Méditation : Le repos sacré de Dieu (No 121 – série 2022-2023)

Image par Joe de Pixabay

Évangile du Mardi 17 janvier 2023 – 2e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat » Mc 2, 23-28

Un jour de sabbat, Jésus marchait à travers les champs de blé ; et ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. Les pharisiens lui disaient : « Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Cela n’est pas permis. » Et Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui-même et ceux qui l’accompagnaient ? Au temps du grand prêtre Abiatar, il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de l’offrande que nul n’a le droit de manger, sinon les prêtres, et il en donna aussi à ceux qui l’accompagnaient. »
Il leur disait encore : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. »

Méditation

Chaque fois que j’entends cet Évangile ou d’autres passages qui nous montrent l’attitude de jugement des pharisiens, je me pose la même question ! Ces pharisiens n’avaient-ils donc rien d’autre à faire que de passer leur temps à épier les autres ? On dirait qu’ils suivaient Jésus et ses disciples à la trace, toujours prêts à les observer et à juger leurs comportements. « Avoir du temps pour cela » – épier, calibrer les comportements des autres selon la loi – n’est-il pas déjà en soi une question qui mériterait réflexion ?  Mon temps ne vaut-il pas pour plus que cela ? N’est-il pas plus précieux que pour cela ?

Ce jour-là, donc, alors que Jésus et les siens marchaient à travers les champs, des pharisiens prirent les disciples en flagrant délit d’arracher des épis de blé. Or, aux disciples qui cherchaient à calmer leur faim, ils ne disent rien. C’est à Jésus qu’ils s’adressent : « Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Cela n’est pas permis. » Voilà le problème, la faille ! Malheureusement pour les disciples, ce jour-là était un jour de sabbat et donc, il n’était pas permis – selon la lecture étroite des pharisiens – de faire cela !

Comme j’aime – et je me sens invitée à apprendre à faire de même – comment Jésus répond à cette critique des juges. Il aurait pu se sentir visé par ce « Regarde ce qu’ils font, tes chers disciples ! Quelle éducation leur as-tu donnée pour qu’ils se permettent d’agir ainsi ! » Mais non ! Très sereinement Il leur répond en les mettant face à face avec leur « étroitesse ». « Vous êtes de grands connaisseurs de l’Écriture et des Lois de Dieu, mais … « n’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui-même et ceux qui l’accompagnaient ? » Et Jésus leur en fait le récit en achevant par cette phrase qui nous est bien connue : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. »

Ce « n’avez-vous jamais lu ce que fit David… ? » a dû les humilier fortement … Bien sûr qu’ils devaient déjà l’avoir lu ce passage de l’Écriture, très bien le connaître même! Mais l’intention de Jésus est de leur montrer combien leur « lecture de la Parole de Dieu » en reste à la « lettre » et non pas « dans l’Esprit ». Cette lettre qui « tue » – dit St Paul dans la 2ème lettre aux Corinthiens[1] – alors que « l’Esprit donne la vie ». « Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez y trouver la vie éternelle ; or, ce sont les Écritures qui me rendent témoignage, et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! » (Jn 5, 39-40). Elle est poignante cette affirmation de Jésus, et tellement vraie. Et c’est justement cette Parole « écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur (les) cœurs » que Jésus tout au long de ses années missionnaires a gravée dans le cœur de Pierre, d’André, de Philippe et du reste des Douze.

Pour ses disciples de Galilée comme pour nous, ceux de ce début de 2023, Jésus n’a qu’un seul désir : nous faire grandir toujours plus dans la profonde liberté des enfants du Père. Ce qu’Il veut c’est que la Vie de l’Esprit circule dans nos cœurs, puisse se frayer un chemin en nous, malgré toutes les blessures, les exigences intérieures, les faux crédos sur nous-mêmes qui y demeurent encore… Cela ne veut pas dire enfreindre la loi religieuse, les préceptes, pour les enfreindre volontairement, non !

