Méditation quotidienne du mercredi 1 mars : La caravane du Carême (No 164 – série 2022 – 2023)

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Évangile du Mercredi 1 mars 2023 – 1re semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« À cette génération il ne sera donné que le signe de Jonas le prophète » Lc 11, 29-32

En ce temps-là, comme les foules s’amassaient, Jésus se mit à dire : « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération. Lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que les hommes de cette génération, et elle les condamnera. En effet, elle est venue des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas. »

Méditation

Lire l’extrait d’aujourd’hui c’est comme naviguer aux confins d’histoires fabuleuses de confinement baleinier, de sagesse légendaire et de somptuosité royale. Passé l’enchantement de retrouver de tels récits dans la Bible, cette méditation m’interroge : quel est donc ce cheminement spirituel qui se fraye entre Jonas et Balkis pour aboutir en Jésus, ce prophète qui est plus que Jonas, ce roi qui est plus que Salomon ?

Pour la génération tourmentée à laquelle j’appartiens, Jonas est ce prophète à la vocation refusée, qui s‘est enfui de son Dieu à bord d’une embarcation dont il sera jeté par-dessus bord pour cause de mauvais sort. Semble-t-il qu’il dormait un peu trop confo durant la tempête, voilà qui rappelle un autre sommeil du juste en pleine ondée. Jonas finira englouti dans les entrailles d’une baleine, la prière insistante et la peur humidifiée. Le confinement et l’intimité de Yahvé lui feront prendre à nouveau le chemin de la volonté divine, en direction d’une Ninive bientôt convertie. Au cœur de ses mésaventures, Jonas passera de la fuite à sa délivrance dans une quête vocationnelle d’abord dictée par sa peur. Deux fois la parole de Yahvé lui sera adressée : « Lève-toi » (Jon 1.1-2; 3.1-2). Ce sera dans son abandon et son consentement qu’il se lèvera enfin pour devenir annonce et signe : « À la racine des montagnes j’étais descendu, en un pays dont les verrous étaient tirés sur moi pour toujours. Mais de la fosse tu as fait remonter ma vie » (Jon 2.7). Et puis survint, au détour d’un verset, l’émerveillement : « Dieu vit ce qu’ils [habitants de Ninive] faisaient pour se détourner de leur conduite mauvaise. Aussi Dieu se repentit du mal dont il les avait menacés, il ne le réalisa pas (Jon 3.10) ». Un Dieu muable, remuable qui nous visite dans nos enfermements, qui s’adresse à moi jusque dans le ventre de l’absurdité, pour me relever, me tirer de la fosse. Dieu qui me délivre et se délivre grâce à moi. Bien entendu, Jonas serait loin de partager mon ravissement, fâché à mort sous son ricin.

De la délivrance, ce chemin de carême bifurque vers la reconnaissance. Balkis, la reine de Saba (Yémen) ou de Midi traverse les écrits, depuis le Talmud, et les récits éthiopiens en passant par le Coran jusqu’à l’évangile de Luc. Accompagnée de sa merveilleuse caravane, la reine déposera ses présents et ses énigmes au pied du roi Salomon qui se fera présence accueillante et sage réponse. Si certains exégètes voient en elle la narratrice du Cantique des Cantiques, tous nous repartons envoûtés avec sa caravane par l’intime et le sublime de sa foi : « Ce que j’ai entendu dire sur toi et ta sagesse en mon pays était donc vrai! Je n’ai pas voulu croire ce qu’on disait avant de venir et de voir de mes yeux, mais vraiment on ne m’en avait pas appris la moitié. » (1 R 3). Comme les rois mages, elle repartira façonnée par ce qu’elle a vu, comblée de sagesse et non plus de richesses, elle rentrera chez elle, en elle, avec un connaître qui confirme et fait vivre en vérité.

Signe de délivrance, signe de reconnaissance, Jésus s’annonce Sauveur et Messie mais plus encore. Il est Christ qui fera de moi, un autre Christ. En cette veille du deuxième dimanche de carême, ce chemin de Jonas à Balkis est mouvement spirituel. D’abord l’intime de la délivrance, celle de ma liberté libérée du fond de mes fosses. Une vie remontée à la surface de ma conscience, de mes enfances et de mon existence qui m’éclaire sur le sens profond de la repentance. Une repentance en réponse à toutes ces fuites à son appel, à tous ces « Lève-toi » refusés, tous ces dons de soi non déposés à ses pieds, toute sa sagesse et ma sainteté souvent tablettées. Le Carême est une caravane qui m’invite à monter à bord. m’asseoir et écouter la prophétesse peureuse et la reine manquant de foi qui me côtoient. Sur ce chemin cahoteux, la liberté et la sagesse du Christ me sont offertes pour qu’il puisse devenir en moi, plus qu’un roi, plus qu’un prophète, pour qu’il puisse devenir le Christ en moi.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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