Méditation : Vivant est le travail (No 122 – série 2022-2023)

Évangile du Mercredi 18 janvier 2023 – 2e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Est- il permis, le jour du sabbat, de sauver une vie ou de tuer ? » Mc 3, 1-6

En ce temps-là, Jésus entra de nouveau dans une synagogue ; il y avait là un homme dont la main était atrophiée. On observait Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat. C’était afin de pouvoir l’accuser. Il dit à l’homme qui avait la main atrophiée : « Lève-toi, viens au milieu. » Et s’adressant aux autres : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de tuer ? » Mais eux se taisaient. Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, il dit à l’homme : « Étends la main. » Il l’étendit, et sa main redevint normale.
Une fois sortis, les pharisiens se réunirent en conseil avec les partisans d’Hérode contre Jésus, pour voir comment le faire périr.

Méditation

Un homme à la main devenue desséchée, sans peau et sans vie. Probablement sans travail aussi. Un homme de seconde main. Une indignité maintenue par une prescription insensée: guérir un jour de sabbat est interdit, la guérison est travail. En accompagnement spirituel, nous le savons bien, la guérison, la libération, la dignité recouvrée sont toutes travail, un travail auquel Dieu œuvre. Malgré que Dieu se soit reposé de sa création, le travail lui s’est poursuivi en sa création et sous son impulsion. En nos intériorités travaillées, en nos accouchements accompagnés, la main de Dieu touche, relève et bénit du dimanche au lundi. Au fond, ce qui rend vivant est travail. Y aurait-il donc une interdiction, même temporaire, de rendre à la vie, d’œuvrer au vivant ? Jésus pose la question malgré l’absurdité : y a-t-il permission de laisser mourir par refus d’assistance, par indifférence ou par une piété mortifère ? Si le religieux n’est pas le souci premier du prochain, alors quel est-il ? Et le prochain peut-il être une main, un homme ou un chien ? L’exception existe et les Pharisiens la connaissent bien, mais il s’agit de manipuler, de surveiller, de coincer le faux prophète. Il s’agit d’évider le religieux du souci et du prochain car ce Fils de l’homme, annoncé par Daniel, leur fait ombrage. Il guérit ceux que l’on tient au loin, les lointains comme les exclus. Ces desséchés qui s’empilent, ce sont eux sur lesquels les maîtres et autres autorités s’élèvent sans souci et sans prochain. Sur lesquels, ils règnent à l’aide de 613 commandements retranscrits par leurs mains de maître.

La scène est saisissante. Jésus, blessé par la dureté de leur cœur, guérira avec rage et sans joie. La main reprend vie mais sans le travail spirituel de guérison. Sans toucher sa main, sans planter son regard dans le sien, sans lui demander s’il veut guérir, sans lui pardonner ses péchés, sans l’envoyer en sa demeure. Sans la joie d’être annoncé et témoin pour le prochain. L’homme est ordonné de se tenir debout et seul, au milieu des regards. Debout et seul, la prière interrompue et la main tendue. C’est une guérison comme un compte-rendu, c’est ainsi que Marc l’a décrit.

Dans ce passage, la guérison est signe et moins rencontre, elle est acte de rétablissement plus que travail de profonde libération. Joie, consentement, tendresse, reconnaissance, accueil, écoute, proximité tant de dimensions dans le travail d’humanisation, tant de dispositions dans le travail d’accompagnement du divin en l’autre. C’est le travail qui vivifie. Et puis la colère de Jésus est justifiée parce qu’au fond c’est Dieu qui travaille au cœur des guérisons. Par la liberté du Christ et par la dignité de la main tendue. Prétentieux de croire que l’homme peut, seul et en un tour de main, guérir l’autre, lui rendre la vie vivante. Périlleux de croire que Dieu agit à travers l’humain et les cœurs enflammés pour le libérer, le glorifier et le vivifier, qu’il prête main forte à partir des empilés et des indignés pour rabaisser les mains qui écrasent, les mains jointes et celles qui tuent. Bienheureux ceux et celles qui croient que nous sommes les mains de Dieu. Ceux et celles qui tendent la main au cœur de l’accompagnement, cette relation si précieuse qui n’est pourtant qu’un instrument pour travailler ce qui rend vivant… et qui rend pourtant pleinement vivant tout en repartant les mains vides.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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