2. 10. 14. 25-30

En ce temps-là, Jésus parcourait la Galilée : il ne voulait pas parcourir la Judée car les Juifs cherchaient à le tuer. La fête juive des Tentes était proche. Lorsque ses frères furent montés à Jérusalem pour la fête, il y monta lui aussi, non pas ostensiblement, mais en secret.
On était déjà au milieu de la semaine de la fête quand Jésus monta au Temple ; et là il enseignait. Quelques habitants de Jérusalem disaient alors : « N’est-ce pas celui qu’on cherche à tuer ? Le voilà qui parle ouvertement, et personne ne lui dit rien ! Nos chefs auraient-ils vraiment reconnu que c’est lui le Christ ? Mais lui, nous savons d’où il est. Or, le Christ, quand il viendra, personne ne saura d’où il est. » Jésus, qui enseignait dans le Temple, s’écria : « Vous me connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de moi-même : mais il est véridique, Celui qui m’a envoyé, lui que vous ne connaissez pas. Moi, je le connais parce que je viens d’auprès de lui, et c’est lui qui m’a envoyé. »
On cherchait à l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui parce que son heure n’était pas encore venue.

Méditation

Le texte d’aujourd’hui dépeint un récit saisissant au cours duquel Jésus va déclarer ouvertement qu’Il est l’envoyé de Dieu. C’était la semaine de la fête des Tentes qui célèbre la joie et le débordement d’amour, et pourtant, on cherchait à arrêter Jésus, au lieu de se réjouir de L’avoir parmi eux et d’accueillir toutes les grâces qu’Il peut leur offrir.

« Mais lui, nous savons d’où il est ». Rien de plus terrible que de cataloguer quelqu’un, une fois pour toute, dans ce que l’on pense savoir sur lui et le plus souvent ce n’est pas pour le meilleur mais pour le pire. Origine, lieu de naissance, apparence, couleur de peau, orientation, idéologie etc… des carcans de stéréotypes dans lesquels nous l’enfermons parce qu’on n’est pas capable d’accueillir la nouveauté qu’il porte en elle(lui), sa différence nous fait peur, elle menace nos bénéfices qui nous donnent le faux pouvoir d’être le centre et la référence absolus de tout. Malheureux furent ceux qui ont enfermé Jésus dans ce qu’ils ont décidé de ne voir en Lui : un Galiléen dont on connait la famille bien modeste. Les Judéens méprisaient les Galiléens, les considérant comme sans instruction et de moindre qualité (Jn 7,52). « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn, 1, 46). Enfermés dans cet échafaudage rouillé, ils étaient incapables de reconnaitre la Vérité intrinsèque que portait la personne de Jésus.

D’un autre côté, les chefs du peuple n’arrivaient pas à accepter que Jésus puisse avoir cette profonde connaissance des Écritures sans avoir étudié, (Jn 7,15); ils savaient qu’il n’avait fréquenté aucune des écoles rabbiniques du temps, comme le faisaient les docteurs de la loi. La Vérité ne pouvait leur être révélée, elle butait contre leurs idées reçues et n’arrivait pas à franchir les limites qu’ils avaient imposées sur la personne de Jésus.

Puisque la Parole de Jésus provient du Père qui L’a envoyé, et afin d’être capable de L’entendre, il nous faut avant tout vouloir faire la volonté de Dieu pour nous, qui est notre sanctification. Cette connaissance de la Parole ne peut se faire dans notre intelligence, elle ne se dévoile qu’à travers notre désir et notre aspiration à se sanctifier, à épouser notre identité filiale. L’endurcissement du cœur obscurcit l’intelligence, l’absence d’un élan d’amour vers Dieu rend la vérité divine incompréhensible, voire intolérante. « Dans les choses humaines, il faut connaître pour aimer, dans les choses divines, il faut aimer pour connaître » (Pascal).

« Celui qui m’a envoyé, Moi, je le connais parce que je viens d’auprès de lui ». La Vérité n’est pas une chose que l’on possède, elle ne peut être réduite à des mots et des lois, la Vérité est une personne qui a été envoyée par le Père pour qu’Elle nous soit révélée. Seule, la lumière de la Personne du Christ peut donner aux mots cette ampleur infinie et cette transparence immaculée. On ne peut connaitre cette Vérité comme un théorème ou un principe physique, nous avons à l’épouser dans notre être afin qu’elle grandisse en nous en même temps que notre âme s’accroît. C’est dans cette croissance que notre intelligence acquiert de nouvelles dimensions pour laisser la Vérité être en nous. Et nous n’aurons jamais fini le pèlerinage aux sources, notre itinéraire continuera jusqu’à notre passage vers Lui. Pour que la Vérité prenne racine en nous, il nous faut prendre racine en Celui qui est la Vérité; alors seulement, nous pourrons reconnaitre que Sa Parole ne peut être que la Vérité Divine, nous serons capables de percevoir à travers notre conscience et notre cœur la voix du Fils, celle de l’Amour du Père.
Cette connaissance-méconnaissance de Jésus restera toujours adhérente à l’homme tant et aussi bien qu’il méconnait Celui qu’Il L’a envoyé. Que d’images nous véhiculons encore aujourd’hui sur Dieu, que d’ignorances sont cachées dans nos expressions très raisonnées; nous cherchons et regardons partout sauf vers la Source, qui reste encore trop souvent un point aveugle dans notre angle mort.  

Cette méconnaissance-connaissance risque de toucher également chaque humain que nous côtoyons, notre prochain; nous avons acquis des connaissances fabuleuses sur l’humain, tant au niveau biologique, physiologique, psychologique, sociale ou autre mais nous le méconnaissons encore beaucoup dans sa nature profonde, créée à Son image et destinée à la divinité. Notre regard est conditionné à ne percevoir que l’emballage, à s’arrêter sur les préjugés et n’est plus capable de saisir la beauté et la richesse intérieures et de s’en émerveiller.

Un jour, un célèbre musicien fit l’expérience suivante : il se vêtit modestement et s’installa dans le hall d’une station de métro pour jouer du violon. Il passa 45 minutes à interpréter des pièces célèbres de Bach, de Schubert et autres. Très peu se sont arrêtés pour l’écouter et personne ne le reconnut. Deux jours auparavant, ce talentueux musicien jouait sur la scène de l’Opéra et le théâtre affichait complet.

Le contexte banal de l’entrée du métro, l’apparence sobre du musicien ont suffi pour empêcher les personnes présentes de prêter l’oreille et de percevoir la sublimité de la musique jouée. Peut-on reconnaitre le talent dans un contexte inattendu? Le parfum d’une musique céleste dans les coins sombres et sales du métro?

Prenons le temps de nous arrêter et de lever notre regard vers l’A(a)utre, que notre connaissance-méconnaissance ne bute plus contre l’apparence et le déjà-vu/connu, réélaborons-la afin de saisir la Révélation du Père en chacun.e

Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)

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