Méditation quotidienne du dimanche 19 février : L’humain démesuré en Dieu (No 154 – série 2022 – 2023)

Image par Antonio López de Pixabay

Évangile du Dimanche 19 février 2023 – 7e dimanche du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Aimez vos ennemis » Mt 5, 38-48

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos !
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

Méditation

Avec la méditation de dimanche dernier, nous avons saisi que la Vérité est créatrice et ne se rencontre et ne se découvre que dans notre relation au Christ, qui est la Vérité. Une telle réalité signifie que la Vérité ne se saisit qu’en relation et que, à ce titre, elle ne peut qu’être Amour.  Si Elle ne devient Amour, elle se rigidifie et devient moraliste. Elle se fait alors jugement et condamnation jusqu’à effacer la personne. De la même façon, l’Amour ne peut être qu’une mise en Vérité de l’Être, donc de soi, de l’autre et de Dieu, et le lieu de sa révélation dans le don mutuel des personnes.  Là aussi, un Amour sans Vérité devient une chiffe molle, qui ne saurait que dissoudre l’unicité de la personne et, ainsi, dans la relation abolir les différences créatrices.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, selon cette charte de la Vérité, nous sommes conduits plus loin et plus profondément. Et les deux sujets qui y sont traités sont introduits par un commandement ancien puis confrontés à la révélation nouvelle d’une Vérité lumineuse qui conduit à un bouleversement.

Le premier sujet est « Œil pour œil, et dent pour dent » et la Vérité lumineuse est « À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! ». Encore une fois, le « Eh bien ! moi, je vous dis » du Seigneur fait éclater la Vérité en nous afin de nous faire entrer dans les profondeurs de l’Amour.

« Œil pour œil… »  implique qu’au mal nous répondons par un mal proportionnel mais Jésus répond que le mal est, à sa façon, une demande d’un autre qui nous appelle à offrir du Bien.  Et Il l’illustre par trois situations : au soufflet sur la joue droite, tend l’autre; au procès pour obtenir ta tunique, laisse-lui même ton manteau et à une course d’un mille, fais en deux avec lui.

La première situation selon « œil pour œil… », nous serions en droit de le frapper en retour avec la même force.  Mais Jésus appelle à tendre l’autre joue. En d’autres mots, à ne pas chercher la justice du mal mais à lui offrir non pas une deuxième joue à frapper mais une joue présentée comme une tendresse d’humanité, une joue proposée avec Vérité par et en l’Amour. Une façon en somme de susciter en l’autre, ce qu’il a de plus grand chez lui, son humanité la plus profonde, et de lui révéler la Vérité grande et digne de qui il est.

C’est la même affirmation avec la tunique. Au lieu de lui réclamer une autre tunique, nous sommes appelés à lui laisser notre manteau.  On se souvient du manteau d’Élie qu’Élisée voulait absolument recueillir afin d’avoir part au don, à la gloire et à la mission d’Élie. Plus que la tunique, Jésus nous demande de partager à l’autre le don, la mission et la gloire que Dieu a mis en nous et qui est le don même de Dieu que nous sommes.

Quant à la course d’un mille, pourquoi ne pas en faire deux « avec lui ».  Et que, de cette relation, à laquelle on donne du temps et de la distance, puisse jaillir la découverte de la Vérité pleine et belle de l’être de chacun.e jusqu’à en éprouver un Amour mutuel.

Dans les trois situations, au lieu de faire payer l’autre, de lui reprendre ou de lui refuser, Jésus nous dit que la clef de l’Amour est la Vérité de notre dépossession pour l’A(a)utre : « À qui te demande, donne ». Ainsi, à celui qui vient nous frapper, nous ravir ou nous exiger de par le mal, on ne tourne pas le dos mais on lui présente un visage humain aux traits de Dieu ou un visage Divin aux traits humains.

Le deuxième sujet est « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi » lequel est confronté à « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent ».  La Vérité qu’Il révèle conduit à la profondeur réelle de l’Amour divin auquel notre amour doit prendre sa source pour devenir « parfait ». Il ne s’agit pas d’haïr l’autre selon la règle du mal mais de l’aimer afin de le libérer justement de ce mal qui le réduit et qui le conduit à réduire les autres.  C’est à cette profondeur de l’Amour que nous sommes appelés en contemplant en l’autre non pas son mal mais la Vérité de qui il est aux yeux de Dieu et, comme le Père, de l’aimer. Ce pouvoir de voir la Vérité de Dieu en l’autre et la Vérité de l’autre en celle de Dieu nous conduit, comme dit le texte, à « être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ».  Nous voyons ainsi dans l’autre ennemi, l’être blessé mais plus encore l’être qui a un prix infini aux yeux de Dieu… et qui doit avoir un prix infini aux nôtres. Non seulement sommes-nous alors filles ou fils mais nous participons à la paternité et la maternité du Père qui, par notre amour et notre prière, engendrent les autres.  Nous devenons alors « parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

« Eh bien ! moi, je vous dis », la Vérité doit vous conduire jusqu’à la profondeur infinie et réelle de l’Amour ! Nous ne sommes pas appelés à mesurer l’humain et sa faute mais à le démesurer dans l’Amour, et ce, en étant pleinement humains par, avec et en Dieu !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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