Méditation : Mendicité d’Amour (No 116 – série 2022-2023)

Évangile du Jeudi 12 janvier 2023 – 1re semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« La lèpre le quitta et il fut purifié » Mc 1, 40-45

En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.

Méditation

Sainte Thérèse d’Avila portait deux mots comme un refrain : silence et action. Le premier la conduisait à la contemplation et à goûter le feu de l’Amour divin. Le second était le débordement du premier vers un monde qu’elle disait « en feu ». À ce monde brûlé au « feu de la haine », elle devait apporter le « feu de l’Amour », c’est pourquoi elle avait cette urgence en elle de fonder de nouveaux monastères afin que chacun d’eux soit un foyer de cet Autre Feu, celui Divin.

Sur la route aujourd’hui, Jésus rencontre un lépreux. Jésus, qui est le « feu même de l’Amour » et la Figure du Dieu invisible, est interpelé par cet homme défiguré, déformé et brûlé par la haine du monde. Quand ce dernier lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier », il est « ému de compassion ».  Ce sentiment profond de compassion naît en Lui pour deux raisons principales.

Lui qui est la Figure parfaite du Père et de l’humain saisit plus que tout autre comment la lèpre du mal non seulement défigure corporellement cet homme mais, aussi, filialement et spirituellement, et donc jusque dans la profondeur de son être.  Quand cet homme lui dit, « si tu le veux, tu peux me purifier », il voit ce que personne ne voit en cet homme : le cri filial de cet homme qui veut naître à sa nature de fils, de fils dans le Fils… don de Dieu unique pour ce monde et riche d’une beauté divine.  Il touche dans ce cri l’Amour du Père pour cet homme comme l’amour de cet homme en recherche de Dieu et de naissance.  Il est touché plus que tout autre, car cet homme crie de Fils en lui, comme fils dans le Fils.

Il se sent alors Lui-même aspiré dans la soif qu’a le Père de cet homme et dans la soif de Fils que porte cet homme. Dans sa Passion comme dans sa compassion, le Fils sur la Croix a rendu visible à toutes et à tous avec quelle intensité le Père mendie d’Amour le don d’Être du Fils. Et cette mendicité trouve sa réciprocité dans celle du Fils qui mendie d’Amour le don d’Être du Père. Le feu d’Amour de cette mendicité est l’Esprit. Jésus est « ému de compassion », mendicité d’Amour éveillée par la défigure du lépreux.

Cet homme qui a tout perdu est rendu au point de chercher l’essentiel. Cet essentiel est ce qui reste quand plus rien du feu du monde ne rassasie, à savoir la soif et la faim de Dieu. À savoir l’expérience très profonde d’être touché.e par la mendicité d’Amour de Dieu.

Sainte Thérèse d’Avila, en regardant « ce monde en feu », n’était pas émue de jugements et de ressentiments envers ce monde et les êtres mais, bien plutôt, de par son expérience du silence, elle était remuée jusqu’aux entrailles par la contemplation en chaque personne d’une Figure de Fils cachée au fond de la défigure humaine.  Au cœur de son action, elle éprouvait la soif et la faim de Dieu qui criait en chaque être. Pour cela, elle était prête à tout donner, à tout abandonner, car il n’y a rien de plus comblant que d’éprouver cette mendicité.

Il y a un tel feu d’Amour en creux de cette haine, une telle Présence au sein de cette absence, une telle Vérité cachée derrière les mensonges du monde. Comme Jésus, à cet instant, ne peut offrir qu’une réponse : « Je le veux, sois purifié. »  En fait, au feu de cette mendicité d’Amour, tout en nous est purifié.

J’aime à entendre cette demande de Jésus, « attention, ne dis rien à personne », non comme une menace mais comme un appel impérieux de passer, cette fois, de l’action au silence.  Si le silence a mené sainte Thérèse à l’action, le chemin de l’action ne peut que conduire au silence. Des événements comme le lépreux vient de vivre doivent déboucher dans le silence, car, s’ils restent qu’action, il y a grand danger de ne pas recueillir toute la grâce qui y est donnée, particulièrement celle d’entrer en soi afin de retrouver sa réelle figure d’humain dans la Seule Figure du Fils et de saisir la soif et la faim de Dieu qui s’y trouvent.  Nous devons chacun.e découvrir en nous « la mendicité d’Amour » de Dieu et s’en laisser brûler, sinon il est bien dangereux de perdre, au cœur de notre action, la Présence de l’Essentiel. Il y a des « rencontres divines » dans nos vies qui demandent le secret de la confession et l’aumône secrète de notre être, car il y a de ces instants qui doivent demeurer protégés.

D’ailleurs, les conséquences que Jésus vit de la non-obéissance du lépreux guéri montrent vite l’envahissement du monde, nous témoignant que cet homme est lui aussi en danger d’envahissement.   Aura-t-il la force alors, comme Jésus, de chercher « des endroits déserts » ?

Trouvons donc, à chaque jour en nous, le feu de l’Amour de Dieu, comme une brûlure au ventre d’une mendicité infinie !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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