Méditation quotidienne du lundi 27 février : Dieu n’est pas une idée (No 162 – série 2022 – 2023)

Évangile du Lundi 27 février 2023 – 1re semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » Mt 25, 31-46

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?” Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Méditation

Nous manquons toujours de quelque chose. La neige tombe et nous grelottons de froid. Le soleil brûle et nous cuisons de soif. Le temps de penser à tout cela… le ventre gargouille et nous avons faim. Le manque nous dit que nous ne sommes pas complets, que nous avons besoin de l’autre pour être nous-mêmes. Notre corps nous pousse à tendre la main pour guetter un sourire, le pain d’une parole. Créé par Dieu, le manque est « très bon » (Gn 1,31), puisqu’il fonde la relation, nous permet de voir l’autre et d’être vu.

Mais, ce manque est parfois mal accueilli, il peut devenir une douleur qui nous expose à des indifférences et des malheurs. Ce manque peut être tellement souffrant que nous finissons par haïr notre condition humaine : alors, le besoin bafoué suscite le dégoût… Et déçus, nous nous disons : ‘’c’est promis… je me débrouillerai tout seul !’’ Le soupçon jeté sur la bonté de la création par le serpent (Gn 3,1) siffle à nos oreilles : « le besoin ne serait-il pas une malédiction qu’il faudrait dépasser par une évasion hors du corps ? » Si je nie ma faim, je serai tout-puissant. Si je m’imagine vivre au-dessus de ma faim, si je plane au-dessus de mon besoin, ne vais-je pas m’élever spirituellement ? Ne vais-je pas m’évaporer dans un ciel plus bleu ? peut-être qu’enfin, en contrôlant mon corps et mes besoins, je sortirai de cette dépendance qui m’attache aux autres ?   

Mais, ce manque, créé par Dieu, contient un appel, il veut dire quelque chose : j’ai besoin de toi, tu as besoin de moi, nous pouvons vivre ensemble dans une relation qui nous tisse l’un à l’autre. Si le chemin vers moi passe par l’autre… et que le chemin de l’autre passe par moi… c’est que ce va-et-vient —qui va de l’un à l’autre— coud une unité de frères. Nous sommes des branches et des feuilles verdies à la même vie. Bois de la même sève, l’humanité se lève comme un seul homme. Car, l’humanité est un seul corps, en millions de personnes unies par ce qui nous sépare : le besoin qui sépare est aussi ce qui nous coud ensemble. Le besoin qui sépare rapproche si l’on se parle, si l’on se regarde. Le Christ nous révèle que ce besoin corporel qui creuse en nous un « rien » (1 Co 1,28) a été choisi par Dieu comme lieu de Sa révélation. Ce corps, troué par tant de vides, est justement le « Temple de l’Esprit » (1 Co, 6,19). La présence du Christ dans le corps est réellement une présence : « j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ». Il ne s’agit pas d’une image, mais d’une réalité. Jésus, le Nom de Dieu, est là… dans un besoin anonyme.

Dieu n’est pas une idée que l’on aime « en pensée ». Le proverbe « Il n’y a que l’intention qui compte » est pris en défaut par celui qui a faim. Saint Jacques rappelle le réalisme de l’amour incarné : « Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? » (Jc 2,14-18)

Dans Sa simplicité, Dieu nous livre au conseil de notre conscience (Rm 12,15), au vécu du corps qui nous tourne vers l’autre. Et lorsqu’Il se rend présent, c’est dans une humilité qui s’efface ! Ce Juge ne réclame rien pour Lui-même, mais seulement des égards pour ses frères humains, nos « semblables » (Is 58,7). Quel est donc ce Dieu qui Se révèle à des personnes qui Le fréquentent sans le reconnaître : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? » Pour être présent, Dieu se voile dans le manque, et c’est dans le manque qu’Il est là.

Notre vie compte aux yeux de Dieu : manger ou ne pas manger, boire ou ne pas boire, avoir un toit sur la tête ou être exposé à tous vents… tout cela compte pour Dieu. Chaque cheveu compte (Lc 12,7). Le Jugement Dernier est donc une bonne nouvelle.

Pourtant, ce Jugement Dernier suscite l’effroi, car nous avons tous donné du pain à celui qui avait faim et nous sommes tous passés avec indifférence devant la misère… Comment serai-je jugé ? Nous avançons devant le Juge avec crainte tant nous mesurons nos manquements. De quel côté tomberons-nous ? A droite ou à gauche ? Vraisemblablement des deux côtés… tant le bon grain et l’ivraie sont mêlés dans notre champ. « Que tout en nous n’était pas condamnable, que durant toute notre vie, depuis notre petite enfance, nous n’avons pas dit seulement non à l’amour : voilà ce que nous voudrions espérer de la grâce du juge. » (Cardinal Hans Urs von Balthasar, Credo, VII, 2). N’imaginons pas un Jugement Dernier comme la sentence mécanique d’un tribunal impersonnel. N’imaginons pas le Jugement Dernier sans ce Juge pour lequel l’amour n’existe pas sans la justice, et pour lequel la justice n’existe pas sans l’amour !

Nous avons besoin de pardon. Que ce besoin de clémence, qui se réveille en nous en méditant le Jugement, devienne une bonne nouvelle ! Pleins d’une espérance qui ressent le besoin de miséricorde, tournons-nous vers nos frères et sœurs, eux aussi dans le besoin. Osons également exprimer nos besoins, osons nous rendre vulnérables pour être accueillis par l’autre comme nous aimerions être accueillis par le Christ.   

Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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