Jésus bien sûr connaissait Lui aussi les lois au sujet du sabbat, mais Il n’avait et Il n’a de cesse de démasquer l’hypocrisie du cœur qui juge les actes sans reconnaître la personne humaine qui existe derrière ces actes. Jésus voit l’être humain avant tout. Ce jour-là, Il a vu la faim qui tenaillait ses disciples à tel point qu’elle leur fait grappiller au passage quelques épis de blé. « Ce n’est jamais l’homme qui doit entrer dans le cadre de la loi – lisais-je dans un commentaire à cet évangile -, c’est toujours la loi qui doit se mettre à l’échelle humaine. C’est l’homme qui est le nom de la loi nouvelle que Jésus révèle. »

« Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. » Tout est dit-là ! « Le sabbat est un jour saint, un jour ‘consacré à Dieu’, une dîme sur le temps, comme les premiers-nés du troupeau et les prémices de la récolte sont une dîme sur le travail des autres jours. Le septième jour est l’obligation de Yahvé envers son peuple et de ce dernier envers son Dieu. Par le chômage du septième jour, il imite le repos sacré de Dieu. Ce temps d’arrêt divin propose à chaque membre de la communauté d’Israël d’accueillir ce moment comme un lieu de rencontre et d’alliance avec le Seigneur son Dieu et avec les autres. »[2]

Voilà le sens profond du sabbat que le Dieu d’Israël a voulu partager dans l’alliance avec son peuple. « Le sabbat a été fait pour l’homme », pour qu’il se repose dans la relation amoureuse avec son Créateur. Rien d’autre que cela ! « Le sabbat a été fait pour l’homme » pour qu’il apprenne à déposer dans les mains d’un plus grand que lui ce qui le dépasse, ce qu’il ne peut porter seul. C’est cela qu’a dit Dieu dans les mots du poète Charles Péguy, « Le secret d’être infatigables », que l’Esprit m’a rappelés en méditant ce passage d’aujourd’hui.

« Voilà le secret d’être infatigables. C’est de dormir. Pourquoi les hommes n’en usent-ils pas ?

J’ai donné ce secret à tous les hommes, dit Dieu. Je ne l’ai pas vendu.

Celui qui dort bien, vit bien.  Celui qui dort, prie. Aussi celui qui travaille, prie.

Mais il y a un temps pour tout. Et le sommeil et le travail. (…)

Pourtant on me dit : qu’il y a des hommes qui ne dorment pas. (…)

Je n’aime pas celui qui ne dort pas, dit Dieu.

Le sommeil est l’ami de l’homme. Le sommeil est l’ami de Dieu.

Le sommeil est peut-être ma plus belle création. Et moi-même, je me suis reposé le septième jour.

C’est le grand secret d’être infatigable comme un enfant. (…)

Et de recommencer tous les matins, toujours neuf,

Comme la jeune, comme la neuve Espérance.

Or on me dit qu’il y a des hommes qui travaillent bien et qui dorment mal.

Qui ne dorment pas. Quel manque de confiance en moi ! »

Puissions-nous découvrir ce grand secret du sabbat ! Le secret de renouveler nos forces à chaque instant du jour dans la relation personnelle et unique avec Lui !

Laurence Vasseur, vasseurlaurence@hotmail.com


[1] « Notre lettre de recommandation, c’est vous, elle est écrite dans nos cœurs, et tout le monde peut en avoir connaissance et la lire. De toute évidence, vous êtes cette lettre du Christ, produite par notre ministère, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs. Et si nous avons une telle confiance en Dieu par le Christ, ce n’est pas à cause d’une capacité personnelle que nous pourrions nous attribuer : notre capacité vient de Dieu. Lui nous a rendus capables d’être les ministres d’une Alliance nouvelle, fondée non pas sur la lettre mais dans l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie. » (2 Cor 3, 2-6).

[2] Commentaire sur le sens biblique du sabbat.

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