Méditation quotidienne du dimanche 12 février : La charte de la Vérité (No 147 – série 2022 – 2023)

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Évangile du Dimanche 12 février 2023 – 6e dimanche du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il a été dit aux Anciens. Eh bien ! moi, je vous dis » Mt 5, 17-37

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. Je vous le dis en effet : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.
Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou.
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne. Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier qui s’en aille dans la géhenne. Il a été dit également : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui renvoie sa femme, sauf en cas d’union illégitime, la pousse à l’adultère ; et si quelqu’un épouse une femme renvoyée, il est adultère.
Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne manqueras pas à tes serments, mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel, car c’est le trône de Dieu, ni par la terre, car elle est son marchepied, ni par Jérusalem, car elle est la Ville du grand Roi. Et ne jure pas non plus sur ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais. »

Méditation

L’Évangile de ce jour nous offre une charte de la Vérité et précise notre rapport avec Elle et, conséquemment, au Christ, qui est la Vérité incarnée.

Jésus nous dit d’abord : « ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » La Vérité n’est donc pas une petite chose relative, pour ne pas dire insignifiante, car Elle a participé à la création du monde, est à la source de tout être, s’inscrit dans toute loi et est le cœur du prophétisme de toute vie humaine. Elle est l’expérience d’une Présence divine, celle du Fils, traversant toute l’histoire humaine et se rencontrant au plus profond de nous-mêmes. Elle est cette révélation continue de Dieu qui illumine notre chemin et nous guide, tout en nous communiquant la Vie. Elle est donc un moteur de Vie tout autant que l’Amour.

Le cœur de la transmission de la Vie est ainsi liée à la Vérité. Non seulement Elle ancre chaque personne dans la Vérité de son être et de l’Être mais Elle lui donne d’être, dans cette connaissance que lui donne la Vérité, un passeur de Vie.  Sans Elle, l’humain reste clos sur lui-même, loin de la Présence, de sa propre présence et de celle des autres. Un être sans la Vérité est un être isolé qui ne peut communier à la Vie ni connaître la communion du Créé et des êtres humains en cette Vie. « L’abolir » serait donc nié à la fois l’humain et le Divin.

Cette Vérité n’est donc pas un « dogmatisme » statique mais un chemin où tout être, à la suite du Christ, doit en être l’incarnation originale et unique. La Vérité est créatrice, car c’est par Elle que tout fut créé et que tout, par la suite, fut sauvé. En cohérence avec cette Vérité, notre propre existence ne doit pas être le lieu pour « l’abolir, mais l’accomplir ». Et seule notre rencontre avec le Christ nous donne de participer à cet accomplissement de la Vérité que Jésus désire réaliser et incarner par, avec et en nous.

Toute notre vie doit être enseignement de cette Vérité, non seulement par des paroles mais par le témoignage d’une vie saisie de l’intérieur par cette Vérité, continuellement unie à Elle dans une réelle rencontre avec le Christ. De cette façon, notre histoire s’inscrit dans l’histoire de la Vérité en l’incarnant comme un évangile vivant et en devenant expression réelle de la justice de Dieu. Elle n’est pas un Évangile en mots mais un Évangile qui se révèle dans le don de notre être en la Vérité.

C’est pourquoi le texte se termine ainsi : « Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’, ‘non’, si c’est ‘non’. Ce qui est en plus vient du Mauvais. » Jésus affirme donc l’importance de notre accord intérieur à la Vérité par un « oui » ou un « non » bien choisi.  Si notre être ne trouve cette harmonie intérieure en la Vérité, c’est le « Mauvais » qui s’immisce en lui; le mal étant une désaxement de notre être à l’égard de la Vérité. Nous devenons comme disloqués intérieurement et à distance de qui nous sommes vraiment. Et si nous avons vraiment été créés par la Vérité et ne pouvons que naître d’Elle, cela signifie que, à tous tous ceux qui « l’ont accueilli(e), il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » et ainsi participer à la Vie et à la Vérité du Fils, « engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jn 1,12-13).

En comprenant donc que la Vérité est créatrice et qu’Elle s’incarne en nous comme la source de notre être, cela signifie qu’Elle est chemin et, qui dit chemin, invite à un choix (un oui-oui, un non-non) qui implique un combat intérieur et un dépassement continuel de nous-mêmes.  Tout le reste du texte explicite ce combat et appelle à se centrer sur le Christ pour entrer dans la plénitude de la Vérité. C’est pourquoi Jésus ne cesse d’y répéter  « Eh bien ! moi, je vous dis », nous invitant au dépassement de la Loi et des Prophètes par l’immersion qu’Il nous offre dans la Vérité trinitaire.

Suivent donc, dans le texte, trois exemples de combat en lien avec la Vérité. Prenons-en deux pour expliciter leur rapport à la Vérité. Le premier choisi tient à ce commandement « Tu ne commettras pas de meurtre » que Jésus élargit à toute haine que nous pouvons avoir entre nous (colère, insulte, injures…). Il nous dit donc que toute haine de l’autre est un meurtre, car il atteint la personne dans son rapport à la Vérité et atteint sa foi en la Vérité qu’il porte et qu’il est. La Vérité est à la racine de notre être, c’est Elle qui nous constitue en une identité unique qui nous vient de Dieu, en une parole de Dieu unique dans l’Unique Parole qu’est le Fils. Si, au lieu de croire en la beauté du témoignage à la Vérité de l’autre qu’il est dans le Fils, nous enténébrons alors la Vérité en lui et nous opérons, ce que Maurice Bellet appelait un « meurtre de la Parole », celle unique de l’autre. Cette mesure de haine que nous faisons reposer sur l’autre sera cette mesure même qui nous mesurera. C’est elle, en nous, devant Dieu, qui « nous livrera au juge, le juge au garde, et qui nous jettera en prison, jusqu’à ce que nous ayons payé jusqu’au dernier sou ».

Le deuxième exemple a rapport à l’adultère et au regard d’envie et de convoitise que notre œil, et donc notre cœur, a envers la femme mais, aussi, tout humain. « Adultérer » signifie « falsifier », c’est-à-dire que le regard que nous portons sur l’autre « altère » ou « fausse » notre rapport à la Vérité qu’il incarne et la nôtre. Car il nous faut bien comprendre que la Vérité est condition de l’Amour et l’Amour condition de la Vérité. Nous ne pouvons aimer et demeurer et laisser l’autre demeurer en la Vérité en « trompant ». Un tel chemin, Jésus nous avertit, nous conduit à la mort, car il tue ce qu’il y a de plus vital en nous, à savoir Dieu en nous et nous, en notre vérité, en Dieu.

En conclusion, nous pouvons dire que tout ce que nous vivons nous met en rapport à la Vérité, soit en s’y accordant soit en s’en éloignant. Notre être est né de la Vérité et est continuellement engendré par la Vérité qui est le Fils afin que nous ayons part à la Vérité trinitaire. Toute l’histoire humaine et la nôtre sont une histoire d’incarnation de la Vérité. Cet Évangile nous éveille donc avec force comment il est important d’accorder notre oui au oui de la Vérité et notre non à son non, car alors ce qui provient de nous  « ne vient pas du Mauvais ».

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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