Méditation quotidienne du vendredi 17 février: Porter nos croix ! (No 152 – série 2022 – 2023)

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Évangile du Vendredi 17 février 2023 – 6e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera » Mc 8, 34 – 9,1

En ce temps-là, appelant la foule avec ses disciples, Jésus leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ? Que pourrait-il donner en échange de sa vie ? Celui qui a honte de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »
Et il leur disait : « Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le règne de Dieu venu avec puissance. »

Méditation

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »

En lisant ces versets bien célèbres, ma première réaction serait de démissionner et de m’enfuir; suivre Jésus semble être une mission suicidaire, un contrat de souffrances! D’ailleurs, ces paroles ont longtemps servi à de bien mauvais usages, à un discours à accents doloristes selon lesquels la souffrance, l’expiation et la pénitence résumeraient la volonté de Dieu pour l’humain. Jésus qui était constamment ému de compassion, qui guérissait tous ceux qui avaient besoin d’être guéris, Lui qui s’est agenouillé pour nous laver les pieds, qui nous a aimé jusqu’à nous donner Sa vie, peut-il vraiment nous contraindre au dolorisme? nous demander de souffrir pour devenir de bons disciples?

Le message au cœur de l’Évangile est celui de la célébration de la vie, de la beauté, de la dignité, de la santé physique, mentale et spirituelle, de l’amour et de la fécondité; la foi est Joie et Vie. Notre relation/filiation avec Dieu ne peut pas déboucher dans la souffrance, sinon ce serait désespérer de Dieu et de l’homme.

La croix, et parfois les croix, c’est la vie qui les place le plus souvent sur nos frêles épaules. Pas besoin d’en inventer d’autres, ni de rendre notre vie souffrante par un martyrisme forcé. Jésus précise bien, « qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive », que tu prennes ta croix et que je prenne la mienne. Notre vie est parfois traversée par une pesanteur de douleurs diverses qui nous éprouvent et alourdissent nos pas. Chacun.e connaitra ses propres croix qui jalonneront sa vie, la croix du corps, des maladies, des problèmes de santé, la croix du cœur, de la séparation, du deuil, de l’inquiétude, des blessures relationnelles…, la croix de la solitude ou celle de la vie commune, les épreuves de la vie communautaire comme celles de la vie familiale, la croix de ceux qui sont au chômage et dans la précarité, ou la croix de ceux qui plient sous la charge de leur travail. Il y a également ces croix silencieuses mais déchirantes et lancinantes, celle des incompréhensions, des injustices, des ingratitudes, la croix à porter pour rester fidèle, et la croix qui nous atteint au creux même de notre fidélité.

Porter notre croix, c’est la regarder et la reconnaitre, l’accueillir et l’assumer, l’élever et se lever avec elle. Porter notre croix, c’est s’étreindre soi-même avec l’entièreté de notre être, enlacer nos forces et nos fragilités, nos zones en santé comme celles souffrantes, nos réussites et nos échecs… nous lever en fixant notre regard sur l’essentiel, en replaçant nos souffrances sur l’axe de l’A(a)mour et nos déroutes sur celui de l’espérance. Porter nos croix avec la confiance et l’assurance que nous ne sommes pas seul.es, que Dieu les portera avec nous.

Ce ne sera assurément pas un chemin facile à traverser, il peut même nous sembler insurmontable humainement de continuer à porter les croix de l’injustifié et de l’injustifiable, de rester fidèle à l’A(a)mour lorsque l’amour même est poignardé en nous, de continuer à espérer lorsqu’il nous semble que notre chemin débouche dans la mort. Notre foi n’est pas un anesthésiant pour nous faire oublier la rudesse de la vie, elle se pose et s’ancre dans notre monde réel.

 Etty Hillesum résume en quelques mots ce chemin d’humanité avec ses croix : « Les quelques grandes choses qui importent dans la vie, on doit garder les yeux fixés sur elles, on peut laisser tomber sans crainte tout le reste. Ces quelques grandes choses, il faut apprendre à les redécouvrir sans cesse en soi pour s’en renouveler ».

Puissions-nous retrouver sans cesse au plus profond de nous le sens de nos chemins, de nos croix et de notre vie.

Puissions-nous apprendre à lire à travers nos croix, apprendre à apercevoir la lumière au bout de l’obscurité, pressentir la joie d’un malheur converti, espérer la vie nouvelle une fois la mort franchie.

La Croix de Jésus était injustifiable humainement, mais en entrant dans le dessein d’Amour de Son Père, Il a choisi de mourir pour les hommes qui le mettaient à mort; face à l’injustifiable violence Il a consenti à l’incompréhensible Amour pour que se révèle l’impensable Gloire de Dieu qu’Il offre à l’homme, Son Royaume éternel.

Porter nos croix avec Lui c’est marcher sur cette mince tangente qui nous fait basculer du versant de notre humanité vers celui de notre divinité, du versant des hommes vers celui de l’Éternité, du versant de notre avenir vers celui de Dieu pour nous. 

Consentir à Le suivre avec et malgré nos croix, c’est Lui permettre de les convertir en chemin de Vie. Nos croix se dressent devant nous sur nos chemins, souvent à notre insu, portons-les pour les dépasser et avancer avec la confiance que Dieu peut se retrouver même dans nos buissons d’épines et de feu.

Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)

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